Les Turcs sont des
hommes
robustes et assez bienconstruits;il estmême
assez rarede trouver parmi eux des bossuset des boiteux. Lesfemmes
sont ordinairementbelles,bien faites etsans dé-fauts. Ellessont fortblanches, parcequ'ellessor-36
lentpeu,et,
quand
ellessortent,ellessonttoujours voilées.LeshabitantsdelaJudéeressemblentauxautres Turcs;seulementils sontplusbruns
que
ceux de Constantinopleou
descôtesdelamer
Noire,comme
les Arabes sont aussiplus bruns
que
lesSyriens, parcequ'ils sont plus méridionaux.Il enest de
même
des Grecs; ceux delapartie septentrionale delaGrèce sont très-blancs, ceux desîlesou
desprovinces méridionales,bruns. Les Grecs,les Napolitains,les Siciliens,les Corses,les Sardes et les Espagnols, étant situés à peu près souslemême
parallèle,sontassezsemblablespourleteint. Tous ces peuples sont plus basanés que lesFrançais,lesAnglais, les Allemands,les Polo-nais, lesMoldaves,lesCircassiensettouslesautres habitants
du
nordde l'Europejusqu'àlaLaponie, où,comme
nousl'avons fait observer, ontrouveune
autre espèced'hommes.
LesEspagnols sont maigres et assez petits. Ils
ontla taille fine,latète belle, les traits réguliers, les
yeux
beaux, les dentsassezbien rangées,mais leurteintestjaune et basané. Les petits enfanls naissent fort blancs et sont fort beaux; et, en grandissant, leurteintchange d'une manière sur-prenante, l'air les jaunit et le soleil les brûle ; aussi est-il aisé de reconnaîtreun
Espagnol de toutesles autres nations européennes.N'est-il pas singulier que les juifs portent sur eux, dansles quatreparties
du
Monde,lecaractère de l'Orient, leur patriecommune,
c'est-à-direla chevelure courte, noire,crépue, le teintbrun, le37
menton
pointuetleslèvresgrossesàla ligne cen-trale fortementdessinée?Leur langage précipité, leurallure viveet brèveparaissentprovenirdelamême
source.Parmi
tant de peuples divers qui sont soumisau
sceptre russe,enlaissant decôté les habitants de lavasteSibérie, et n'examinantquelesRusses proprement dits, quis'étendent depuis les fron-tièresdelaFinlande, de l'Esthonie etdela Livo-niejusqu'aux confins de l'Asie, ce qui frappele plus danscette nationau
premier abord c'est sa forceétonnante. Elles'annonce parune
large poi-trine etun
coucolossalqui rappelleceluide l'Her-cule Farnèse.Lachevelureet labarbesontnoires, épaisses et rudes; lesyeux
enfoncés et noirscomme du
jais;le front étroit setermine prèsdu
nezparune
courbure. Quelquefois la bouche est fine, mais plus souventgrossière,largement fen-dueetbordée de grosseslèvres. Chezlesfemmes,
les os solides de leurs joues, leurs tempes ren-trantes,leurnez
camus
joignantun
frontrecourbé, n'offrentguèrelestraitsd'une beautéidéale.A un
certain âge, les
deux
sexes prennent aisément del'embonpoint. Leurvertuprolifique passe toute croyance.Les Ukranéens, dont sontformés laplupart des régimentsde Cosaques,diffèrentpresqueautant des autresRusses que les juifs des chrétiens. Ils ont ordinairementdesnezaquilins;ilssontbienfaits, sensuels, paisibles et assez industrieux. Cela pro-vient deceque, depuisbiendessiècles,ilsvivent ensociété,soumisà
un gouvernement
régulier,et38
adonnésàl'agriculture dans
un
pays très-fertile, sousun
ciel àpeu
prèsaussi tempéré que celui delaFrance.Indépendamment
de leurforte con-stitution, cespeuplesmontrentune
grande adresse dansles exercicesdu
corps et beaucoup de finesse d'esprit.C'estdu
vif-argent contredu plomb quand on
lescompareànos gensdu
vulgaire,etl'onne conçoit pas que nosancêtres aientpu
les appeler stupides!L'Allemandesthonteux de ne pas tout savoir:
l'idéed'être prispour
un
ignorantl'effraye, et pour-tant saretenueluidonne
souventl'aird'unhomme
borné. 11se montre fier d'un
jugement
solide et demœurs
pures. 11 est excellent soldat, et le plus érudit peut-êtrede toute l'Europe.Ilestinventeur, maisils'entarguesipeu
quelesétrangerssesont attribué l'honneur de ses découvertes pendant dessiècles sansqu'il s'ensoitdouté. Sa figurenefait pas deloin l'effet d'une peinture à fresque, elle
demande
àêtreétudiée deprès. Sabonhomie
et sabienveillance sontsouventvoiléessous
un
air morose, et il fautbeaucoupd'attention pour sai-sir la diversité de- sestraits. Difficileàémouvoir,il ne parle guère de
lui-même que
leverre en main.Rarement
il connaît sonpropre mérite, etil est tout surpris
quand
onluientrouve.La can-deur,l'amourdu
travail et la discrétion formentles troiscolonnes de son caractère. L'esprit n'est passonaffaire, mais il se nourrit de sentiment.
Le
beau
moral estlevernis dont il veutque bril-lent toutes les œuvres d'art; de là sonextrême indulgencepour tant de monstresqni portent ce39
masque. Sou génie épique et lyrique suit
une
routesolitaire, danslaquelleilse laisseégarer par desfantômes gigantesques,etdifficilementguider par des apparitions lumineuses. Modéré dans la jouissance des biens decettevie,ilapeu
de pen-chant àla sensualité,et ilfuit lesexcès.D'un
au-tre côté, il esttoujours roide, compasséetmoins
sociable
que
ses voisins.Parmi
touteslesnations,leFrançaisestsanguin parexcellence. Bon, léger, avantageuxetingénu,il conserve
une
heureuse gaieté jusque dans la vieillesse la plus avancée. Toujoursprêt à saisir leplaisir, ilestl'homme
desociétéleplusparfait.Il se permetbien deslicences, mais ilen permet autantaux autres,
pourvu
qu'ils se reconnaissent étrangers,etluilaissentl'honneurd'êtreFrançais.Sa
démarche
est dansante, son langage sans ac-cent, son oreille sans justesse.Son
imagination poursuit les détails des objets avec la rapidité d'unependuleà secondes, mais elle produitrare-ment
ces coups forts et distincts, capablesde ré-veiller l'attention d'une nation. L'esprit est son apanage. Sa figtire ouverte annonce, de prime abord, mille choses aimables. 11 ne sait point se taire. Sa bouche est-elle fermée, sesyeux
et les muscles desonvisage parlent encore; aussisa lo-quacitéest-elle parfoisétourdissante;maissabonté naturellevoiletoussesdéfauts.Quelquedistinguée quesoitsafigure,elleest difficileàdécrire,car au-cunenation n'asipeudetraitsmarqués
ettantde mobilité.LeFrançaissaittoutexprimerparsa phy-sionomieetparsongeste,etilnepeutriendéguiser.40
L'Anglais ala
démarche
droite, etquand
il se tient debout,il est d'uneroideurimmobile. Avec des nerfs vigoureux, il résiste aux exercices vio-lents. Ce quile distinguespécialement des autres peuples, ce sontlesmusclesarrondiset égaux de son visage.Dans
le silenceet le repos, saphysio-nomie
nerévèlepas l'esprit et les capacités qu'il possède àun
degrééminent.Son
œilse taitet ne cherche pas à plaire; son caractère est simplecomme
son costume. 11 ne ruse point, mais se tientsurses gardes,etiln'y aqu'unsotquipuisse tenterde le duper.Trop brave pourchercherquerelle,ilne se pos-sède plus dès qu'ilestirrité.
Comme
ilnese sou-cie pas deparaître différentde ce qu'ilest, il dé-teste lesprétentions de ceux de sesvoisinsquise parent d'avantages qu'ils ne possèdentpoint. Ja-loux de son existence privée,il s'inquiètepeu
de l'opinion publique, quitteà passer pouroriginal.Son
imagination ressembleau
feu de lahouille;sansjeter ni
flamme
ni éclat,elleproduitune
cha-leur durable. L'Anglais aune
patience opiniâtre danslesinventions. Invariable danssesprincipes, c'estcette persévérance qui a créé etsoutenuson esprit national, les lois de son gouvernement;développésoncommerce,son industrie etsa puis-sancemaritime. Sa probité lerendobservateur re-ligieux desa parole. Iln'estpaslibertinpar goût, maisilaffiche quelquefoislathéorie
du
vice.Paisible,apathique, borné,leHollandaissemble nerien vouloir. Sa
démarche
etson regard n'ex-primentrien,et l'on peut converser des heuresil
entières avec lui sans qu'il lui arrived'émettre
une
opinion.11n'estpashomme
às'embarquersur lamer
orageusedes passions;ilyverraitnaviguer toutes les nations qu'il ne s'émotionnerait pas.La
possessionet le repos sont ses idoles, etil s'oc-cupeuniquement
desarts capables deleslui pro-curer. Ce principe de s'assurer lapropriété tran-quilledece qu'ila acquis, constituemême
l'essence desesloispolitiques et commerciales.Peu
préoc-cupédes contestations desesvoisinssur dessujets intellectuels, ilesttrès-tolérant,pourvu
qu'on ne touche ni àsoncommerce
ni àsonculte.Le typedominant
de cette nation reparait dans ses ou-vrages philologiques; poésie et imagination l'in-téressent fortpeu.Un
fronthaut, desyeux
àdemi
fermés,un
nez charnu, des jouespendantes,une
bouche béante, des lèvres plates,un
largemen-ton, tels sontlestraits prédominants
du
Hollan-dais.La
physionomiede l'Italien esttouteàme;
son langageune
exclamation etune
gesticulation con-tinuelles. Il estadmirablementfait,car dansson pays résidelabeauté.Un
front court, les os delajoue bienprononcés,
un
nez accentué,une
bouche élégante attestent ses droits de parenté avec l'an-cienne Grèce.Lefeude sonregardprouvejusqu'à quel pointle développement desfacultés intellec-tuellesdépend
des influencesd'un heureuxclimat.Son
imaginationtoujoursactive sympathise avec-tout cequil'environne. Son esprit sembleun
re-fletdelacréation entière. Enfin,chezl'Italientout estpoésie,musique
et chant,et lesublimedel'art42
estsa propriété.
La
populace seule peut, enItalie, passerpourperfide; danstoutlerestedelasociété onrencontre les sentiments les plushonnêteset les plusgénéreux.LesSuisses n'ont pas,à l'exceptionde leur franc regard, de physionomie nationale. Ils diffèrent entreeuxautant queles peuples lesplus éloignés lesuns des autres. Ainsi, le paysandelaSuisse françaiseetcelui d'Àppenzelneseressemblent au-cunement, et chaque canton présente des diver-gencestrès-sensibles. Par exemple,leZurichoisest d'une taille
moyenne,
plutôtmaigreque
gras,ou
biendonnant dansl'undeces deux extrêmes;nez ordinaire,yeux
sans vivacité; traits ni hardisni timides. Sans compterdebeauxhommes,
la jeu-nesseestcharmante,maiselledégénèredebonne
heure. LeBernois estd'unestature droite et éle-vée; ila le teint clair,lachairmolleet l'air ré-solu.D'ordinaire,lesdentsdelarangéesupérieure sontd'uneéclatante blancheur, et sontrégulière-ment
alignées. Le Bàlois aune
forme de visage plusronde, pluspleine, plustendue;sonteinttire sur le jaune-blanc,et ses lèvres molles ferment mal. Les habitantsde Shaffhouseont les osforts, les yeuxenfoncés, les faces latéralesdu
front di-vergentesau-dessus des tempes,lesjouespleines, labouche grande, charnueetbéante.En
général,ils sont plusvigoureusement
membres
queles Zu-richois, dont tout le canton offre deshommes
à peuprès semblables,indépendamment
de l'habil-lementqui, luiaussi, estun
signe physiognomo-nique.43
Signalons,
en
terminant cette revue,un
fait singulier qui n'échappe à l'observation de per-sonne,c'estque,danslesquatrepartiesdu monde,
lesjuifsconservent toujourslescaractères distinc-tifs de l'Orient, leurpremièrepatrie. Leur teint esthâlé; leurs cheveux sont noirs, courts et fri-sés; leurlangagerapide, labrusquerie et la pré-cipitation qu'ils mettent danstout ce qu'ils font, semblent remonter àla
même
origine.Ainsi, l'histoire naturelle des physionomies nationales, offre
une
étude toute philosophique, principale basede laphysiognomonie.Dieu, ilest vrai, n'a égard ni àla personneni au climat; il récompense les cœurs honnêtes quels
que
soient leur nation etleur pays. Néan-moins,chaque climat, par ses propres éléments, produit descaractèresessentiellementdistincts,et le rapportharmonique
des diverses nationsdoit présenter,auxyeux du
Créateuretdesescréatures raisonnables, le spectacleleplus intéressantetle plus instructif. Cettevariété infinie, et pourtant uniforme, se perpétuera en toute éternité. Les chosesdecemonde
pourront changer,maiselles dériveront toujoursdeleur essence primitive et resteront fidèlesàleurcaractère original. Jamaisune
espècenes'absorberadansune
autre espèce;jamais
un
êtrene semétamorphosera enun
autreêtre.
Or, s'ilestincontestable qu'unebelle
physiono-mie
etune
riche organisation sont devéritables faveursdu
ciel pour chaque individu qui les a reçues enpartage, combienune
nation nedoit-ellepas reconnaître etapprécierle
bonheur
d'être placée dansun
climat qui seconde et développe touteslesfacultés physiqueset intellectuelles ?Quant
àvous, enfants disgraciés,qui ne parti-cipezpoint à ces bienfaits, consolez-vous et pre-nezcourage. Filsd'unmême
père, vousavez été rachetés parun même Rédempteur
qui achoisilesvassaux deson
royaume
infinidans toutesles gé-nérations, dans tous lesclimats, parmi toutes les nations!En
résumé,l'homme
est crééd'aprèsune
seule forme fondamentale,laquelle,ilestvrai, sedérange etse modified'uneinfinité demanières,maisqui cependant, semblable au pantographe, reste tou-jours en proportion symétrique et parallèle. Or, touthomme
qui,sans violent accidentextérieur,ne
setrouve pasdans leparallélisme de l'huma-nitéuniverselle,estun
monstre; plusau
contraireil setrouvedansle parallélisme horizontalet per-pendiculairedelaconfiguration