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Chapitre 1 Mise en contexte et problématique du sujet

1.11 R24W

Dans le cadre de la programmation de recherche intitulée Adhésion aux recommandations visant la

saine alimentation : identification des mesures, déterminants et interventions, l’équipe de recherche

web pour une population canadienne française de la province de Québec, le rappel de 24 heures web (R24W). Le développement et la validation de cet outil correspondaient au premier de trois grands axes de recherche de la programmation visant à fournir les outils méthodologiques afin de mesurer de façon optimale la variable centrale à l’étude, soit l’adhésion aux principes de la saine alimentation.

Cet outil est le premier rappel de 24 heures web automatisé pour la population québécoise francophone pouvant calculer automatiquement des scores alimentaires, tout comme la consommation d’aliments rattachés à différents groupes du Guide alimentaire canadien ainsi que des apports nutritionnels. Une adaptation canadienne du « American Automated Self-Administered 24-h recall » (ASA24) a aussi récemment été diffusée, mais celui-ci est seulement disponible en anglais pour le moment. D’ailleurs, cet outil développé à la base aux États-Unis n’a pas été adapté en tenant compte de certaines caractéristiques culturelles des Québécois.

Le développement du R24W a été préalablement décrit dans un article scientifique publié en 2016 (105). Celui-ci s’est inspiré de deux approches. La première approche correspond à l’approche « Automated Multiple-Pass Method » (AMPM) du Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) qui consiste à interviewer l’individu en cinq étapes (106) afin de lui permettre de se rappeler et de décrire les aliments consommés la veille. La première étape, qui n’a pas été utilisée dans le développement du R24W, consiste tout simplement à établir une liste non structurée de tous les aliments et boissons consommés la veille. Les trois étapes suivantes sont structurées de manière à pouvoir poser des questions en lien avec des aliments souvent oubliés (breuvages, alcool, friandises, fruits, légumes, fromages, pain, etc.), le moment et le type de repas (déjeuner, dîner ou souper) ou collation et le détail pour chaque aliment sélectionné. La dernière étape permet de questionner une dernière fois sur d’autres aliments potentiels ainsi que des indices pour aider le répondant à se souvenir d’éléments concernant ses apports alimentaires de la veille.

Comme mentionné, la méthode non structurée à la première étape qui consiste à répertorier les aliments consommés par l’approche AMPM n’est pas utilisée pour cet outil et est plutôt remplacée par la deuxième approche. En effet, la deuxième approche est basée sur une structure de repas. Les répondants ont donc le choix de sélectionner un repas ou une collation dans une liste incluant le déjeuner, le dîner, le souper ou une collation dans l’ordre souhaité pour rapporter les aliments et les breuvages consommés à ce repas (107). Aucune limite de repas ou de collations n’est établie ce qui permet au répondant de sélectionner le nombre de repas ou collations réellement consommés lors de

cette journée. Des questions concernant le type de repas, l’endroit et le contexte du repas (accompagnateurs et écran lors du repas) sont posées au répondant au même moment.

La sélection des aliments est organisée à l’aide d’une liste d’aliments. Les recettes ajoutées dans la base de données étaient quant à elle définies à l’aide de recettes familiales qui se retrouvent dans les cinq premiers sites proposés par une recherche Google. Différents aspects culinaires influencés par la culture étaient pris en compte lors du choix de la recette. Lorsque les aliments ou recettes choisis sont sélectionnés par le répondant, des images représentant des grosseurs de portions sont illustrées et des questions permettant de rappeler au répondant des aliments souvent ajoutés à l’aliment (garniture, sauce, épices, vinaigrette, etc.) apparaissent à l’écran. À la fin de la sélection des aliments consommés lors d’un même repas ou d’une collation ainsi qu’à la fin de la complétion totale du rappel de 24 heures, une liste d’aliments est suggérée aux répondants, car ils ont été identifiés comme pouvant être plus souvent oubliés. Il s’agit des breuvages (jus, lait, boissons gazeuses, eau, autres breuvages non alcoolisés et boissons alcoolisées), des desserts (biscuits, chocolat, friandises, crème glacée, pâtisserie), des collations salées (croustilles, popcorn, noix mélangées), des fruits et légumes, du fromage et du pain (106).

D’autres questions concernant le répondant sont également posées : sexe, âge, statut de fumeur, allaitement, grossesse, prise de suppléments, diètes particulières, représentativité des apports rapportés selon les habitudes alimentaires usuelles, etc.

Pour permettre l’extraction des valeurs nutritives, chaque aliment est lié à un code provenant du Fichier canadien sur les éléments nutritifs (108) ou de « USDA National Nutrient Database for Standard Reference » (109) lorsque l’aliment n’est pas présent dans le Fichier canadien sur les éléments nutritifs. La base de données rattachée au R24W inclut 2865 aliments et 687 recettes (105). Pour la logistique, l’outil a été programmé de sorte qu’il sélectionne de manière aléatoire les journées où le questionnaire doit être rempli pour une période donnée. L’application permet aussi l’envoi de courriels automatisés afin que le répondant puisse accéder facilement au questionnaire et remplir le rappel de 24 heures. L’envoi de courriel s’effectue à minuit le jour où l’individu doit compléter le R24W. Il est aussi possible de systématiquement générer une autre date contenue durant la période souhaitée pour remplir le questionnaire lorsqu’il n’est pas complété à la journée sélectionnée.

L’outil a, tout d’abord, été pré-testé par une cohorte de 29 sujets afin d’évaluer la commodité et la fonctionnalité de l’outil. Les sujets devaient compléter un rappel de 24 heures ainsi qu’un formulaire de satisfaction. Une proportion élevée de sujets (90.0%) étaient d’accord pour dire que l’outil était facile à remplir et à comprendre. Ils étaient, aussi, d’avis, en majorité (86.2%), que les questions étaient présentées de façon logique et qu’ils étaient satisfaits de la qualité des images utilisées pour déterminer les portions des aliments. De plus, ils étaient satisfaits de la qualité des images utilisées pour sélectionner un choix de portions (89.7%).

Par la suite, la validité du R24W a été évaluée de plusieurs façons. Tout d’abord, une étude de validation à l’aide de caroténoïdes sériques, un biomarqueur de concentration de l’apport en fruits et légumes, a été effectuée pour valider l’apport en fruits et légumes à l’aide de quatre rappels de 24 heures chez 147 participants (110). Les résultats de cette étude suggèrent une validité relative adéquate de l’outil en ce qui a trait à l’évaluation de l’apport en fruits et légumes. L’ajustement pour certaines variables confondantes permettait d’obtenir de meilleures associations entre les apports en fruits et en légumes et le taux de caroténoïdes sériques ce qui suggère qu’une association faible pourrait être expliquée par certains facteurs associés au métabolisme des caroténoïdes sériques.

Ensuite, il a été possible de valider l’outil d’évaluation alimentaire (2 rappels de 24 heures) dans une étude où l’alimentation de 62 participants était totalement contrôlée durant une période de temps déterminée (97). L’étude a démontré que les participants étaient capables de rapporter la grande majorité des aliments consommés avec le R24W ainsi que la portion qui leur avait été servie. En effet, ils ont rapporté 89.3% des items (recettes ou aliments) consommés. La catégorie ayant été omise la plus souvent était celle des légumes (dans les recettes ou en accompagnement) qui représentaient moins de 5% de l’apport en énergie de la journée.

Le R24W a aussi été validé auprès d’une population de 60 femmes enceintes avec un journal alimentaire papier de trois jours (111). En comparaison avec ce dernier, le R24W s’est avéré un outil valide pour estimer l’apport en énergie et une majorité de nutriments à l’exception des lipides, de la vitamine D, du zinc et de l’acide folique. Les résultats ont démontré que l’outil était plus précis lorsqu’il était utilisé au niveau d’un groupe qu’au niveau d’un individu. Ainsi, l’administration de l’outil serait préférable au niveau épidémiologique chez les femmes enceintes que dans un contexte clinique.

Puis, une étude de validation relative de l’outil où les participants devaient compléter trois rappels de 24 heures à l’aide du R24W a été effectuée avec comme comparatif un journal alimentaire de trois jours (112). Lors de cette étude, la validité de l’apport en énergie et en plusieurs nutriments a été évaluée. Globalement, les résultats proposent une validité relative acceptable du R24W autant au niveau d’un groupe que d’un individu. La majorité des nutriments et l’énergie ont obtenu une différence entre les deux méthodes de l’ordre de moins de 10% tandis que certains ont été grandement sous-estimés par le R24W : la niacine (54.8 %) et la vitamine C (32.7%) ont été sous-estimées. Le zinc est le seul nutriment où la corrélation déatténuée et ajustée pour le sexe et pour l’apport en énergie entre les deux mesures était non significative. Ainsi, les apports en niacine, en vitamine C et en zinc devraient être interprétés avec prudence compte tenu des résultats obtenus pour ces nutriments. Par ailleurs, l’apport en énergie rapporté dans le R24W était plus élevé que l’apport énergétique évalué à l’aide du journal alimentaire de trois jours.

Comme le R24W a été développé et validé avec différentes méthodes dans l’optique qu’il puisse être accessible et utilisé par le plus grand nombre d’organisations ou d’individus au Canada, il se devait d’être validé à l’aide des meilleures méthodes afin d’obtenir des résultats de recherche davantage fiables. Évidemment, la fiabilité de la méthode d’évaluation alimentaire utilisée en recherche a une incidence sur la fiabilité des résultats de la recherche. De plus, comme cet outil s’utilise sur une plateforme web, sa validation permet une économie de temps considérable autant pour l’interviewer que pour le répondant. Il revient donc moins coûteux à administrer pour un projet de recherche que d’autres outils d’évaluation alimentaire. Son utilisation à large échelle permettrait d’obtenir des résultats de recherche au Canada qui sont plus facilement comparables entre eux. D’ailleurs, Santé Canada a été un partenaire dans le développement du R24W donc un utilisateur potentiel de cet outil. L’Ordre professionnel des diététistes du Québec (OPDQ) ainsi que les Diététistes du Canada (DC) ont aussi un grand intérêt envers le R24W considérant l’impact que cet outil a sur la pratique clinique en nutrition, soit une meilleure précision dans l’évaluation de l’alimentation des patients, ce qui permet d’émettre des recommandations répondant plus précisément à leurs besoins.

Le critère de validité des biomarqueurs de récupération des apports en nutriments du rappel de 24 heures (R24W) n’avait toujours pas été évalué jusqu’à ce moment et était grandement nécessaire pour la suite des choses.

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