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B. Le AhR chez les vertébrés

8. Rôles physiologiques émergents du AhR

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Le rôle du AhR dans la régulation du métabolisme des xénobiotiques a été largement étudié (voir les paragraphes précédents). Cependant, l’émergence des modèles de souris KO et l’identification de nouveaux gènes cibles (études transcriptomiques, (Diry et al., 2006)) ont permis de mettre à jour de nouvelles fonctions pour ce récepteur.

a) Rôle dans le système immunitaire

Les souris déficientes pour le AhR ne présentent pas d’altérations majeures du système immunitaire. Néanmoins, une diminution du nombre de lymphocytes dans la rate a été observé et, à l’inverse, une infiltration lymphocytaire dans certains tissus (poumons, intestins et tractus urinaire) dans le modèle de souris KO AhR∆1/∆1Gonzalez (Esser, 2009). Les souris

générées par l’équipe du Dr. Gonzalez sont également plus sensibles à certains agents infectieux, dont Helicobacter pylori, suggérant une immunodéficience dans ce modèle (Fernandez-Salguero et al., 1997).

Le AhR est exprimé dans un grand nombre de cellules immunitaires dont les cellules de Langherans et certains lymphocytes T (Esser, 2009). Dans le cas de l’immunité acquise, l’activation du AhR par ses ligands module la différenciation des cellules CD4+ de type Th17 (cellules T « helper » produisant des cytokines de type IL-17). Ce sous-type cellulaire est impliqué dans de nombreuses maladies auto-immunes. Au contraire, les cellules T régulatrices appelées Treg sont spécialisées dans la tolérance par rapport à des antigènes du soi et ont un effet antagoniste sur les Th17. Chez la souris, l’équilibre entre ces deux populations cellulaires est régulé en partie par le AhR et par la nature de son ligand (Quintana et al., 2008). En effet, le traitement par la TCDD d’un modèle de souris développant une encéphalomyélite auto-immune (EAE), provoque une amélioration du phénotype. Le mécanisme suspecté est l’augmentation du ratio Treg/Th17. Le traitement par un autre ligand du AhR, le FICZ (voir le paragraphe sur les ligands endogènes du AhR), entraîne l’effet inverse c’est-à-dire une aggravation des manifestations pathologiques, provoquée par l’augmentation de la population cellulaire Th17 (Veldhoen et al., 2008). Ces résultats montrent le rôle crucial du AhR et de ses ligands dans la différenciation des cellules Th17.

! $#! Figure 14 : Effet de différents ligands du AhR sur la différenciation des cellules Th0,

précurseur des lymphocytes T « helper ».

EAE : « Experimental autoimmune encephalomyelitis »

Dans les cellules Th17, l’activation du AhR par le FICZ augmente également la production de l’IL-22, interleukine pro-inflammatoire impliquée dans de nombreuses pathologies dont le psoriasis et la maladie de Crohn (maladie inflammatoire chronique du côlon). Cette production d’IL-22 par les cellules Th17 est dépendante de la sécrétion d’une autre interleukine, l’IL-23 par les macrophages et les cellules dendritiques. Une étude montre que les cellules Th17 provenant de souris AhR-/- sont incapables de produire l’IL-22 malgré la présence d’IL-23. Ces résultats suggèrent que l’activation du AhR, en fonction du type de ligand, régule l’auto-immunité induite par les cellules Th17 (Esser, 2009).

b) Rôle dans l’inflammation

Le AhR est clairement impliqué dans les phénomènes inflammatoires. Des études in

vitro et in vivo montrent qu’un traitement par un ligand du AhR comme la TCDD, induit les

gènes de l’inflammation, tels que ceux des cytokines pro-inflammatoires IL-6, RANTES et TNFα (Kim et al., 2012). En effet, des XRE ont été mis en évidence dans les promoteurs de ces gènes (Zhao et al., 2002).

En plus de cet effet direct par la voie classique transcriptionnelle, le AhR peut interagir avec plusieurs sous-unités du facteur NF-κB et moduler ainsi son activité (Kim et al., 2000). Le facteur NF-κB, facteur de transcription constitué de deux sous-unités parmi lesquelles on retrouve p50, RelA (p65), RelB (p52) et c-Rel, joue un rôle clé dans l’inflammation. L’effet du AhR peut être qualifié d’immuno-modulateur vis-à-vis de NF-κB.

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En effet, dans certains cas, le AhR inhibe l’activité de certaines sous-unités du complexe alors que dans d’autres cas, celle-ci est potentialisée. Ainsi, dans le modèle murin Hepa-1, le AhR interagit avec la sous-unité RelA diminuant, ainsi la fixation de NF-κB sur ses éléments de réponse (Tian et al., 1999). Le AhR peut, également, se fixer sur la sous-unité RelB (Vogel et al., 2007). Le complexe transcriptionnel AhR/RelB se lie à des éléments de réponse spécifiques appelés RelBAhRE qui sont localisés notamment dans le promoteur du gène de l’interleukine IL-8.

L’effet différentiel de ligands du AhR évoqué dans le paragraphe sur l’immunité (chapitre I.B.8.a) est aussi communément retrouvé dans la régulation des phénomènes inflammatoires. Gary Perdew a ainsi mis en évidence que certains ligands du AhR possédaient un potentiel anti-inflammatoire (Benzo(a)pyrène). Dans ces études, un des marqueurs utilisés est la protéine Serum Amyloïd A (SAA) impliquée dans la phase aiguë de l’inflammation et dont l’expression diminue en présence de ces ligands. Certains ligands sAhRMs, dont le DiMNF (3’,4’-dimethoxy-α-naphtoflavone), suppriment l’induction des gènes du complément produite par les cytokines pro-inflammatoires (Narayanan et al., 2012).

c) Rôle dans la migration

Le processus de migration cellulaire fait intervenir, entre autre, la redistribution des points d’adhérence focaux, complexes multiprotéiques comprenant des intégrines (ancrées à la matrice extracellulaire) et des protéines kinases (dont la FAK ou Focal Adhesion Kinase). Le traitement des cellules d’hépatocarcinome humain HepG2 par la TCDD provoque un changement morphologique rapide (dès 1h) caractérisé par une redistribution des sites d’adhérence focaux (Tomkiewicz et al., 2012). La voie de signalisation activée dans ce cas précis, est celle de la kinase c-Src, partenaire du complexe cytoplasmique (chapitre I.B.5.a)). L’activation du AhR par son ligand provoque la libération de la protéine c-Src et, en conséquence, l’activation de FAK par phosphorylation. FAK est recrutée au niveau des « clusters » d’intégrines et provoque la dissociation des points d’adhérence focaux, ce qui enclenche le processus de migration cellulaire. En parallèle de ces mécanismes non génomiques, l’activation du AhR par la TCDD entraîne des évènements transcriptionnels plus tardifs (4h après traitement) avec notamment l’augmentation de l’expression d’HEF1/CAS- L/NEDD9 (cible transcriptionnelle directe du AhR), protéine également impliquée dans la dynamique des points focaux (((Bui et al., 2009) voir article en annexe).

En plus de cette étude impliquant un xénobiotique comme stimulus initial, le AhR semble réguler les phénomènes d’adhérence et de migration de manière intrinsèque : les

! $%! cellules fibroblastiques issues de souris AhR-/- ont ainsi une activité migratoire réduite et forment moins de lamellipodes (Mulero-Navarro et al., 2005). Une étude complémentaire montre l’implication de VAV3, facteur d’échange de nucléotides identifié comme cible du AhR, dans ces processus (Carvajal-Gonzalez et al., 2009a). Toutefois, l’absence de AhR ne produit pas le même phénotype migratoire dans tous les modèles cellulaires. En effet, dans des kératinocytes, l’absence de AhR provoque une augmentation de leur migration et, par conséquent, l’accélération de la ré-épithélialisation de la peau due à une forte sécrétion de TGFß (Carvajal-Gonzalez et al., 2009b).

Le processus migratoire est essentiel pour la plupart des tissus durant l’embryogenèse et notamment au niveau du système nerveux. Des défauts de migration des neurones et des cellules gliales peuvent entraîner de nombreuses maladies neurologiques dont certaines formes d’épilepsie, d’autisme ou encore de schizophrénie.

d) Rôle anti-œstrogénique/pro-œstrogénique

De nombreuses études ont montré que le AhR interagit avec des facteurs de transcription de la famille des récepteurs nucléaires. Le récepteur alpha aux œstrogènes (ou ERα) est un des partenaires d’interaction du AhR (Coumoul, 2007).

Dans de nombreuses conditions expérimentales, la TCDD a été décrite comme un agent anti-œstrogénique. A titre d’exemple, une étude menée sur des rats Sprague- Dawley montre que la dioxine diminue l’incidence des tumeurs mammaires en inhibant l’activation du récepteur aux œstrogènes (Holcomb & Safe, 1994). Ces études font écho au concept de sAhRM développé par le Dr Stephen Safe (chapitre I.B.5.c.1.c)). Le AhR et le récepteur aux œstrogènes alpha (ERα) peuvent interagir à différents niveaux:

, Régulation de la concentration circulante du ligand du ER, l’œstradiol. En effet, les gènes cibles du AhR induits par la TCDD comme par exemple le CYP1A1, le CYP1B1 et l’aromatase sont impliqués dans la formation (aromatase) et le catabolisme (CYPs) des hormones stéroïdiennes comme les œstrogènes.

, Augmentation de la dégradation du ERα par le protéasome par la formation d’un complexe AhR-ERα-CUL4B (E3 ubiquitin ligase) favorisant l’ubiquitinylation du ERα.

, Compétition dans le recrutement de certains co-activateurs tels que CBP et p300

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, Inhibition des gènes cibles du ERα (cathepsine D, pS2) par liaison du complexe AhR/ARNT sur des éléments de réponse inhibiteurs (appelé iXRE) (Krishnan et al., 1995).

Ces études suggèrent un rôle anti-œstrogénique du AhR et désigne la dioxine comme un antagoniste de l’activation du ERα. Cependant de récentes études montrent que les effets de la TCDD sont plus complexes et dépendent de la présence ou non d’œstrogènes. Le AhR peut ainsi exercer un rôle pro-œstrogénique en absence d’œstrogène, par liaison directe avec le ERα et activer la transcription de gènes œstrogéno-dépendants (Ohtake et al., 2003).

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