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C. Le AhR chez les invertébrés

2. Drosophila melanogaster

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L’orthologue du AhR chez la Drosophile melanogaster est appelé Spineless (Ss). Cette protéine partage 71% d’homologie au niveau du domaine bHLH et 55% au niveau du domaine PAS-A du AhR murin mais seulement 17% avec le PAS-B qui est impliqué principalement dans la liaison du ligand (Figure 16) (Duncan et al., 1998).

Figure 16: Structure du AhR murin et de Spineless.

Les pourcentages représentent les homologies de séquences entre le AhR murin et Spineless (Ss). LBD : « Ligand Binding Domain ». (Cespedes et al., 2010).

Spineless forme un hétérodimère avec une protéine partenaire nommée Tango chez la drosophile, et qui partage de fortes homologies de séquence avec ARNT. Des expériences de liaison ont démontré que Spineless, tout comme le ahr-1, ne peut lier les ligands exogènes des AhR de vertébrés comme la TCDD ou la ß-naphtoflavone (Butler et al., 2001). Des études in

vitro ont permis de mettre en évidence que le dimère Spineless/Tango, induit en absence de

ligands exogènes, la transcription de gènes possédant un XRE (Emmons et al., 1999). Spineless est exprimé dans de nombreux tissus pendant le développement embryonnaire et larvaire mais plus particulièrement dans les segments maxillaires, labiaux et mandibulaires de la tête, au niveau des pattes, antennes et « soies » ainsi que dans le système nerveux

! $)! périphérique au niveau des segments thoraciques et abdominaux (Mcmillan & Bradfield, 2007b). Spineless est codé par un gène homéotique (qui influence la mise en place du plan d’organisation du corps chez la drosophile).

De nombreuses modifications de phénotypes sont observées chez les mutants Spineless et Tango (figure 17) :

• Transformation de la partie distale des antennes en partie distale de pattes • Suppression des tarses des pattes. Spineless est exprimé transitoirement dans la

partie distale du segment T1 et du segment T2-T4 des pattes. Les mutants Spineless possèdent des pattes dont les parties T2-T4 sont supprimées.

• Défaut de développement des palpes maxillaires6 • Réduction de la taille des soies

Pattes Palpe maxillaire

Drosophile contrôle

Mutant Spineless Drosophile contrôle

Mutants spineless

Figure 17 : Exemples de phénotypes observés chez les mutants Spineless

(Emmons et al., 1999).

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Spineless joue également un rôle essentiel dans la mise en place de la mosaïque rétinienne indispensable pour la vision des couleurs. En effet, les yeux des drosophiles sont constitués d’environ 800 ommatidies qui sont chacune constituée de 8 photorécepteurs. Les photorécepteurs de la couche externe (R1 à R6) sont similaires aux bâtonnets des vertébrés et les photorécepteurs de la couche interne (R7 et R8), qui expriment la rhodopsine (Rho), sont semblables aux cônes des vertébrés. Chez les drosophiles sauvages, les photorécepteurs R7 expriment de manière aléatoire soit la rhodopsine 3 (Rho3) soit la rhodopsine 4 (Rho4) alors que les photorécepteurs R8 expriment soit la rhodopsine 5 (Rho5) soit la rhodopsine 6 (Rho6). Cette mosaïque ainsi créée permet de détecter un large spectre de longueurs d’onde. Le couple Rho4/Rho6 (R8), qui est majoritaire dans les ommatidies (environ 70%), permet la reconnaissance des longueurs d’onde longues (ces ommatidies apparaissent jaunes lorsqu’on les illumine avec de la lumière blanche). Le couple Rho3/Rho5 (R7) permet la reconnaissance de courtes longueurs d’onde (ces ommatidies apparaissent « pâles » lorsqu’on les illumine avec de la lumière blanche). Chez les mutants Spineless, bien qu’aucun changement morphologique n’ait été détecté au niveau des ommatidies, celles-ci expriment exclusivement des photorécepteurs avec le couple Rho3/5 (R7). L’expression ectopique de Spineless provoque l’expression du couple Rho4/6 (R8) dans 100% des ommatidies (Figure 18) (Wernet et al., 2006).

Figure 18: Cartographie et phénotype associé des photorécepteurs des ommatidies chez les différents mutants Spineless.

Chez les drosophiles sauvages, les yeux sont constitués d’une mosaïque d’ommatidies exprimant des photorécepteurs différents permettant la vision en couleur. Chez les mutants Spineless, les ommatidies expriment toutes les mêmes photorécepteurs qui reconnaissent les courtes longueurs d’ondes (ommatidies pâles) alors que l’expression ectopique de Spineless provoque l’expression des photorécepteurs reconnaissant les longueurs d’onde longues (ommatidies jaunes) (Mcmillan & Bradfield, 2007b).

! %*! Tout comme ahr-1 chez le nématode, Spineless a été identifié comme un régulateur du développement neuronal et de la différenciation dendritique. Une étude montre son rôle dans la régulation de l’arborisation dendritique des neurones sensoriels (Kim et al., 2006). Les neurones sensoriels peuvent être classés en quatre groupes selon la morphologie de leurs dendrites. La suppression de Spineless provoque un changement de morphologie de l’arborisation dendritique de plusieurs sous-types neuronaux. On observe une augmentation des branchements dendritiques dans les classes de neurones qui ont une arborisation très « simple » (neurones sensoriels de classe I), et inversement, on observe une réduction des branchements dendritiques au niveau des neurones qui ont une arborisation très complexe (neurones sensoriels de classe IV) (Figure 19). Spineless est également nécessaire à la diversité dendritique retrouvée chez les différentes classes de neurones sensoriels (Kim et al., 2006).

Drosophile sauvage Mutants Spineless

N eurone s de c la ss e IV N eurone s de c la ss e I

Figure 19: Arborisation dendritique de 2 types de neurones sensoriels chez des drosophiles sauvages et mutantes Spineless.

A et B représentent des neurones de classe IV. Une réduction des branchements terminaux chez les mutants spineless, est observée (B). C et D représentent des neurones de classe I. Les mutants spineless (D) présentent une augmentation de la croissance de la branche principale et des branchements terminaux (Kim et al., 2006).

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Récemment, une équipe a inséré le AhR murin sous le contrôle d’un promoteur inductible dans des drosophiles mutantes pour Spineless (Cespedes et al., 2010). Ils ont montré qu’en absence de dioxine, le AhR murin était capable de remplacer la fonction de Spineless chez la drosophile avec:

• Une restauration presque complète du phénotype lié à la perte de fonction de Spineless durant le développement.

• Une localisation du AhR murin dans le noyau comme son homologue invertébré. • Une liaison à la protéine co-partenaire Tango.

Ce travail suggère que le AhR a conservé ses fonctions ancestrales durant l’évolution. Ainsi, tout comme Spineless ou ahr-1, le AhR murin pourrait jouer un rôle important dans le développement et l’homéostasie du système nerveux.

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