• Aucun résultat trouvé

Rôles du DCIR dans l’homéostasie immunitaire

6. Le DCIR

6.5. Rôles du DCIR dans l’homéostasie immunitaire

6.5.1. Rôle dans l’immunité innée : Interaction avec les TLR

Il a été montré que le DCIR interfère avec la signalisation des TLR 8 et 9. Ces TLR sont situés dans des endosomes des cellules dendritiques et reconnaissent l’ARN et l’ADN viral lors d’une infection. Lorsque le TLR 9 des cellules dendritiques plasmacytoïdes est activé par le dinucléotide cytosine-phosphate-guanine (CpG), la quantité de DCIR membranaire en surface diminue, puisqu’il est internalisé dans un endosome ou lysosome. C’est par cette internalisation que le DCIR parvient à moduler la signalisation du TLR 9 et, ainsi, à diminuer la production d’IFNα par le TLR9. De plus, l’internalisation du DCIR mène à la présentation efficace d’antigènes par les cellules dendritiques plasmacytoïdes et à l’établissement d’une tolérance. Ainsi, la liaison du DCIR avec des ligands endogènes participerait à l’établissement d’une tolérance du soi et à la stabilisation des réactions

28

immunitaires. Des pathogènes pourrait donc utiliser leur liaison avec le DCIR pour évader la réponse immunitaire. En ce qui concerne le TLR 8, l’activation du DCIR mène aussi à l’inhibition de la production des cytokines spécifiques au TLR 8, soit l’IL-12 et le TNFα (224, 317, 318).

6.5.2. Rôle dans l’immunité acquise : Interaction avec le DC-SIGN

Le DCIR n’altère pas uniquement la signalisation des TLR 8 et 9, mais aussi celle de la lectine DC-SIGN. Le DC-SIGN est une lectine de type C activatrice, contrairement au DCIR (319). Normalement, l’interaction d’un ligand avec le DC-SIGN mène à son internalisation dans un endosome, puis un lysosome, menant conséquemment à la présentation de ses antigènes par le CMH (271, 320, 321). Puisque certains ligands sont partagés entre les différentes lectines de type C, il se peut que plusieurs lectines soient activées simultanément. Dans le cas du DCIR et du DC-SIGN, ces deux lectines ont toutes les deux pour ligand la protéine gp120 du virus du VIH-1. Lorsque le DCIR et le DC-SIGN sont activés simultanément, la présentation antigénique par le DC-SIGN aux lymphocytes T est réduite (319). Ainsi, le DCIR module aussi la présentation d’antigènes par le DC-SIGN et permet donc de moduler la réponse immunitaire acquise. De plus, la liaison des virions du VIH-1 au DCIR simultanément avec leur liaison au DC-SIGN pourrait contribuer à la diminution de la présentation des antigènes viraux du VIH-1, et donc, à la dérégulation de la réponse immune durant l’infection (319).

La Figure 12 résume les différents rôles du DCIR dans l’immunité. En plus des rôles mentionnés plus haut, le DCIR participe aussi directement dans la pathogenèse de l’infection par le VIH-1.

29

Figure 12 : Rôles du DCIR dans les cellules dendritiques.

L’activation du DC-SIGN par un pathogène mène à sa dégradation et à sa présentation efficace aux lymphocytes T CD4 et CD8. L’activation du DCIR permet la régulation négative de l’activation immunitaire en interférant avec la signalisation des TLR 8 et 9 et en altère leur production d’IL-12, d’IFNα et de TNF. Aussi, l’activation du DCIR mène à la production de vésicules (252). Lorsque le DC-SIGN et le DCIR sont activés simultanément, la dégradation et la présentation efficace des pathogènes est altérée, menant à une tolérance du pathogène.

6.5.3. Rôle dans l’infection par le VIH-1

Lors de l’infection au VIH-1, les virions peuvent être transférés de la zone d’inoculation jusqu’à un organe lymphoïde secondaire (172). S’il n’y a pas de contact direct entre les virions et le sang de l’hôte, le virus doit traverser l’épithélium de la muqueuse du tissu où il se trouve en infectant des cellules dendritiques (173, 322, 323). On parle alors des deux phases d’infection, l’infection en cis et l’infection en trans. Durant l’infection en

trans, les virions intacts présents dans des compartiments cellulaires des cellules dendritiques sont relocalisés

dans une zone de contact entre la cellule dendritique et un lymphocyte T, la synapse virologique. D’autre part, l’infection en cis dépend de la production de virus par la cellule dendritique infectée et mène à la libération de virions produits de novo par la cellule infectée ou en apoptose (176).

30

6.5.3.1.

Transfert viral

Puisque le DCIR est une lectine de type C partageant certaines caractéristiques particulières à d’autres lectines déjà étudiées dans un contexte de pathogenèse du VIH-1, il a été montré que le DCIR joue lui aussi un rôle dans la transmission de particules virales durant l’infection. Une étude a montré que la transmission des particules de VIH-1 des cellules dendritiques aux lymphocytes T est modulée par le DCIR (172). Après avoir réduit l’expression du DCIR dans des cellules dendritiques immatures dérivées de monocytes (IM-MDDC) grâce à des petits ARN interférents (siRNA), les IM-MDDC ont été exposées à de faibles doses de virions NL43 Balenv. Les résultats montrent qu’une réduction de 30% de l’expression du DCIR mène à une réduction significative du transfert de virions aux lymphocytes T. Aussi, une autre expérience a été faite afin de savoir si le DCIR contribuait davantage à la dissémination du VIH-1 dans la phase précoce ou tardive de l’infection. La phase tardive a été bloquée par un inhibiteur de la transcriptase inverse (l’efavirenz, ou EFV) et l’expression du DCIR a été une fois de plus réduite en utilisant des siRNA. La combinaison de l’EFV et des siRNA a mené à une réduction du transfert viral de seulement 40%. Puisque cette réduction est négligeable en comparaison avec la réduction du transfert de particules virales causée par les siRNA seuls (30%), il a été conclu que le DCIR contribue davantage au transfert viral de la phase précoce. De plus, il a été déterminé que le domaine neck est essentiel à la capture des virions du VIH-1 par le DCIR (172).

Bien que le DCIR soit davantage impliqué dans l’infection en trans, cette expérience a tout de même pu montrer que le DCIR joue également un rôle dans l’infection productive des cellules dendritiques (172). Une autre étude, utilisant des inhibiteurs du DCIR, a confirmé une fois de plus le rôle du DCIR dans l’infection en cis du virus dans des cellules de lignée lymphoïde (324). En effet, l’utilisation des quatre inhibiteurs du DCIR de cette étude sur des cellules Raji CD4 DCIR a bloqué l’infection productive du VIH-1 (324).

6.5.3.2.

Induction du DCIR

Il a aussi été montré que le VIH-1 induit l’expression du DCIR sur les lymphocytes T CD4 durant l’infection. En effet, l’expression du DCIR sur des lymphocytes T CD4 de patients infectés sous traitement et naïfs (évaluée par cytométrie en flux) est augmentée, en comparaison avec l’expression du DCIR sur des lymphocytes T CD4 de patients avirémiques. Cette hypothèse a aussi été confirmée in vitro dans des lymphocytes T CD4 infectés avec le virus. En utilisant encore une fois l’EFV pour bloquer le cycle réplicatif du virus, il a été montré que l’infection productive des lymphocytes T CD4 est nécessaire à l’expression du DCIR sur ce type cellulaire. De plus, le DCIR ne serait pas uniquement induit dans les lymphocytes T CD4 infectés, mais aussi dans les lymphocytes T CD4 spectateurs (ou bystander cells). L’expression du DCIR dans les lymphocytes T CD4 non

31

infectés par le VIH-1 serait causée par la production de facteurs solubles par les lymphocytes T CD4 infectés. En effet, des lymphocytes T CD4 non infectés, mis en culture dans du surnageant provenant de la culture de lymphocytes T CD4 infectés par le VIH-1, présentent eux aussi une augmentation de l’expression du DCIR à leur surface. Cette expression serait probablement causée par l’apoptose des lymphocytes T CD4 et contribuerait à l’augmentation de l’attachement des virions à ces cellules et leur transfert aux macrophages par leur phagocytose (245). Il est bien connu que le VIH-1 induit l’apoptose des lymphocytes T CD4 infectés ou spectateurs chez les personnes infectées (325-327) et il a été montré que la régulation à la hausse de l’expression du DCIR sur le lymphocyte T CD4 par le VIH-1 est partiellement réduite lorsqu’on met les cellules en présence d’un inhibiteur de caspase à large spectre (Z-VAD-FMK) ou d’un inhibiteur de l’apoptose indépendante aux caspases (N-acétyl-L-cyctéine). Ces résultats suggèrent que l’augmentation de l’expression du DCIR est associée avec les voies de signalisation de l’apoptose dépendante ou non aux caspases (245). Les études mentionnées précédemment dans cette section 6.5 discutent toutes du DCIR complet, donc de l’isoforme 1 de la protéine. On sait cependant que 4 autres isoformes du DCIR existent. Les isoformes 2 à 5 du DCIR pourraient avoir des rôles différents de l’isoforme 1 et pourraient, elles aussi, participer dans la pathogenèse de maladies immunitaires et infectieuses.