III Etude du récepteur humain 5HT 2B
3.4.4. Rôle vasculaire
3.4.4.1. Rôle cardiaque
Chez la souris, le 5‐HT2BR est un des acteurs majeurs du développement cardiaque
comme le montre les résultats obtenus lors de l’utilisation d’antagonistes (Choi et al., 1997). Ce rôle fondamental dans le développement cardiaque précoce a été confirmé définitivement par l’inactivation génétique du récepteur (Nebigil et al., 2000). La délétion du récepteur provoque la mort in utero par malformations cardiaques chez 25 à
30 % des embryons. Les embryons 5‐HT2B‐/‐ décédés sont caractérisés par l’absence de
trabécule septo‐marginale, ce qui témoigne d’un défaut de prolifération et de migration des cellules trabéculaires affectant ainsi l’organisation des sarcomères. Il s’ensuit une deuxième phase de létalité pendant la première semaine de vie conduisant à la mort de 30 % des souriceaux nouveaux‐nés. Ils présentent une dilatation cardiaque causée par des défauts de contractilité et des malformations structurales au niveau des jonctions entre cardiomyocytes. Ceci aboutit à l’hypoplasie des ventricules dont les parois sont très amincies (Nebigil et al., 2000). Les souris adultes invalidées présentent une dilatation ventriculaire et une diminution de la fonction systolique sans modification de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle ni d’anomalie du développement valvulaire. Ceci laisse à penser que le récepteur ne contribue pas physiologiquement au développement de ces paramètres à l’état basal. En outre, la surexpression du récepteur
5‐HT2B chez la souris au niveau des cardiomyocytes conduit à une cardiomyopathie
hypertrophique compensée, associée à une prolifération des mitochondries (Nebigil, 2003), ce qui est compatible avec le couplage au NO qui contrôle le nombre de mitochondries (Nisoli et al., 2003).
Des données récentes permettent d’impliquer le récepteur 5‐HT2B dans l’étiopathogénie
de certaines pathologies cardiaques comme les cardiomyopathies et notamment dans l’hypertrophie cardiaque. L’invalidation génétique ou pharmacologique du récepteur 5‐
d’isoprénaline mimant in vivo une stimulation adrénergique (Jaffré et al., 2004). Le récepteur est également capable de réguler la production de cytokines hypertrophiques (IL‐1β, IL‐6 et TNF‐α) produites par les fibroblastes cardiaques.
Cette absence d’hypertrophie chez les souris invalidées serait due en réalité non pas à l’absence du récepteur sur les cardiomyocytes mais à son absence sur des cellules non cardiomyocytaires (ex : fibroblastes cardiaques). En effet, l’invalidation génétique sélective du récepteur sur la population de cardiomyocytes ne conduit pas à l’apparition d’une hypertrophie induite par l’isoprénaline (Jaffré et al., 2009). Cette étude a également mis en évidence une surexpression du récepteur sur des biopsies ventriculaires de patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique, surexpression corrélée avec les taux plasmatique de cytokines (IL‐6, TGF‐β) et de noradrénaline. L’inhibition de la production de ces cytokines hypertrophique est bloquées par le 5‐
HT2BR in vitro et in vivo mais ce couplage permet in vitro de prévenir la libération de ces
cytokines par les fibroblastes même en absence de 5‐HT, suggérant un rôle entre ce
récepteur et les récepteurs AT1‐R et β2‐AR. De plus, la libération des cytokines
hypertrophiques induite par la 5‐HT est inhibée par l’utilisation d’un antagoniste sélectif du récepteur AT‐1. Ceci passe par un mécanisme de transinhibition entre les récepteurs 5‐HT2BR et l’AT1‐R.
Alors que dans les cardiomyopathies dilatées humaines, le rôle du récepteur 5‐HT2B
émerge progressivement, son rôle dans l’hyperplasie valvulaire avec fibrose et/ou régurgitation est plus qu’établi. Les lésions histologiques de l’atteinte valvulaire qui ont été observées chez certains patients atteints de tumeurs carcinoïdes (Robiolio et al., 1995) sont identiques à celles des patients ayant reçu des dérivés de l’ergot de seigle ou amphétaminiques (ex dérivés anorexigène type fenfluramine) dont leurs catabolites ont
pu être identifiés comme des agonistes du récepteur 5‐HT2B (Fitzgerald et al., 2000). La
sélectivité de ces dérivés comme la norfenfluramine (Ki ≈ 30 nM) pour le récepteur
explique la fibroplasie observée chez l’homme. Il s’avère que le récepteur est très
exprimé au niveau des valves cardiaques. La pathologie valvulaire 5‐HT2B induite se
Figure 21. Mécanisme moléculaire proposé dans l’apparition de valvulopathies induites par le
récepteur 5‐HT2B (d’après Roth, 2007). A la suite de l’activation du récepteur par des dérivés de
l’ergot de seigle (pergolide, methysergide, cabergoline) ou des dérivés de la fenfluramine, différents effecteurs cellulaires vont être mobilisés pour aboutir in fine à la prolifération cellulaire des cellules valvulaires à l’origine de l’apparition de la maladie.
3.4.4.2. Rôle neurovasculaire : migraine
Des modifications des taux circulants de sérotonine et de ses métabolites ont été observé au cours des crises de migraine. Les traitements de fond ont longtemps utilisés des molécules à fort tropisme sérotoninergique comme la dihydroergotamine. Leur action repose sur l’antagonisme des récepteurs 5‐HT2B et 5‐HT2C (Schaerlinger et al.,
plaide en faveur d’un rôle important du récepteur 5‐HT2B dans la migraine. La douleur
associée aux crises de migraine est causée par l’excitation d’une des branches du nerf
trijumeau au niveau des vaisseaux méningés. Il a été retrouvé de l’ARNm du récepteur 5‐
HT2B à ce niveau et le récepteur induit la relaxation des vaisseaux cérébraux par la
libération de monoxyde d’azote (NO), responsable de la dilatation des vaisseaux cérébraux avec activation concomitante des fibres trigéminovasculaires (Schmuck et al., 1996). Le blocage du récepteur inhibe l’extravasation plasmatique induite par le m‐CPP chez le cochon d’Inde (Johnson et al., 2003). De plus, le gène HTR2B a été proposé comme facteur de susceptibilité à la migraine (Corominas et al., 2010).
3.4.4.3. Hypertension artérielle systémique
Alors que la contraction de l’aorte après traitement par la 5‐HT est médiée par le 5‐ HT2AR chez le rat normotensif, elle passe sous le contrôle du 5‐HT2A et du 5‐HT2B chez le
rat hypertensif (Watts et al., 1996). L’étude in vivo dans le modèle DOCAsalt de rats hypertendus (diète salée associée à une perfusion continue de désoxycortisone) a
confirmé le rôle du récepteur 5‐HT2B. L’utilisation d’antagoniste (LY‐272015) a permis
de réduire la pression artérielle des animaux les plus hypertendus. En fait, la diminution
n’est visible qu’ à partir de la 3ème semaine d’induction de l’hypertension, l’antagoniste
étant sans effet dans la phase précoce de l’hypertension et provoquant à l’opposé chez les rats normotensifs une augmentation légère mais significative de la pression artérielle
(Watts et al., 1999). Un rôle différent du récepteur 5‐HT2B est donc à envisager selon sa
localisation vasculaire (artères de moyens ou grands calibres). L’augmentation de
l’expression du récepteur 5‐HT2B durant le développement de l’hypertension induite par
la desoxycorticostérone pourrait expliquer l’implication tardive du récepteur dans la réponse hypertensive (pour revue voir Watts et al., 2011).
De plus, le modèle de rat hypertensifs traités à la N(ω)‐nitro‐L‐arginine (inhibiteur des NO synthases) entraîne une modification de la réponse à la 5‐HT semblable à celle observée dans le modèle DOCA‐salt associé à une augmentation de l’expression du
récepteur 5‐HT2B (Russell, 2002).
3.4.4.4. Rôle dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
Le rôle du récepteur 5‐HT2B dans l’hypertension artérielle pulmonaire sera évoqué dans