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PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE

I.2. Activités biologiques de la vitamine D

I.2.5. Rôle dans le système immunitaire

Le calcitriol intervient à la fois dans l’immunité innée et acquise. En effet, il présente un rôle stimulateur de l’immunité innée puisqu’il tend à activer les cellules immunitaires, notamment les monocytes et les macrophages. Par ailleurs, il module les réponses du système immunitaire adaptatif par le biais de différents mécanismes incluant une inhibition de la maturation des cellules dendritiques, diminuant ainsi leur capacité à présenter les antigènes, une inhibition de l’activation et de la prolifération des lymphocytes T via la suppression de la production d’interleukines 6, 12, et 23 ; et une inhibition de la différenciation des précurseurs des lymphocytes B (Etten et Mathieu, 2005).

I.2.5.1. Maladies infectieuses virales ou bactériennes

Des études épidémiologiques ont démontré le lien entre une carence en vitamine D et la survenue de maladies infectieuses telles que la grippe, la dengue, le VIH, ou encore la tuberculose (Aranow, 2011).

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Des travaux portant sur la tuberculose, causée par Mycobacterium tuberculosis ont en effet démontré que le calcitriol stimulait l’activité antimicrobienne des macrophages, aussi bien de manière directe via leur activation, que de manière indirecte via la stimulation de la production d’un peptide antimicrobien : la cathélicidine (Bruns et al., 2015). Ainsi, dans le cas d’une infection par Mycobacterium tuberculosis par exemple, les toll like receptors (TLRs) sont activés, augmentant l’expression de 1α-OHase ainsi que de VDR. Le calcitriol est donc synthétisé à partir de la vitamine D circulante, et est à l’origine d’une cascade de réactions qui sont :

- Inhibition de la différenciation des monocytes en cellules dendritiques,

- Stimulation de la différenciation des monocytes en macrophages (Baeke et al., 2010),

- Stimulation de la production de cathélicidine par les macrophages par le biais de sa liaison au VDR, - Elimination de la mycobactérie par la cathélicidine.

Cette implication dans la défense de l’organisme contre l’infection causée par Mycobacterium tuberculosis témoigne de l’action du calcitriol dans la réponse immunitaire innée. Par ailleurs, le calcitriol stimule l’autophagie des macrophages infectés par Mycobacterium tuberculosis via la fusion des phagosomes et lysosomes (Bruns et Stenger, 2014; Selvaraj et al., 2015).

Le calcitriol est aussi intéressant dans le cas du traitement contre le virus de la Dengue, qui est associé à une surproduction de cytokines pro-inflammatoires et dont la progression se fait par le biais de l’attachement du virus aux récepteurs au mannose présents à la surface des macrophages, permettant sa réplication (Arboleda Alzate et al., 2017). En plus des actions communes à celles induites lors d’une infection par Mycobacterium tuberculosis (différenciation des monocytes en macrophages, augmentation du nombre de VDR et de production de 1α-OHase), Alzate et al. ont démontré in vitro que le calcitriol induisait dans ce cas la production de macrophages exprimant peu de récepteurs au mannose à leur surface, limitant la progression du virus de la Dengue.

I.2.5.2. Maladies auto-immunes

La carence en calcitriol est également à l’origine de maladies auto-immunes telles que la sclérose en plaques, l’arthrite rhumatoïde, le diabète, la maladie de Crohn, le psoriasis ou encore l’athérosclérose (Aranow, 2011). Cette dernière est une maladie inflammatoire chronique des artères qui se caractérise par la formation d’une plaque athéroscléreuse pouvant mener à l’obstruction ou à la rupture des vaisseaux sanguins dans les cas extrêmes. Dans ce cas, l’interaction entre le calcitriol et les macrophages permettrait une inhibition de la progression de la plaque athéroscléreuse (Riek et al., 2013). L’équipe de Riek et al. ont ainsi observé que le calcitriol stimulait la différenciation des monocytes en macrophages immunostimulants, et limitait la conversion des macrophages en cellules spumeuses, partie intégrante de la plaque athéroscléreuse. Cette action, renforcée par l’inhibition de

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différents récepteurs scavengers (CD36 et SRA-1) par le calcitriol, s’oppose au développement de la maladie (Riek et al., 2013).

I.2.5.3. Cancer

Le site tumoral est une zone d’inflammation chronique, et il est aujourd’hui admis que cette inflammation a un rôle clé dans l’initiation de la tumorigenèse (Bhatelia et al., 2014; Fernandes et al., 2015; Mantovani et al., 2008). Par ailleurs, de multiples études épidémiologiques font état d’une association entre les maladies auto-immunes et le cancer, avec en particulier un risque accru de cancer chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes (Giat et al., 2017). Les activités anti-inflammatoires du calcitriol font partie intégrante de son activité anti-cancéreuse, comme démontré pour les cancers du sein MCF-7, et de la prostate (LNCaP, PC-3, DU145). Il agit en tant que tel par le biais de différents mécanismes.

I.2.5.3.1. Prostaglandines

Les prostaglandines, produites après action enzymatique de la cyclooxygénase-2 (COX-2), participent à la progression tumorale de par leur activité pro-inflammatoire. Il a été observé in vitro sur des lignées cellulaires de cancer du sein hormono-dépendant et de cancer de la prostate que le calcitriol inhibait l’expression de COX-2 (Moreno et al., 2005; Yuan et al., 2012). D’autres études ont par ailleurs démontré que le calcitriol induisait la stimulation de l’expression de la 15-hydroxyprostaglandine déshydrogénase (15-PGDH) qui dégrade les prostaglandines et entraîne une sous-expression de leurs récepteurs (Feldman et al., 2014; Krishnan et Feldman, 2011).

I.2.5.3.2. Voies de signalisation des MAP (Mitogen-Activated Protein) kinases p38

Les voies de signalisation des MAP kinases p38 sont responsables de la production de cytokines pro-inflammatoires telles que l’interleukine 6 (IL-6) aussi bien dans les cellules saines de la prostate que dans les cellules de cancer de la prostate (Nonn et al., 2006). Ainsi, une corrélation positive entre le taux sérique en IL-6 et le développement tumoral ainsi que la formation de métastases a notamment été mise en évidence dans les cas du cancer du sein (Hussein et al., 2004), du cancer de la prostate (Culig et Puhr, 2018), et du cancer colorectal (Chung et Chang, 2003). Le calcitriol a un rôle central sur ces voies de signalisation puisqu’il est capable d’induire l’expression de la MAP kinase phosphatase 5, empêchant ainsi l’activation des MAP kinases 38, et donc la production d’IL-6, témoignant de son rôle anti-inflammatoire dans le cancer (Nonn et al., 2006).

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I.2.5.3.3. Voie de signalisation NF-κB (nuclear factor kappa B)

Le calcitriol inhibe la voie de signalisation NF-κB, famille de facteurs de transcription de protéines régulant de nombreux gènes, notamment ceux impliqués dans la réponse immunitaire innée ainsi que dans l’inflammation (Bao, 2006; Lundqvist et al., 2014). Cette voie de signalisation, plus active dans les cellules cancéreuses, joue un rôle clé dans le développement tumoral en potentialisant notamment la transcription de gènes anti-apoptotiques (Bcl2), la production de cytokines pro-inflammatoires (IL-8), et la production du facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (VEGF), responsable de la vascularisation tumorale aussi appelée angiogenèse (Krishnan et Feldman, 2011). La voie de signalisation NF-κB potentialise aussi la production d’enzymes protéolytiques de la famille des métalloprotéinases matricielles (MMP), notamment MMP-9 connue pour être associée aux cancers du sein métastatiques en participant notamment au remodelage de la matrice extracellulaire, à l’origine de la formation de métastases (Mehner et al., 2014). L’inhibition de la voie de signalisation NF-κB par le calcitriol résulte aussi de l’augmentation de l’expression de l’IκB dans les cellules mononucléaires sanguines périphériques ainsi que dans les macrophages (Cohen-Lahav et al., 2006).

I.2.5.3.4. Interaction entre les cellules immunitaires et cancéreuses

Les tumeurs sont infiltrées par des cellules immunitaires (macrophages, cellules dendritiques, lymphocytes B et T) dont l’action est plutôt délétère vis-à-vis de l’organisme puisqu’elles tendent à promouvoir la croissance tumorale (Sica et al., 2008). Le calcitriol possède des effets immunomodulateurs envers ces cellules qui font partie intégrante de son activité anti-cancéreuse. Elles sont majoritairement représentées par les macrophages, alors appelés macrophages associés aux tumeurs, ou « TAMs » qui font l’objet du 2ème chapitre du manuscrit. Outre ses actions pro-différenciatives vis-à-vis des monocytes, le calcitriol possède un rôle activateur de l’activité de phagocytose des macrophages pouvant participer à la destruction des cellules cancéreuses (Chakraborti, 2011). Par ailleurs, il stimule la production de cathélicidine par ces derniers, qui s’est avérée cytotoxique vis-à-vis d’un modèle de lymphome à larges cellules B (Raji) au cours d’une étude in vitro (Bruns et al., 2015). En effet, Bruns et al. ont démontré par le biais de co-cultures que les macrophages pro-inflammatoires exerçaient une action cytotoxique envers les cellules Raji par le biais de la sécrétion de cathélicidine, mais que cette action était limitée pour les macrophages présentant un phénotype inflammatoire. Compte tenu de la faible capacité des macrophages anti-inflammatoires à synthétiser du calcitriol à partir du calcidiol, les auteurs ont émis l’hypothèse que cette sécrétion était dépendante de la vitamine D. Cela a été vérifié en supplémentant le sérum dans lequel les macrophages étaient cultivés avec une concentration faible (≤ 40 nM) ou importante (≈ 100 nM) en calcitriol, aboutissant à une cytotoxicité positivement corrélée à la concentration en actif

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(Figure 11) (Bruns et al., 2015). Ces résultats sont très prometteurs quant à l’utilisation de calcitriol dans le cadre de l’immunothérapie anti-tumorale.

Par ailleurs, un modèle de co-culture de cellules mononucléées sanguines périphériques et de cellules de cancer du côlon a permis de démontrer le rôle inhibiteur du calcitriol vis-à-vis de la production de cytokines pro-inflammatoires TNF-α et IL-6, ainsi que d’IL-10 mais dans une moindre mesure, confirmant le rôle anti-inflammatoire du calcitriol dans le cadre du cancer (Bessler et Djaldetti, 2012).

Figure 11. Activité cytotoxique de la cathélicidine envers la lignée cellulaire de lymphome à larges cellules B (Raji) in vitro en fonction de la concentration sérique en calcidiol. (a) les macrophages

immuno-stimulants (M1) ou immuno-suppresseurs (M2) ont été cultivés en présence de sérum supplémenté avec une faible concentration en calcitriol (≤ 40 nM, « deficient ») ou une forte concentration en calcidiol (≈100 nM, “sufficient”) pendant 6 jours. L’expression de l’ARNm de la cathélicidine a été déterminé par PCR quantitative (n=4). (b) Les macrophages M2 ont été incubés 2

jours avec du calcitriol puis co-cultivés avec les cellules Raji (ratio 5:1, 48 heures). La viabilité des cellules Raji a été determinée par un double marquade annexine-V/7-AAD par cytométrie en flux. La

figure représente le pourcentage de cellules Raji mortes (7-AAD+) par rapport aux cellules non exposées (n= 10). Les macrophages M1 ont été utilisés comme contrôle positif et le milieu de culture

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I.3. Encapsulation de la vitamine D

Les différents métabolites de la vitamine D ont été encapsulés dans des nanosystèmes variés (liposomes, micelles, nanoparticules protéiques ou polymères) pour une application principalement dans le domaine agroalimentaire avec pour objectif d’améliorer leur stabilité dans le cadre de l’enrichissement des produits en vitamine D, mais aussi dans le domaine pharmaceutique avec pour objectifs principaux d’améliorer sa biodisponibilité et d’ainsi potentialiser son activité, ou encore d’exploiter les capacités ciblantes de tels vecteurs. Il est important de souligner que dans le domaine pharmaceutique, le cholécalciférol est souvent choisi comme molécule modèle du calcitriol lors d’études de formulation car il est moins onéreux que ce dernier. Il peut cependant aussi être employé pour cibler des cellules capables de le convertir en calcitriol.