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Etudes pré-cliniques et cliniques utilisant le calcitriol pour le traitement du cancer

PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE

I.2. Activités biologiques de la vitamine D

I.2.4. Rôle du calcitriol dans la prévention et le traitement du cancer 1. Généralités

I.2.4.6. Etudes pré-cliniques et cliniques utilisant le calcitriol pour le traitement du cancer

L’activité anti-cancéreuse du calcitriol a fait l’objet de nombreuses études pré-cliniques sur différents modèles tumoraux, et de plusieurs études cliniques chez des patients atteints de divers cancers. Les études cliniques utilisant le calcitriol seul ou en association avec des actifs utilisés en chimiothérapie ont été très évolutives, principalement en terme de fréquence d’administration du traitement.

I.2.4.6.1. Les formes pharmaceutiques de calcitriol commercialisées

Deux formes pharmaceutiques de calcitriol sont actuellement sur le marché :

- Rocaltrol® (Roche), forme pharmaceutique solide (capsules contenant 0,25 μg ou 0,50 μg de calcitriol), adaptée pour la voie orale et dont la posologie dépend de la concentration sérique en calcium du patient et de la maladie ciblée, variant ainsi de 0,25 à 1 μg par jour. Le Rocaltrol® est prescrit

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dans le cas de rachitismes et d'ostéomalacies, d’anomalies osseuses (ostéodystrophies, …) et de troubles de la calcification provoqués par un mauvais fonctionnement des glandes parathyroïdes. - Calcijex® (Abott), forme pharmaceutique liquide (ampoules contenant une solution à 1 μg de calcitriol), adaptée pour la voie injectable. Le Calcijex® est prescrit dans le cas d’hypocalcémies principalement, mais aussi dans le cas de taux élevés en hormone parathyroïde, via une injection 3 fois par semaine ou par dialyse.

Malgré le fait que ces formulations n’aient pas été développées pour le traitement contre le cancer, elles ont été employées dans les premières études cliniques visant à évaluer l’activité anti-cancéreuse du calcitriol (Osborn et al., 1995; Gross et al., 1998; Beer et al., 2001; Fakih et al., 2007; Muindi et al., 2009; Chadha et al., 2010; Ramnath et al., 2013).

I.2.4.6.2. Traitement continu vs traitement intermittent

Dans une étude clinique de phase II menée par Osborn et al. sur des patients atteints de cancer de la prostate hormono-résistant, l’administration de 0,5 à 1,5 μg de calcitriol (Rocaltrol®) par jour de manière continue, soit de 3,5 à 10,5 μg/semaine, a permis de diminuer chez 2 patients sur 14 les concentrations en antigène prostatique spécifique (PSA) de respectivement 25 et 45%, suggérant une régression du cancer (Osborn et al., 1995). Cependant, 11 des patients ont présenté des hypercalcémies liées au traitement. Plus tard, Gross et al. ont démontré que l’administration de Rocaltrol® à des patients atteints de cancer de la prostate à des doses en calcitriol allant jusqu’à 2,5 μg/jour, soit 17,5 μg/semaine, était non pas associée à des hypercalcémies mais à des hypercalciuries chez tous les patients (Gross et al., 1998). Compte tenu de ces effets secondaires limitant la dose administrable de calcitriol, un régime intermittent a été proposé. Cependant, malgré le fait que ce mode d’administration permette d’échelonner les doses en calcitriol administrées aux patients, les formes commercialisées se sont rapidement montrées inadaptées pour assurer l’activité anti-cancéreuse du calcitriol. En effet, Muindi et al. ont démontré que même dans le cas d’une prise de 80 gélules per os de Rocaltrol® par jour 3 jours consécutifs par semaine, la fenêtre thérapeutique n’était pas atteinte (concentrations sériques en calcitriol > 1 nM) (Muindi et al., 2005). La même équipe a observé une absence de relation directe entre les doses en calcitriol administrées aux patients, autrement dit entre l’exposition au calcitriol et les concentrations sériques atteintes. Ceci a été confirmé par l’équipe de Beer et al. dans une étude menée chez des patients ayan teçu le traitement 1 fois par semaine durant 4 semaines (Beer et al., 2001). L’équipe de chercheurs a alors démontré l’existence d’une saturation de l’absorption du calcitriol pour des prises en calcitriol supérieures à 0,48 μg/kg (Beer et al., 2001).

Sur la base de ces études, une nouvelle formule, toujours adaptée à la voie orale mais avec une pharmacocinétique améliorée a été développée : DN-101 (Novacea Pharmaceutical).

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I.2.4.6.3. Développement d’une formulation à base de calcitriol adaptée au traitement contre le cancer : DN-101

La formulation DN-101, développée dans le but d’améliorer la pharmacocinétique du calcitriol après une administration par voie orale, se présente sous forme de capsules, chacune composée de 15 ou 45 μg de calcitriol, soit respectivement 30 et 90 fois plus de calcitriol que les capsules Rocaltrol® n’en contiennent (Beer et al., 2007a). Pour des doses en calcitriol comprises entre 15 et 165 μg, la formulation DN-101 présente une pharmacocinétique linéaire, comme démontré par Beer et al., avec pour la concentration maximale administrée une Cmax de 6,21 ng/mL et une demi-vie de 16,2 heures (Beer, 2005). Sur la base du développement d’hypercalcémies de grade 2 (concentrations sériques en calcium de 11,6–12,5 mg/dL) chez deux patients sur six, bien que réversibles, cette même équipe a démontré que la dose maximum tolérable de calcitriol était de 60 μg par semaine (Beer, 2005). La dose retenue pour la suite des études a donc été celle de 45 μg par semaine, permettant d’atteindre la fenêtre thérapeutique du calcitriol sans être à l’origine d’hypercalcémies grâce à son administration intermittente (Figure 9).

Figure 9 : Avantages du profil pharmacocinétique de la formule DN-101 (administration intermittente, en bleu) par rapport à une administration journalière (en rouge) de calcitriol

(Brawer, 2007)

Par la suite, deux études cliniques randomisées marquantes utilisant la formulation DN-101, appelées « Androgen-Independent Prostate Cancer Study of Calcitriol Enhancing Taxotere » ou « ASCENT » 1 et 2 ont notamment été réalisées (Beer et al., 2007b; Scher et al., 2011).

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I.2.4.6.3.1. ASCENT 1

L’étude clinique de phase II nommée ASCENT 1, a été réalisée chez 250 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique et progressif androgène-indépendant. Les patients ont été répartis en deux groupes recevant un traitement hebdomadaire 3 semaines sur 4 : le groupe recevant le calcitriol (45 μg/semaine) et le docétaxel (36 mg/m2 par semaine), et le groupe recevant un placebo et le docétaxel (36 mg/m2 par semaine) (Beer et al., 2007b). Le critère d’évaluation principal de l’efficacité du traitement dans cette étude était la fréquence de survenue d’une réduction de 50% du taux de PSA dans les 6 mois suivant le traitement. La conjugaison du DN-101 avec le docétaxel n’a pas montré d’amélioration du traitement par rapport au docétaxel seul en considérant le critère principal établi, i.e. le taux de PSA. De plus, les patients ayant reçu le traitement associant DN-101 et la docétaxel se sont révélés plus sujets aux hypercalcémies (33%) par rapport au groupe placebo + docétaxel (8%) bien qu’elles aient été réversibles. Cependant, le calcitriol semble dans cette étude avoir un impact favorable sur la survie des patients puisque la survie médiane, estimée en utilisant le « hazard ratio » largement utilisé en clinique, était de 24,5 mois dans le groupe DN-101 contre 16,4 mois dans le groupe placebo. Le risque de décès a donc été réduit d’environ 1/3.

Ces résultats prometteurs ont donc fait l’objet de la poursuite de l’étude de l’intérêt du DN-101 en association avec le docétaxel avec l’initiation d’une étude clinique de phase III : ASCENT-2 (Scher et al., 2011).

I.2.4.6.3.2. ASCENT 2

L’étude clinique de phase III ASCENT 2 a été réalisée chez 953 patients présentant un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (Scher et al., 2011). Comme pour l’étude ASCENT 1, les patients ont été répartis en 2 groupes :

- Le groupe ASCENT, recevant de manière hebdomadaire 3 semaines sur quatre 45 μg de

DN-101 + 36 mg/m2 docétaxel + 24 mg dexaméthasone

- Le groupe contrôle, recevant de manière hebdomadaire 3 semaines sur quatre le traitement en vigueur du cancer de la prostate métastatique, à savoir 5 mg prednisone (2 fois par jour) + 75 mg/m2 docétaxel + 24 mg dexaméthasone.

Sur la base de la première étude ayant démontré un impact positif de l’addition de DN-101 au traitement vis-à-vis de la survie des patients, c’est ce critère qui a été défini comme étant le principal indicateur de l’efficacité du traitement. Une analyse intermédiaire de l’état des patients a mis en évidence un nombre de décès plus important dans le groupe recevant en plus le DN-101, menant à l’interruption précoce de l’étude. Ainsi, la survie globale médiane dans le groupe ASCENT était de 17,8 mois contre 20,2 mois pour le groupe contrôle.

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Même si ces résultats pourraient laisser à penser que le calcitriol ne potentialise pas l’effet du docétaxel, cette étude présente des limites, rendant les résultats discutables. En effet, le groupe contrôle a reçu plus de deux fois plus de docétaxel que le groupe ASCENT du fait de l’évolution du traitement entre cette étude et l’étude préalable ASCENT 1. De plus, la dexaméthasone et la prednisone ont été ajoutées au traitement dans cette étude par rapport à l’étude ASCENT 1. Or, il est bien connu que ces dernières limitent les effets hypercalcémiques du calcitriol, permettant ainsi une augmentation de sa dose maximale tolérable (Kennedy et al., 2013). Aussi, après injection par voie IV du calcitriol, la dexaméthasone augmente la dose maximale tolérable de calcitriol de 74 à 125 μg de calcitriol par semaine (Muindi et al., 2009).

Bien que cette étude reste à ce jour la dernière grande étude clinique utilisant le calcitriol, d’autres essais évaluant l’efficacité anti-tumorale du calcitriol ont été conduits.

I.2.4.6.3.3. Autres études

Une étude clinique de phase II a été conduite chez 21 patients atteints de cancer de la prostate (récidive) afin d’évaluer l’efficacité de l’association de calcitriol (DN-101, 45 μg/semaine) avec un anti-inflammatoire non stéroïdien : le naproxène (375 mg 2 fois/jour) (Srinivas et Feldman, 2009). Des réponses modestes au traitement ont été enregistrées puisque chez 75% des patients, le temps de doublement du taux de PSA a augmenté de plusieurs mois. De plus, aucun groupe témoin n’ayant été établi, il est difficile de définir clairement l’avantage d’une telle combinaison thérapeutique par rapport à un traitement contrôle (Srinivas et Feldman, 2009).

Shamseddine et al. ont mené une étude clinique de phase II sur 30 patients atteints de cancer de la prostate résistant à la castration (Shamseddine et al., 2013). Les patients ont reçu durant 6 semaines consécutives et sur un cycle de 8 semaines :

- 0,5 μg/kg par semaine de calcitriol en 4 prises en 4h, soit une prise par heure (voie orale, jour 1)

- 36 mg/m² par semaine de docétaxel (voie intraveineuse, jour 2)

- 4 mg d’acide zoledronique (voie intraveineuse, jour 2 des semaines 1 et 5 de chaque cycle de traitement).

Des résultats encourageants ont été obtenus puisque pour près de la moitié des patients, le taux de PSA a diminué d’au moins 50% en un peu plus de 3 mois, et pour près de 30% d’entre eux s’est stabilisé. Cependant, les auteurs ont souligné une plus faible réponse au traitement testé par rapport à l’utilisation du docétaxel seul (Shamseddine et al., 2013).

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