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Le rôle de la SOD Mn dans la carcinogenèse et dans la croissance tumorale dépend essentiellement de l’action décrite précédemment de l’O2°- et de l’H2O2, dont elle contrôle le niveau intracellulaire, mais également d’un déséquilibre entre son expression et celle des autres enzymes antioxydantes principales telles que catalase, GPX et PRX [Ridnour et al. 2004].

Une expression constitutive faible a pour conséquence une accumulation d’O2°-, une EAO qui agit comme un second messager dans les cellules tumorales, en activant l’oncoprotéine Ras et en inhibant l’activité de la protéine p53 [Yang et al. 1999 ; Oberley 2005], comme il a été montré dans les fibroblastes transformés [Irani et al. 1997], dans les cellules tumorales mammaires [Li et al. 1995] et ovariennes [Hu et al. 2005]. L’élimination de l’O2°- en surexprimant la SOD Mn par introduction expérimentale de son gène, entraîne ainsi une inhibition de croissance de ces cellules tumorales, conduisant ainsi certains auteurs à considérer l’enzyme antioxydante comme suppresseur de tumeur [Bravard et al. 1992]. Plusieurs études montrent que la surexpression de la SOD Mn entraîne une inhibition de la croissance de fibroblastes immortalisés [Yan et al. 1996] et de diverses cellules tumorales [Church et al. 1993; Safford et al. 1994; Zhong et al. 1997; Li etal. 1998; Cullen et al. 2003; Weydert et al. 2003; Ough et al. 2004].

Cependant, l’accumulation d’H2O2 engendrée par la surexpression de la SOD Mn dans ces lignées tumorales est également responsable de l’inhibition de leur croissance. Cette accumulation est accentuée par le fait que les enzymes antioxydantes l’éliminant ne sont pas induites dans ces conditions [Ridnour et al. 2004]. Ceci a particulièrement été montré dans les cellules d’adénocarcinomes de la prostate [Li et al. 1999 ; Venkataraman et al. 2005]. L’importance de l’H2O2 dans l’action inhibitrice de la SOD Mn sur la tumorigenèse est démontrée par le travail de l’équipe d’Oberley, qui a observé que l’introduction conjointe du gène codant la SOD mitochondriale et celui de la GPX n’a aucun effet sur la croissance de

Figure 19 : Mécanismes moléculaires mis en jeu dans les cellules tumorales ayant une faible expression de la SOD Mn.

cellules de gliomes humains [Li et al. 2000]. L’H2O2 peut affecter le fonctionnement des mitochondries [Kim et al. 2001], mais également moduler à la fois l’activité des facteurs de transcription sensibles aux EAO et la transduction de signaux spécifiques [Kiningham et St Clair 1997 ; Manna et al. 1998]. Certains auteurs ont montré que l’H2O2 libéré par l’activité de la SOD Mn surexprimée peut induire l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs, comme la Maspin dans les cellules tumorales de la prostate [Duan et al. 2003], mais également inactiver la protéine c-Jun dans les cellules de fibrosarcomes [Kiningham et St Clair 1997] ou la protéine kinase de la partie N-terminale de c-Jun (JNK) dans un modèle de carcinogenèse de la peau [Zhao et al. 2001 ; St Clair et al. 2005], conduisant à l’absence d’activation du complexe AP-1, dont on connaît le rôle dans la prolifération cellulaire. Il semble également que l’H2O2 soit capable de diminuer le pouvoir invasif et métastatique de certaines cellules tumorales, comme les cellules de fibrosarcomes, qui lorsqu’elles surexpriment la SOD Mn, expriment significativement une protéine d’adhésion comme la fibronectine [Kiningham et St Clair et al. 1997].

Certaines cellules tumorales ont une expression naturelle de la SOD Mn plus élevée que les cellules normales de la même origine tissulaire, et qui est associée avec leur degré de malignité (cf paragraphe III.4.A). Cette expression constitutive forte a pour conséquence une accumulation d’H2O2, une EAO qui agit également comme second messager dans les cellules tumorales, en activant directement les protéines kinases activées par les mitogènes, comme ERK 1 et 2, ainsi que des facteurs de transcription comme AP-1 et NF-κB [Nelson et Melendez 2004]. Cependant, l’activation par H2O2 n’est pas aussi efficace sur la prolifération que celle activée par l’O2°-, ce qui expliquerait que les cellules tumorales surexprimant la SOD Mn prolifèrent moins rapidement que celles ayant une expression constitutive faible de l’enzyme antioxydante. Cette observation a été rapportée dans les cellules de mésothéliomes [Kahlos et al. 1999] et dans les cellules tumorales ovariennes in vitro et in vivo [Hu et al. 2005]. Dans cette dernière étude, les auteurs démontrent qu’une lignée de cellules tumorales de l’ovaire, ayant une expression constitutive élevée de la SOD Mn, inhibée par ARN interférence, acquiert une croissance accélérée à la fois in vitro et in vivo chez la souris. Enfin, il semble également que les macrophages infiltrant les tumeurs, qui comme nous l’avons vu dans le paragraphe III.4.B, induisent l’expression de la SOD Mn, sont donc susceptibles de contribuer à la croissance tumorale [Pani et al. 2004 ; Kinnula et Crapo 2004]. Ces données récentes suggèrent que la SOD Mn ne serait pas un suppresseur de tumeur dans toutes les cellules.

Figure 20 : Mécanismes possibles conduisant à une expression basale élevée de la SOD Mn dans certaines cellules cancéreuses.

Cette différence observée suggère l’existence de voies de transduction et de régulation distinctes selon la nature des lignées de cellules tumorales. Lorsque la SOD Mn est surexprimée par transfection dans les cellules tumorales, la croissance cellulaire est inhibée du fait d’une production excessive d’H2O2, qui affecte le fonctionnement des mitochondries [Kim et al. 2001]. L’expression basale faible du gène de la SOD Mn dans les cellules tumorales suggère donc que l’O2°- participerait aux signaux favorisant leur prolifération (Figure 19). Les mécanismes mis en évidence dans les cellules tumorales présentant une expression basale élevée de la SOD Mn sont, soit un contrôle mutuel entre le taux de cette enzyme et celui de la protéine pro-apoptotique p53, soit la stimulation du gène de l’enzyme par des cytokines inflammatoires sécrétées par les phagocytes infiltrant les tumeurs [Pani et al. 2004] (Figure 20).