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Le rôle de la simulation numérique dans le développement des réacteurs

La simulation numérique est utilisée afin d’améliorer la conception des réacteurs plas-mas, identifier de nouveaux axes de recherches ou encore trouver des conditions de fonc-tionnement optimales [H.C. KIMet LEE[2005]].

Le développement de simulations fiables est lent et difficile à cause de la grande com-plexité des plasmas de gravure et du manque de donnés. En particulier, un certain nombre de sections efficaces décrivant des réactions importantes du plasma ne sont pas connues. Ces simulations doivent prendre en compte la physique des plasmas proprement dite, les équations de l’électromagnétisme ainsi que la chimie en phase gazeuse et aux parois. Ces phénomènes se produisent sur des échelles spatio-temporelles très différentes. Par exemple, la gravure d’un substrat se déroule sur des temps de l’ordre de la seconde alors que les collisions électron-neutres, responsables de la dissociation et de la production d’ions, ont lieu sur des échelles de l’ordre de la femto-seconde. Spatialement, le trans-port des neutres dans le réacteur se produit sur des échelles de l’ordre de la dizaine de centimètres alors que la description des gaines, capitale pour bien rendre compte de la gravure, implique des échelles de l’ordre du micromètre. Dans la plupart des cas, toutes ces échelles sont couplées. De plus, les modèles doivent décrire avec précision la phy-sique fondamentale des plasmas, ce qui implique des algorithmes spécialisés mais assez flexibles pour rendre compte d’un grand nombre de réacteurs opérant à des conditions différentes [KUSHNER[2009]].

La fiabilité des résultats de simulation dépend non seulement des hypothèses faites pour chaque type de modèle mais également des incertitudes concernant les paramètres d’entrées. Certaines sections efficaces, notamment, sont encore insuffisamment connues et ne peuvent conduire qu’à une limite supérieure sur les résultats. Néanmoins, la simu-lation numérique permet d’étudier les tendances principales des paramètres plasmas en fonction des paramètres d’entrées.

Dans cette section, nous allons voir les types de modèles principalement utilisés en physique des plasmas de gravure.

1.7.1 Modélisation fluide 1-D et 2-D

Comme son nom l’indique, la modélisation fluide des plasmas s’appuie sur les équa-tions fluides décrites dans la sous-section 1.3.2 et une vision macroscopique. Dans les réacteurs à plasmas, en particulier du type inductif, les équations fluides se couplent aux équations de Maxwell (pour décrire le couplage bobine-électrons par exemple). Il s’agit alors de résoudre numériquement cet ensemble d’équations.

Cette résolution n’est pas facile à cause des échelles spatio-temporelles très dispa-rates. Plusieurs solutions, donnant naissance à plusieurs types de modélisations fluides,

existent cependant.

Dans les modèles fluides "1 − D" et "2 − D" [LYMBEROPOULOSet ECONOMOU[1995]],

[P.L.G. VENTZEK et KUSHNER [1993]], le plasma est découpé en petits éléments au sein

desquels les grandeurs fluides sont homogènes. La taille des éléments, leur forme géo-métrique et la manière d’y résoudre les équations dépendent de la physique que l’on sou-haite décrire. Celle-ci peut être la diffusion des neutres vers les parois des réacteurs pour étudier leur impact sur la chimie ou bien la façon dont le plasma va venir graver un sub-strat donné. Les grandeurs fluides considérées sont obtenues à partir des moments de l’équation de Boltzmann (résolue numériquement) conformément à ce que nous avons décrit en section1.3.2. Celles-ci sont les densités d’espèces, leur énergie, le transport d’es-pèces...

Afin de résoudre les problèmes engendrés par les échelles variables, ces modèles s’ap-puient sur un système de modules. Chacun de ces modules gèrent un aspect de la phy-sique (énergie des électrons, transport, électromagnétisme). L’information circule en boucle entre les modules.

Les données du modèle sont en général la géométrie du réacteur, le matériau dans lequel il est construit, le type de bobines et de substrats... Les sorties sont les paramètres importants comme les densités d’espèces, les taux de gravures...

On peut bien sûr rajouter des modules en fonction des besoins, ce qui est un des avan-tages de ce type d’approche.

De manière générale, la modélisation fluide est la moins coûteuse en temps de calcul. En contrepartie, de nombreux phénomènes cinétiques sont négligés.

1.7.2 Les modèles globaux

Les modèles "0 − D" ou modèles globaux [D.A. TONELI et GUDMUNDSSON [2015]],

[LIEBERMANet ASHIDA[1996]] peuvent être considérés comme des modèles fluides qui

ne prennent en compte que les moments d’ordre 0 de l’équation de Boltzmann. Ils ne prennent donc en compte que les phénomènes de création et perte des espèces neutres et chargées. Ils s’affranchissent de toutes les questions liées au transport des espèces et au couplage des particules chargées avec le champ électromagnétique. Dans ce type de modèle, les pertes de neutres aux parois sont modélisées par un coefficientγ de recom-binaison. Dans le cas des plasmas basse pression que nous considérons ici, ce coefficient peut être relié à un coefficient effectif de perte en volume à travers un modèle de trans-port développé dans [CHANTRY[1987]]. Les espèces chargées (positives) sont supposées atteindre la gaine avec leur vitesse de Bohm. Tous les ions positifs qui atteignent la paroi sont ensuite neutralisés. Les pertes d’ions positifs sont également reliées par un coeffi-cient de perte effectif en volume à travers un modèle de diffusion.

Dans ces modèles, un plasma est considéré comme homogène en tout ses points. Cela revient donc à "couper" le système d’équations fluides1.3.2dès la première équation en supprimant toute référence aux vitesses des particules. Un modèle global se ramène donc à l’étude des équations du type :

d Ni d t = X j Cj iX j Pj i (1.52)

l’espèce i produites sous l’influence du reste du plasma et Pj i le nombre de particules de l’espèce i perdues sous l’influence du reste du plasma.

Il existe autant d’équations du type1.52qu’il y a d’espèces différentes dans le plasma. Le système d’équations obtenu se résout ensuite par des méthodes matricielles.

La plus grande difficulté ne consiste cependant pas à résoudre le système mais à ob-tenir des informations fiables sur la chimie des espèces. Ces informations, fournies dans la littérature sous forme de sections efficaces de réactions, peuvent être inexistantes ou imprécises.

Les modèles globaux sont très intéressants pour étudier un aspect précis du plasma et du réacteur. Par exemple, [D.A. TONELIet GUDMUNDSSON[2015]] étudie spécifique-ment l’impact des fonctions de distribution en énergie des électrons et des parois sur l’ensemble des paramètres plasmas. Il néglige cependant tous les aspects électromagné-tiques et liés au transport d’espèces dans le plasma. Il offre une vision incomplète du système réacteur + plasma mais permet d’identifier les processus fondamentaux et les paramètres qui permettent d’agir dessus.

1.7.3 Modélisation particulaire

La modélisation particulaire utilise une représentation statistique des phénomènes physiques dans l’espace des phases [Ver[2005]], [BIRDSALL[1991]], [V. VAHEDIet ROGN -LIEN[1993]] telle qu’elle a été décrite dans la section1.3.2. Elle permet une description complète des effets non-linéaires et collectifs des plasmas ainsi que la prise en compte des effets non-relativistes. La modélisation particulaire repose sur l’utilisation de super-particules, chacune d’entre elles représentant un grand nombre de particules réelles ( 1 super-particules ∼ 1 million de particules réelles). La taille d’une super-particule doit être choisie plus petite que la longueur de Debye et le pas de la simulation inférieur à l’échelle de temps caractéristique du plus petit phénomène du plasma que l’on désire décrire. Dans le cas des plasmas, ce procédé se justifie par le comportement collectif des parti-cules chargées. Ce type de simulation est en général fait pour une seule dimension étant donné la lourdeur des calculs à effectuer. Pour ces mêmes raisons, la chimie du plasma est rarement incorporée. Le schéma classique d’une méthode de modélisation particu-laire est montré en figure1.20.

Au cours d’un pas de temps d t , les informations circulent dans une boucle fermée comprenant les différents modules du modèles. L’intégration des équations du mouve-ment à partir des données de forces s’appliquant aux particules donne les positions de celles-ci. Les positions servent ensuite à déterminer les sources (charges et courants) des équations de Maxwell. L’intégration de ces dernières fournit les forces agissant sur les par-ticules. La boucle est ensuite réitérée jusqu’à convergence du modèle. Dans le cas d’un plasma collisionnel, on peut intercaler dans la boucle un module Monte-Carlo permet-tant de simuler les collisions. Il a pour effet de modifier la distribution des vitesses des particules et leur positions.

La modélisation particulaire offre une description statistique beaucoup plus détaillée que la modélisation fluide cependant les temps de calculs sont bien plus longs. En effet, en général un million de super-particules et leurs collisions doivent être considérées en même temps, ce qui est très lourd. Pour accélérer les temps de calculs, des schémas de pa-rallélisation sont utilisés. Un autre problème est aussi le bruit de la simulation qui résulte

dt Équations du mouvement

Fi → ai → xi particules aux paroisPertes/Gains de

Collisions Monte Carlo ai → xi Interpolations des sources (xi, vi) →(ni, Ji) Équations de Maxwell (ni, Ji) → (Ei, Bi) Calcul de forces (Ei, Bi) → Fi

FIGURE1.19 – Schéma typique d’un modèle particulaire

du petit nombre de super-particules utilisées. Le bruit peut être réduit en augmentant le nombre de super-particules mais cette technique se heurte aux problèmes de temps de calculs. De plus, l’importance du bruit obéit à une loi enp

(N), ce qui implique d’aug-menter considérablement le nombre de super-particules pour un gain pas toujours à la hauteur. D’autres techniques, comme le filtrage numérique, peuvent intervenir pour ré-duire le bruit mais on prend ainsi le risque d’altérer la physique du modèle. Les modèles particulaires ont également des difficultés à résoudre les queues des fonctions de distri-bution ainsi que les échelles spatio-temporelles étendues.

1.7.4 Modélisation hybride

Comme son nom l’indique, la modélisation hybride est un mélange entre la modélisa-tion fluide et particulaire. L’idée est de combiner la rapidité de calcul des modèles fluides avec les résultats cinétiques précis de la modélisation particulaire. Ce type de simulations est plus rapide que les codes particulaires classiques et plus précis que la modélisation fluide pure. Il permet de traiter des problèmes en deux voire trois dimensions.

Il n’existe pas de schéma classique de modèles hybrides. Ceux-ci s’établissent au cas par cas en fonction des situations rencontrées. Par exemple, au cœur du plasma, loin des bordures, les électrons sont souvent modélisés de manière particulaire et les ions de ma-nière fluide. En revanche, près des parois où intervient le bombardement ionique, les ions sont modélisés par un code particulaire et les électrons sont vus comme un fluide.

Une implémentation particulière de la méthode hybride, développée pour le design de nouvelles générations de réacteurs plasmas, est le modèle HPEM (Hybrid Plasma Equip-ment Model) [KUSHNER[2009]]. Des résultats de ce code seront comparés à nos résultats expérimentaux. Ce type de modèle néglige en général un certain nombre de processus réactionnels afin de ne pas trop alourdir les calculs. En particulier, l’excitation vibration-nelle des molécules est négligée et supposée en équilibre avec les rotations et les transla-tions.

1.8 La validation des modèles numériques : description des