• Aucun résultat trouvé

Rôle des récepteurs P1 et P2 dans le système immunitaire

I. 3.2.2.5 Les différents sous-types P2Y

I.4 Rôles physiologiques des récepteurs P1 et P2

I.4.2 Rôle des récepteurs P1 et P2 dans le système immunitaire

Le système immunitaire permet aux organismes d’éliminer les pathogènes (virus, bactéries, parasites) et les cellules anormales (cellules cancéreuses, infectées par un pathogène intracellulaire). Son action repose sur un réseau de cellules appelées leucocytes. Les cellules immunes dérivent essentiellement des cellules souches présentes dans la moelle osseuse. Ces dernières donnent naissance à deux types de progéniteurs : myéloïdes et lymphoïdes. Les précurseurs myéloïdes sont à l’origine des granulocytes (neutrophiles, éosinophiles et basophiles), macrophages, cellules dendritiques et mastocytes tandis que les précurseurs lymphoïdes se différencient en lymphocytes T et lymphocytes B.

Le système immunitaire est organisé en deux grand axes qui interagissent : l’immunité innée et l’immunité adaptative.

L’immunité innée (également appelée naturelle ou non spécifique) implique plusieurs acteurs : les barrières physiques et biochimiques (peau, muqueuses,…), les substances solubles sécrétées en réponse à une infection (système du complément, cytokines, chimiokines) ainsi que les cellules phagocytaires (neutrophiles, macrophages, cellules dendritiques). Lorsqu’un pathogène arrive à passer au travers des barrières physiques, le système inné tente de l’éliminer par phagocytose et/ou par la sécrétion d’agents cytotoxiques.

En cas d’infection persistante, la réponse immune adaptative prend le relais de l’immunité naturelle. Le système adaptatif possède deux avantages : il déclenche une réponse immune contre un antigène spécifique sans causer trop de dégâts collatéraux et possède une mémoire antigénique ; ce qui lui permet de répondre très efficacement contre un antigène déjà rencontré. Ce mécanisme de défense implique principalement deux types de cellules immunes : les lymphocytes T et les lymphocytes B. L’initiation de la réponse adaptative nécessite l’activation de lymphocytes T par des cellules présentatrices d’antigène (en

particulier les cellules dendritiques, voir paragraphe suivant). Selon le type de cytokines présentes dans leur environnement, les lymphocytes T se différencient en cellules Th1 (lymphocytes T effecteurs de type 1) ou en cellules Th2 (lymphocytes T effecteurs de type 2). Les cellules Th1 activent les lymphocytes T cytotoxiques (Tc) qui s’attaquent aux cellules anormales (réponse immune dite cellulaire). Les cellules Th2 stimulent la prolifération et la différenciation des lymphocytes B en cellules sécrétrices d’immunoglobulines. Hormis les cellules Th1 et Th2, il existe un troisième type de lymphocytes T, appelés Th17, qui sécrètent l’IL-17 et jouent un rôle dans les maladies auto-immunes [240]. De plus il existe différents types de lymphocytes T régulateurs (Treg) qui ont des propriétés tolérogènes : elles protègent l’organisme de son propre système immunitaire afin éviter des réponses auto-immunes.

Les cellules dendritiques (DC) sont des cellules présentatrices d’antigènes professionelles et sont considérées comme des sentinelles du système immunitaire. Elles résident dans les tissus non-lymphoïdes, la circulation, et les tissus lymphoïdes. Toutes les DC proviennent des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse (HSC) et partagent des caractéristiques communes (figure I.7). Les HSC se différencient en différents précuseurs qui seront à l’origine d’un grand nombre de sous-populations de DC (plasmatoïdes, cellules de Langerhans,…) qui ont des caractéristiques distinctes (temps de vie, fonctions immunes, distribution tissulaire) [241]. Les cellules dendritiques spléniques murines qui expriment la molécule CD8αα, par exemple, favorisent la différenciation des cellules Th1 [242]. Chez la souris, les DC peuvent être préparées à partir de la rate ou différenciées, in vitro, à partir de la moelle osseuse en présence de GM-CSF. Ces cellules dendritiques dérivées de la moelle osseuse (BMDC) sont considérées comme les équivalents des DC inflammatoires physiologiques (productrices de TNF et de NO) [243].

Après capture d’un antigène et exposition à un signal de danger (pathogènes, LPS, TNF-α,…), les DC subissent des changements morphologiques et physiologiques, un processus appelé maturation. Ces modifications incluent :

• une augmentation de l’expression du complexe d’immunohistocompatibilité (MHC) et des molécules co-stimulatrices (CD80, CD86,…) à la surface cellulaire ;

• la perte de leur capacité à capturer les antigènes ;

• un changement du répertoire de chimiokines et de leurs récepteurs, ce qui permet la migration des DC vers les organes lymphoïdes où elles activent les lymphocytes T ;

• la sécrétion de cytokines (IL-12, IL-10,…).

Les DC présentent les antigènes dans le contexte du MHC aux lymphocytes T naïfs et stimulent l’activation et la différenciation de ces derniers. L’interaction entre lymphocytes T et DC implique de nombreux facteurs membranaires (complexe MHC/antigène, molécules co-stimulatrices,…) et solubles (interleukines,…). La production de l’interleukine-12p70 (IL-12p70) par les DC favorise le développement des cellules Th1 tandis que la différenciation des cellules Th2 semble être la voie par défaut : elle se développerait spontanément en l’absence d’IL-12 [244]. Outre leurs fonctions immunostimulatrices, les cellules dendritiques sont également capables d’induire et de maintenir la tolérance [245].

Les nucléotides extracellulaires (adénosine compris) et leurs récepteurs font partie intégrante du réseau des effecteurs qui régulent les réponses immunes [246, 247]. Leurs récepteurs P1 et P2 interviennent dans les fonctions de la plupart des cellules du système immunitaire [246]. Parmi elles, les cellules dendritiques (DC) sont particulièrement intéressantes car elles ont un rôle central dans le contrôle de la réponse immune [248].

Les DC immatures expriment plusieurs récepteurs P1 et P2 : A1,3,2B, P2X1,4,5,7 et P2Y1,2,4,6,13,14. Après maturation, ces cellules perdent l’expression des récepteurs A1,3 et P2Y11,14 tandis qu’elles acquièrent le récepteur A2A. De plus, les ecto-nucléotidases CD39 et CD73 sont également présentes à la surface de ces cellules [249].

Plusieurs équipes ont rapporté que la plupart des nucléotides (ainsi que l’adénosine) modulent la fonction des DC [96, 250]. L’ATP, l’UTP et l’adénosine ont un effet chimioattractant sur les DC immatures [251-254]. Au contraire, la motilité des DC soumises à un gradient de chimiokines (CCL21) et d’ATP est inhibée via l’activation du récepteur P2Y11 [199]. Pour réconcilier ces observations, les auteurs de cette étude émettent l’hypothèse que l’ATP, après avoir stimulé la migration des DC vers le site d’inflammation, provoque un ralentissement de la motilité afin de prolonger leur exposition aux antigènes et aux agents maturants. D’ailleurs, l’ATP et l’adénosine stimulent la capture des antigènes par les DC immatures [255, 256]. Ces deux purines induisent, en synergie avec des médiateurs de l’inflammation, la maturation des DC humaines [198, 255]. Pendant ce processus, la motilité des DC est toujours réduite car l’adénosine, via l’activation du récepteur A1, inhibe leur migration vers les ganglions ; ce qui laisse à penser qu’elles demeurent plus longtemps sur le site d’inflammation [257]. Au bout

de ce processus de maturation, les DC expriment les récepteurs (CCR7,…) nécessaires à la migration vers les organes lymphoïdes secondaires, et ont perdu l’expression de molécules qui les attirent vers les sites d’inflammation (CCR5,…) et qui les y maintiennent (P2Y11, A1,…). Ce changement de profil est facilité par les effets de l’ATP qui inhibe l’expression de CCR5 et potentialise celle de CCR7 [258].

A de fortes concentrations (> 100 µM), l’ATP semble favoriser l’initiation d’une réponse Th1 [259]. Néanmoins, une longue exposition (>15-30 min) à de très fortes concentrations d’ATP (de l’ordre du mM) provoque des changements morphologiques et éventuellement l’apoptose des DC [260, 261]. De ce fait, lors d’une inflammation excessive, les fortes concentrations d’ATP extracellulaire limiteraient les dégâts supplémentaires qu’engendreraient les DC. Au contraire, de faibles taux (< 100µM) d’adénosine triphosphate stimulent les réponses de type Th2 ou tolérogène [262]. De plus, les DC exposées à de faibles concentrations d’ATP ont une capacité réduite à attirer les cellules Th1 alors que leur capacité à attirer les lymphocytes T auxiliaires de type 2 reste intacte [263]. Outre la production de facteurs favorisants les réponses de type Th2, l’ATP, via l’activation du récepteur P2Y11, induit des médiateurs (thrombospondine, indoleamine 2,3-dioxygenase) impliqués dans la tolérance immune [258].

La résultante des effets de l’ATP, par exemple, dépend de sa concentration dans le milieu extracellulaire. Réguler sa disponibilité semble essentiel pour l’induction d’une réponse immune appropriée. En effet, les réponses immunes des souris déficientes en CD39 (ecto-enzyme qui hydrolyse l’ATP/ADP en AMP) sont altérées [41]. L’inflammation, caractérisée par un épaississement du tissu, induite par des agents irritants (BAC, EPP,…) est exacerbée dans les souris CD39-/-. Ce phénotype s’explique, par la présence de fortes concentrations d’ATP/ADP qui auraient des effets pro-inflammatoires. Paradoxalement, les réactions d’allergie de contact médiées par les lymphocytes T sont fortement réduites dans ces souris. De plus, les propriétés adjuvantes des cellules dendritiques CD39-/- sont moins importantes que celles des DC contrôles. Les auteurs de cette étude émettent l’hypothèse que le rôle de CD39 serait double. Premièrement, CD39 préviendrait la désensibilisation des récepteurs P2 en hydrolysant l’ATP et de ce fait optimiserait leurs effets sur les DC (migration, maturation,…). Deuxièmement, CD39 limiterait l’action délétère que pourrait avoir l’ATP, à forte concentration, sur les DC.

Figure I.1 Les nucléotides

Purines

Adénine Guanine Cytosine Thymine Uracile

Figure I.2 Les nucléotides extracellulaires et leurs récepteurs. D’après Lazarowski et al.,

2003.

Tableau I.1 Les récepteurs P1. Les flèches vers le bas signifient inhibition et celles vers la haute activation.

A1 A2A A2B A3

Protéines G Gi/o Gs Gs Gq Gi Gq

Mécanismes effecteurs AC AC AC , PLC AC , PLC

Agonistes syntétiques CHA CGS21680 NECA IB-MECA

Figure I.3 Structure des récepteurs P2X.

Tableau I.2 Les récepteurs P2Y. Gset Gq Gq Gqet Gα i Gqet Gα i Gq

Pas d’orthologue murin

↑AC ,↑PLC -ATP P2Y11 En cours ↑PLC -UDP P2Y6 Epithélium jéjunal ↑PLC -ATP P2Y4 Epithélium pulmonaire ↑PLC -ATP=UTP P2Y2 Plaquettes : agrégation ↑PLC MRS2179 ADP P2Y1 i Gα i (Gα 16) i Protéines G -↓AC -UDP-glucose P2Y14 ? ↓↓↓↓AC AR-C69931MX, AR-C67085MX ADP P2Y13 Plaquettes: agrégation ↓AC AR-C69931MX, ARC-67085MX ADP P2Y12 Phénotype des Souris KO Mécanismes effecteurs Antagonistes sélectifs Agonistes Groupe B i Gα i (Gα 16) i Protéines G -↓AC -UDP-glucose P2Y14 ? ↓↓↓↓AC AR-C69931MX, AR-C67085MX ADP P2Y13 Plaquettes: agrégation ↓AC AR-C69931MX, ARC-67085MX ADP P2Y12 Phénotype des Souris KO Mécanismes effecteurs Antagonistes sélectifs Agonistes Groupe B

Figure I.5 Le récepteur P2Y13 module de la libération d’ATP par les globules rouges.

D’après Wang et al., Circ Res, 2005.

Figure I.7 Schéma du développement des cellules dendritiques murines. HSC : cellules

hématopoïétiques souches provenant de la moelle osseuse. MPP : progéniteurs multipotents. CMP : progéniteurs myéloïdes communs. CLP : progéniteurs lymphoïdes communs. M-DC : précurseurs de macrophages et de cellules dendritiques. pDC : cellules dendritiques plasmacytoïdes. cDC : cellules dendritiques conventionnelles.

Documents relatifs