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Le rôle de monnaie internationale

Dans ce contexte, plusieurs monnaies (le dollar, l’euro, la livre sterling, le yen, le franc suisse) jouent un rôle international, mais une seule (le dollar) est dominante dans l’ensemble des fonctions internationales de la monnaie.

Le tableau 1 présente quelques statistiques sur les rôles internationaux du dollar, de l’euro et du yen. Malgré un certain déclin, le rôle clé du dollar en tant que moyen de paiement et en tant que réserve de valeur reste clair. Dans un contexte d’intégration très étroite des systèmes fi nanciers européens et américain, la crise a également mis au jour l’importance des positions en dollars des banques non américaines, notamment en Europe, et leur dépen-dance à l’égard d’un accès continu aux fi nancements en dollars. C’est ce qui a conduit la Réserve fédérale à jouer un rôle central dans la fourniture de liquidités aux banques étrangères durant la crise, à travers ses accords de swap (McGuire et von Peter, 2009).

1. Indicateurs du rôle international des principales devises

Note : (*) En pourcentage des réserves allouées. La composition par devise d’une partie impor -tante des réserves de change n’est pas publiée (c’est notamment le cas des réserves chinoises).

Sources : BCE (2010) et BRI (2010).

En pourcentage du total mondial

Le dollar demeure aussi la principale unité de compte internationale, notamment sur les marchés de matières premières et énergie, même si c’est moins le cas pour les produits manufacturés. Le dollar reste égale-ment la monnaie de référence pour l’ancrage monétaire. Bénassy-Quéré, Cœuré et Mignon (2006) ont, par exemple, estimé que, sur un échantillon de 59 monnaies entre 1999 et 2004, 92 % des monnaies étaient de fait ancrées sur une autre devise. Dans 56 % des cas, la monnaie d’ancrage était le dollar, contre 14 % pour l’euro et 22 % pour les paniers de devises(5). Pour l’année 2007, Goldberg (2010) trouve que, sur un échantillon total de 207 écono-mies, 96 étaient dollarisées ou avaient leur monnaie ancrée sur le dollar, et huit autres étaient en régime de fl ottement administré rapport à la monnaie américaine. Ainsi, l’ensemble des économies dont la monnaie est reliée au dollar représentait, en 2007, 36 % du PIB mondial hors États-Unis. Si l’on ajoute la part des États-Unis dans le PIB mondial (25 % en 2007), on aboutit ainsi à une « zone dollar » pesant plus de 60 % de l’économie mondiale.

(5) Les pays de la zone euro sont exclus de l’échantillon. D’après ces auteurs, l’érosion des régimes intermédiaires au cours de cette période est le résultat de l’unifi cation monétaire en Europe, qui a transformé les régimes intermédiaires en régimes de change fi xe.

Le rôle international du dollar est illustré par le graphique 1, qui fait fi -gurer en abscisse le rapport entre le commerce de chaque pays avec l’Union européenne et son commerce avec les États-Unis, et en ordonnée, l’indice d’alignement de change de Cobham (2008) qui mesure, de manière simple, si une monnaie est plutôt alignée sur le dollar ou plutôt alignée sur l’euro. Dans l’ensemble, les pays ont tendance à ancrer leur monnaie sur la devise du pays avec lequel ils commercent relativement le plus. De nombreux pays fi gurent cependant dans le cadran inférieur droit, ce qui signifi e qu’ils commercent davantage avec l’Union européenne mais alignent leur monnaie sur le dollar.

La situation inverse n’apparaît qu’une fois. Cette observation confi rme que l’euro est une monnaie d’importance régionale mais non mondiale (Pisani-Ferry et Posen, 2009).

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6

Habitat euro naturel

Habitat dollar naturel Habitat dollar non naturel

Habitat euro non naturel

1. Orientation des échanges et des politiques d’ancrage en 2007

Indice d'ancrage monétaire et relatif de Cobham (2008)

Commerce relatif (en logarithmes)

Source : Calculs des auteurs à partir de Cobham (2008) et des statistiques de commerce du FMI, sur un échantillon de 140 pays.

Au total, le dollar demeure la monnaie dominante (mais non unique) pour les trois fonctions monétaires internationales (moyen de paiement, unité de compte et réserve de valeur). Certes, un groupe de pays avancés et de pays émergents a, dans les années 2000, rompu le lien avec le dollar et adopté des stratégies de ciblage d’infl ation(6). Cependant, ces mêmes pays se sont montrés dépendants vis-à-vis de la Réserve fédérale pour la fourniture de liquidités lors de la crise, malgré les accords régionaux et l’extension des facilités de fi nancement du FMI (tableau 2) : quelque peu délaissé par temps calme, le dollar a retrouvé sa place centrale au moment de la crise, prouvant par là qu’il était toujours la clé de voûte du système.

(6) En 2005, les pays suivants avaient adopté des régimes de ciblage de l’infl ation : Israël, Thaïlande, Pérou, Pologne, Corée du Sud, Chili, Mexique, Hongrie, République tchèque, Colombie, Afrique du Sud, Philippines, Brésil (voir Mishkin et Schmidt-Hebbel, 2007).

Réserve fédérale (en milliards de dollars)

Banque centrale européenne et pays nordiques (en milliards d’euros)

Zone euro (BCE) Sans limite États-Unis 80

Japon Sans limite Danemark 12

Royaume-Uni Sans limite Pologne 10(**)

Suisse Sans limite Suède 10

Australie 30 Hongrie 5(**)

Canada 30 Islande 1,5(*)

Corée du Sud 30 Lettonie 0,5(*)

Mexique 30 Banque du peuple chinois

Singapour 30 (en milliards de yuans)

Suède 30 Hong Kong 200

Brésil 15 Corée du Sud 180

Danemark 15 Indonésie 100

Norvège 15 Malaisie 80

Nouvelle-Zélande 15 Argentine 70

Biélorussie 20

Amérique du Nord Europe Asie de l'Est

Population Commerce Notes : (*) Accords de swap monnaie nationale contre euro avec les banques centrales danoise et suédoise (pas la BCE) ; (**) Accords de repo (et non de swap) entre la BCE et les banques centrales de Pologne et de Hongrie.

Source : D’après Allen et Moessner (2010).

2. Les accords de swap bilatéraux activés en réponse à la crise de 2008-2009

2. Un système unipolaire dans un monde multipolaire

Lecture : Amérique du Nord = NAFTA ; Europe = UE + Suisse ; Asie de l’Est = ASEAN + 3.

Sources : Perspectives économiques mondiales du FMI 2009 (population, commerce et PIB), WFE décembre 2009 (capitalisation boursière), BCE 2009 (obligations internationales ; défi nition stricte), Enquête triennale BRI 2010 (transactions de change), COFER-FMI 2009 (réserves offi cielles) et calculs des auteurs.

En % du PIB mondial

Cette position encore centrale du dollar s’oppose au caractère « tripolaire » de l’économie mondiale, où l’Amérique du Nord ne pèse pas davantage que l’Europe ou l’Asie (graphique 2). Le maintien de changes fi xes et le rôle dominant du dollar comme monnaie d’ancrage sont également incompatibles avec le besoin d’émancipation croissant des pays émergents vis-à-vis de la po-litique monétaire américaine. Celui-ci est devenu évident lors de la seconde vague d’assouplissement quantitatif aux États-Unis, à l’automne 2010.