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Rôle du microbiote au sein des MICI

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

II. MICROBIOTE ET MICI

3) Rôle du microbiote au sein des MICI

Diverses observations au sein du milieu médical ont suggéré que le microbiote pouvait jouer un rôle dans le développement des MICI. En effet, de nombreuses personnes atteintes de ces maladies répondent favorablement à un traitement aux antibiotiques. Par ailleurs, un plus haut niveau d’anticorps dirigé contre des bactéries commensales a été identifié chez des personnes atteintes vs des personnes saines (Macpherson et al., 1996; Elson, 2000; Tannock, 2002). Enfin, les lésions inflammatoires les plus prononcées se situent principalement dans les régions de l’intestin qui contiennent le plus de bactéries. De plus, l’inflammation intestinale est absente ou sévèrement affaiblie chez des animaux axéniques, ce qui indique que le microbiote doit être présent pour induire une inflammation (Elson et al., 1995; Sartor, 1995). Ces résultats suggerent que la présence du microbiote est un élément essentiel intervenant dans le développement et la chronicité de l’inflammation (Desreumaux and Rousseaux, 2004).

Toutes ces observations ont donc amené les chercheurs à travailler sur le rôle du microbiote dans les MICI et il a été démontré qu’il existait une dysbiose du microbiote entre les individus sains et malades.

Le microbiote se compose de trois catégories de bactéries :

- des bactéries symbiotiques, qui exercent des fonctions bénéfiques pour la santé de l’hôte, - des bactéries commensales, bactéries résidantes n’ayant aucun effet sur l’évolution de

l’hôte, - des bactéries opportunistes, qui résident de façon permanente dans l’écosystème bactérien mais qui, en fonction de l’environnement peuvent s’avérer pathogènes pour l’hôte.

Ces trois types de bactéries permettent par leur action sur l’hôte, de maintenir l’homéostasie intestinale. En cas de dysbiose, nous observons une diminution de bactéries symbiotiques permettant aux bactéries opportunistes de se développer et d’induire une inflammation non spécifique. Cette inflammation peut chez certains individus prédisposés, conduire à une inflammation aigüe caractéristique des MICI (Fig. 18).

Fig. 18: Schéma représentant la dysbiose du microbiote (Round and Mazmanian, 2009).

L’analyse du microbiote associé à la muqueuse de patients atteint de MICI démontre une augmentation de la concentration bactérienne en comparaison avec des sujets sains. Cette observation est vraisemblablement corrélée avec une déficience de l’effet barrière observée lors des MICI, permettant ainsi aux bactéries présentes dans la lumière de se retrouver au sein même de la muqueuse (Harper et al., 1985; Swidsinski et al., 2005; Conte et al., 2006). L’ensemble des études effectués sur la composition du microbiote fécal entre les individus sains et malades démontre donc une diminution notable de la biodiversité bactérienne

caractérisée par une diminution du phylum Firmicutes, des genres Lactobacillus et

Bifidobacterium mais également de l’augmentation des Enterobactéries (Hartley et al., 1992).

En effet, des travaux menés par Sokol et al., sur la comparaison des microbiotes de patients atteints de MC et de RCH avec des sujets sain a démontré l’existence d’un trou phylogénétique indiquant une diminution de la biodiversité du microbiote des patients. Les sondes utilisées afin d’étudier le microbiote ont couvert uniquement 50% et 65% du microbiote des patients atteints respectivement d’une RCH et d’une MC contre 80% pour les personnes saines (Sokol et al., 2006), les travaux effectués démontrent également la diminution du phylum Firmicutes et en particulier des groupes Cl. coccoides et Cl. Leptum. Ces derniers, ont la particularité de contenir de nombreuses espèces bactériennes ayant la capacité de produire du butyrate, source d’énergie des cellules épithéliales coliques et suspecté d’avoir des effets immuno-modulateurs. Ces observations ont été confirmées dans une seconde étude où la diminution de l’espèce F. prausnitzii appartenant au groupe

Cl. Leptum a été observée (Sokol et al., 2009). La diminution du genre Lactobacillus a

également été rapportée dans plusieurs travaux, or il s’agit d’un genre connu pour ces actions bénéfiques sur l’hôte dont de nombreuses souches sont considérées comme probiotiques (Favier et al., 1997).

Concernant les autres phyla du TD, il a été observé une diminution du genre Bifidobacterium, appartenant au phylum Actinobacteria, connu également pour ces effets probiotiques ainsi qu’une augmentation de l’espèce B. ovatus appartenant au phylum Bacteroidetes mais également de l’éspèce E. coli appartenant au phylum Proteobacteria (Fig. 19).

Actinobacteria Bifidobacterium Firmicutes Cl. Leptum: F. prausnitzzii Cl. Coccoides Lactobacillus Actinobacteria Bifidobacterium Firmicutes Cl. Leptum: F. prausnitzzii Cl. Coccoides Lactobacillus Bacteroidetes B. ovatus Proteobacteria E. coli Bacteroidetes B. ovatus Proteobacteria E. coli

Fig. 19: Schéma représentant la dysbiose observée dans le microbiote fécal des patients atteints de MICI.

L’existance d’une dysbiose présente lors d’une inflammation n’est donc plus a démontrer, mais en est-elle la cause ou la conséquence ?

L’analyse du microbiote fecal de patient atteints de MICI à démontré d’une manière générale une instabilité de ce dernier entre les périodes de rémission et les périodes de crises (Scanlan

et al., 2006). Cette observation indique que certaines bactéries commensales ont la capacité de

moduler le système immunitaire afin de réguler l’inflammation.

Les travaux de Takaishi et al., qui ont montré une diminution du groupe Cl. leptum chez des patients atteints de colite ulcéreuse active en comparaison avec des personnes atteintes de cette même pathologie en rémission (Takaishi, 2007) permettent de confirmer l’existence des effets immuno-modulateurs de ce groupe maintenant un état de rémission chez des personnes atteintes de MICI. Il a été récement démontré des effets anti-inflammatoires de la bactérie commensale F. prausnitzii (Sokol et al., 2008) (Fig. 20). En effet, l’administration intragastrique de F. prausnitzii et de son surnageant a permis de diminuer significativement des colites induites au TNBS chez des souris. Enfin, les travaux effectuée sur différents modèles in vitro ont démontré que l’action de cette souche pouvait provenir d’un composé produit par la bactérie ayant un effet sur l’inactivation de la voie NF-kB entraînant un blocage

de la voie Th1 et donc une diminution des cytokines pro-inflammatoires produites par les cellules intestinales de l’hôte.

Fig. 20: Faecalibacterium prausnitzii, microscope (x1000) (Watterlot., 2008; UEPSD-INRA).

Nous savons que la composition du microbiote peut donc influencer le développement du système immunitaire ou prédisposer un individu à développer des MICI. Le style de vie, les pratiques médicales (vaccins), la susceptibilité génétique ou encore l’exposition aux microorganismes par le biais de l’allaitement et de l’hygiène, peuvent être des facteurs intervenant dans la dysbiose du microbiote et être responsable indirectement du développement de l’inflammation (Round and Mazmanian, 2009). Le stress et la nourriture peuvent également influencer la composition du microbiote, de même que la prise d’antibiotiques, qui agit indistinctement sur les organismes symbiotiques et opportunistes. Pourtant, une autre hypothèse sur l’existence de la dysbiose observée lors des MICI est également probable. Il est possible que la présence d’une inflammation causée par d’autres paramètres puisse provoquer un déséquilibre de la flore en faveur des opportunistes. Dans ce cas, la dysbiose de l’écosystème intestinal n’est plus responsable du développement de l’inflammation mais en devient une des conséquences (Round and Mazmanian, 2009).

Enfin, il a été démontré que des bactéries commensales peuvent activer les récepteurs spécifiques des Ag des bactéries pathogènes des cellules LT et ainsi causer l’inflammation sur un sujet génétiquement susceptible (Sartor, 2009).

Les bactéries commensales font donc partie des facteurs influençant le développement des MICI, mais il est encore difficile à l’heure actuelle de définir précisément leurs rôles. De même que la dysbiose observée au sein du microbiote intestinal peut favoriser le développement des bactéries opportunistes, elle peut également influencer la colonisation de

certaines bactéries pathogènes qui elles-mêmes peuvent induire ou maintenir une inflammation.