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Rôle des bactéries pathogènes au sein des MICI

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

II. MICROBIOTE ET MICI

4) Rôle des bactéries pathogènes au sein des MICI

L’hypothèse concernant l’intervention des bactéries pathogènes dans l’induction et la perpétuation de l’inflammation est basée sur diverses observations : i) les symptômes de la MC semble coïncider avec les symptômes observés après une infection virale ou bactérienne ; ii) les poussées semblent diminuer après la prise de traitement antibiotique ou de lavage intestinal et iii) les mutations des recepteurs NOD2 et des gènes impliqués dans l’autophagie (ATG16L1, IRGM) ont été observés chez les patients atteints de MICI (Hampe et al., 2007; Parkes et al., 2007; Rioux et al., 2007). Ces mutations rendent les cellules eucaryotes en incapacité de contrôler la multiplication des bactéries invasives. Tous ces paramètres amènent donc à penser qu’un germe pathogène tel que E. coli adhérent invasif (AIEC) ou

Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (MAP) joue probablement un rôle

important dans le développement de la maladie.

Rôle d’Escherichia coli adhérents invasifs dans le développement des MICI

Nous avons vu précédemment que la dysbiose observée chez des patients atteints de MICI se caractérise notamment par l’augmentation de certaines proteobactéries telles qu’E. coli. De nombreuses recherches ont permis de mettre en avant le rôle potentiel de souches adhérentes invasives d’E. coli au sein des MICI. En effet, les souches d’AIEC ont été isolées de lésions iléales chez environ 36% des patients atteints de la MC après chirurgie contre 6% chez des personnes saines (Darfeuille-Michaud et al., 2004). On les retrouve également dans des lésions naissantes de l’inflammation ce qui peut indiquer qu’elles participent à son induction. Enfin, une analyse phylogénétique de 36 souches d’AIEC associées à des MC, à montré que les souches étaient capables de prendre l’avantage dans un environnement inflammatoire (Sepehri et al., 2009).

La capacité des AIEC à coloniser anormalement la muqueuse iléale chez des patients atteints de la MC provient notamment de leur capacité à adhérer aux entérocytes. En effet, contrairement aux E. coli commensaux, les AIEC expriment des pilli de type 1 qui leurs permettent d’augmenter l’adhésion bactérienne à la bordure en brosse des entérocytes iléaux.

De plus, les AIEC sont capables de traverser la barrière intestinale et d’entrer ainsi en contact avec les macrophages dans lesquels ils sont capables de se répliquer et d’induire la production de cytokines pro-inflammatoires. Enfin, il a été récemment démontré l’augmentation de l’expression du récepteur CEACAM6 (récepteur des pilli de type 1 des E. coli AIEC) sur les cellules épithéliales. Des travaux effectués chez des souris transgéniques ont également permis de démontré que l’induction de la colite était dépendante des pilli de type 1 ainsi que du récepteur CEACAM6 (Carvalho et al., 2009). De plus, ce dernier n’est pas exprimé par les cellules épithéliales de personnes saines (Scholzel et al., 2000), la surexpression de CEACAM6 peut être dûe soit à une stimulation directe par des bactéries pathogènes telles que AIEC, soit à une stimulation indirecte par des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α qui est produit par les macrophages colonisés par AIEC. De même que pour la dysbiose du microbiote, nous ne pouvons pas à l’aide des connaissances actuelles affirmer si la surexpression de CEACAM6 et la colonisation anormale des AIEC chez les patients atteints de la MC sont des causes ou des conséquences de l’inflammation. La surexpression de CEACAM6 est-elle due à la présence de AIEC, ou la colonisation de AIEC est-elle une conséquence de la surexpression du récepteur ? Les travaux menés par Barnish et al., en 2007 ont démontré qu’une infection causée par AIEC sur des cellules épithéliales in vitro entraîne une augmentation de l’expression de CEACAM6 ce qui indiquerait que AIEC est capable de promouvoir sa propre colonisation (Barnich et al., 2007). Une expression basale de CEACAM6 a été observée dans l’iléon de la majorité des patients contrairement à des individus sains, ce qui suggèrerait que ce n’est pas une conséquence, mais que ces patients sont prédisposés génétiquement à la surexpression de cette molécule et sont donc des personnes à risques pour développer une infection causée par AIEC et ainsi prédisposés à développer des MICI.

Un autre facteur peut entrer en jeu dans la colonisation des AIEC mettant en cause une rupture de la barrière intestinale. Cette dernière, comprend des cellules épithéliales différenciées qui sépare la lumière contenant les microorganismes de la muqueuse. Une brèche dans l’intégrité de la barrière permet la pénétration d’Ag et de microbes qui vont stimuler une réponse pro-inflammatoire puis potentiellement induire une MICI. Il a été montré que la structure et la fonction des jonctions apicales complexes sont défectueuses chez les patients atteints de MICI ainsi que chez des modèles animaux (Bruewer et al., 2006; Weber and Turner, 2007; Xavier and Podolsky, 2007). Ce dysfonctionnement de la barrière

capable de perturber les jonctions complexes apicales des cellules épithéliales mononucléaires MDCK-1 polarisées et joue donc un rôle supplémentaire dans l’induction de l’inflammation en participant à la rupture de l’intégrité de la barrière intestinale (Wine et al., 2009) (Fig. 21).

Fig. 21: Jonctions complexes apicales de cellules épithéliales mononucléaires MDCK-1 saines (à gauche) et infectées par AIEC (à droite) (Wine et al., 2009).

Rôle de Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis dans le développement

des MICI

AIEC n’est pas le seul organisme pathogène qui semble intervenir dans le développement des MICI : de nombreuses recherches ont ainsi permis d’associer la présence de l’organisme MAP avec le développement de la MC. MAP est un organisme opportuniste, largement présent dans notre environnement, on le retrouve notamment dans l’alimentation tel que le lait pasteurisé (Ellingson et al., 2005), les réserves d’eau potable (Mishina et al., 1996) mais également chez le bétail où il est considéré comme un organisme zoonotique (Greenstein and Collins, 2004). L’hypothèse mettant en scène le rôle de MAP dans les MICI a été initiée par Daziel qui relia en 1913, les symptômes de la MC avec ceux d’une infection intestinale chronique chez les bovins. Cette hypothèse s’est renforcée lorsque la présence de MAP a été confirmée au sein de granulomes isolés de patients atteints de la MC (Chiodini et al., 1984a; Chiodini et al., 1984b). D’autres études ont prouvé qu’il existait une relation entre la présence de MAP et le développement des maladies. Une analyse sanguine effectuée sur 222 patients atteints de MCI en comparaison avec 80 sujets contrôles a permis de montrer qu’il existait une association entre MAP et la réponse immunitaire (Juste et al., 2009). La présence de MAP dans le lait humain ainsi que dans le sang de patients a également été identifiée (Naser

et al., 2000; Naser et al., 2004). Plus récemment, il a été démontré sur un modèle d’étude in vitro mettant en co-culture MAP et des PBMC isolés de patients atteint de la MC, que la

présence de MAP induisait l’augmentation de la prolifération des LT ainsi que l’augmentation de la production de cytokines telles que l’IL-10 et le TNF-α (Sibartie et al., 2009).

Enfin, il a été récemment prouvé que le 5 amino salisylic acid (5-ASA) ainsi que certain immunomodulateurs utilisés dans le traitements de la MC peuvent être considérés comme des antibiotiques actifs contre MAP (Greenstein and Collins, 2004; Greenstein et al., 2007; Shin and Collins, 2008).

Il est donc bien défini que la bactérie est présente chez de nombreux patients et qu’elle intervient dans la régulation du SII. Deux hypothèses quant à son mode d’action restent à élucider ; i) l’infection par MAP intervient dans l’induction de la MC pour les patients qui sont exposés à cet organisme ou qui sont génétiquements susceptibles aux infections ou ii) cet organisme colonise les muqueuses ulcéreuses des patients mais n’intervient en rien dans l’induction ou la perpétuation de la maladie (Sartor, 2005).

Le rôle des bactéries pathogènes dans le développement des MICI est donc bien réel, même s’il n’est pas clairement défini à l’heure actuelle. Les études menées ont permis de découvrir l’existence de nouveaux facteurs qui peuvent jouer un rôle dans l’induction des MICI tels que la surexpression anormale de CEACAM6 ainsi que les mutations des récepteurs NOD- 2/CARD-15 et des gènes codant pour les protéines impliquées dans l’autophagie : ATG16L1 et IRGM. Mais plus important, elles ont permis de trouver des marqueurs potentiels de diagnostic des MICI, par l’analyse de l’expression basale du récepteur CEACAM6, et la recherche de mutations dans les gènes codant pour les récepteurs NOD-2/CARD-15, il est aujourd’hui probable de déterminer une population à risque dans le développement de ces maladies.

Les MICI sont des maladies multifactoriels, nous venons de voir comment le stress oxydant, le microbiote ou encore l’intervention de bactéries pathogènes peuvent jouer un rôle dans le déclenchement de l’inflammation. Dans le prochain chapitre, nous allons aborder comment l’utilisation de probiotiques naturels ou reconbinants peut être utilisés dans le but de moduler l’inflammation et de maintenir un état de rémission chez les patients.