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WMDW SCDW

1.5. Les mécanismes clés de la convection en Méditerranée Nord-occidentaleNord-occidentaleNord-occidentale

1.5.3. Rôle de la méso-échelle

Le rôle de la méso-échelle dans la convection profonde a été identifié dans un certain nombre d’études théoriques et expérimentales (Marshall et Schott, 1999). En effet, la dynamique sous-jacente a été étudiée tôt dans l’atmosphère puisque c’est elle qui gouverne les régimes de temps aux moyennes latitudes, et sa représentation dans des modèles d’océan nécessite uniquement l’approximation quasi-géostrophique. Les études méditerranéennes ont principalement porté sur deux aspects : la restratification de l’océan et le spreading des eaux profondes.

1.5.3.1 Restratification de l’océan

On s’intéresse ici au rôle de la méso-échelle dans la restratification de l’océan à toutes les phases de la convection profonde, c’est-à-dire à son rôle dans l’apport de flottabilité en zone de convection. Des considérations théoriques ont tout d’abord permis de caractériser l’impact de structures de méso-échelle générées par des instabilités baroclines sur la convection profonde. Marshall et Schott (1999) prévoient que si le patch convectif est plus grand que Rd, ce qui est le cas dans toutes les zones de convection, alors il se détache en tourbillons de taille L ∼

Rd. Une analyse dimensionnelle permet de conclure qu’il y a compétition entre la convection

d’échelle de temps courte (quelques jours) et l’instabilité barocline d’échelle de temps plus longue (quelques semaines à mois). Marshall et Schott (1999) estiment à quelques jours le temps de développement des instabilités baroclines à partir d’une simulation idéalisée en chenal.

Des expériences de laboratoire (Visbeck et al., 1996) ont montré qu’à cette échelle de temps plus longue, les tourbillons baroclines peuvent conduire à un arrêt de la convection profonde.

Similairement, Madec et al. (1991) analysent des simulations idéalisées de la convection en Méditerranée nord-occidentale et ils trouvent que la méso-échelle limite la profondeur maximale atteinte par la couche mélangée pendant la convection profonde. Ils identifient un transfert d’énergie potentielle en énergie cinétique de méso-échelle, qui devient comparable à celle de grande échelle au printemps, pendant la phase restratification. C’est donc au cours de cette phase que la méso-échelle impacte le plus la dynamique des zones de convection.

Aux échelles de temps plus longues, Spall (2011) montre à partir d’une simulation idéalisée de mer semi-fermée que les flux turbulents par la méso-échelle équilibrent les flux de surface dans l’intérieur du bassin, de telle sorte que leur intensité relative détermine l’existence ou non de convection profonde. En revanche, à notre connaissance aucune simulation n’a été menée aux échelles climatiques en Méditerranée pour étudier son rôle sur les équilibres des zones de convection.

En mer Méditerranée, Gascard (1978) a caractérisé l’apparition d’instabilités baroclines au printemps à partir d’observations. En termes de modélisation, seuls Herrmann et al. (2008) se sont intéressés à l’effet de la méso-échelle sur la stratification de la colonne d’eau dans une configuration réaliste. Ils trouvent que la convection profonde est inhibéé par la haute résolution océanique. Cependant, les résultats sont obtenus à partir de modèles de configurations physiques différentes, ce qui ne permet pas de discriminer l’effet de la résolution sur la convection profonde. Ils trouvent par ailleurs que la restratification est dominée par l’advection latérale d’AW légères, et que la méso-échelle domine cette advection seulement après plusieurs mois de restratification. Estournel et al. (2016b) ont estimé que l’effet de restratification par l’advection pendant l’hiver 2012-2013 représente 58% de la déstratification induite par les flux de surface. Cette large contribution remet en question les études supposant d’advection latérale négligeable en hiver (Mertens et Schott (1998); L’Hévéder et al. (2013)). Cependant, ils ne diagnostiquent pas l’origine dynamique de cette restratification.

1.5.3.2 Spreading des eaux profondes

Concernant l’impact de la méso-échelle sur la convection, c’est la question du spreading des nouvelles WMDW qui a été la plus traitée en mer Méditerranée. Ceci est probablement dû au fait qu’il est plus aisé d’observer des structures individuelles liées au spreading (un flotteur est suffisant) que de diagnostiquer l’effet intégré de restratification par la méso-échelle (une section hydrographique continue est nécessaire). En termes d’observations, les études se sont concentrées exclusivement sur les SCVs de nouvelles WMDW. Testor et Gascard (2003) ont découvert l’existence de SCVs anticycloniques exportant les WMDW. Bosse et al. (2016) ont confirmé que ces SCVs sont présent toute l’année et dans tout le bassin, qu’ils peuvent être de nature anticyclonique ou cyclonique, que les courants associés excèdent les courants de grande échelle ce qui les rend cohérents et à longue durée de vie. Testor et Gascard (2006); Bosse et al. (2016) ont estimé à 8 − 53% leur contribution à l’export de WMDW en-dehors du bassin nord- occidental et à leur tendance de sel et de chaleur. Leur signature en termes de flottabilité

résiduelle atteint typiquement ∼ 0.05 − 0.1m2/s2, ce qui suggère qu’ils pourraient contribuer

au préconditionnement de la convection profonde.

Plusieurs études numériques (Demirov et Pinardi (2007); Herrmann et al. (2008); Beuvier et al. (2012)) se sont aussi intéressées aux mécanismes de spreading par la sub/méso-échelle. Toutes identifient un spreading vers le reste du bassin par des tourbillons cycloniques de méso-échelle, ce qui est plutôt en désaccord avec les observations qui identifient surtout des SCVs, dont de nombreux sont anticycloniques (Testor et Gascard (2003, 2006); Bosse et al. (2016)). Cette différence est probablement largement due à la résolution des simulations : méso-échelle permise

pour Demirov et Pinardi (2007); Beuvier et al. (2012), et méso-échelle résolue mais subméso-échelle permise pour Herrmann et al. (2008). Ces derniers ont comparé les contributions des tourbillons et du ’bleeding’ du courant de bord à l’export de WMDW et ce dernier domine l’export aux 2/3.

1.5.3.3 Variabilité intrinsèque de l’océan

La variabilité intrinsèque de l’océan est intimement liée aux échelles turbulentes pour les-quelles les non-linéarités des équations du mouvement deviennent importantes (Spall, 1996). La méso-échelle est la plus grande échelle turbulente de l’océan. Or il a été montré que celle-ci mo-dule fortement des éléments clés de la circulation globale tels que le niveau de la mer dynamique (Penduff et al., 2011) ou l’AMOC (Grégorio et al., 2015). Il est donc probable qu’elle impacte le phénomène de convection profonde, d’autant qu’il est fortement non-linéaire, de telle sorte qu’une faible modulation hydrologique pourrait causer un large impact sur la convection. Ce-pendant, l’impact de la variabilité intrinsèque de l’océan sur la convection profonde n’a jamais été étudié. Cela reste donc une question ouverte dans toutes les zones de convection océanique profonde.

Finalement, si la méso-échelle a été identifiée tôt comme un élément clé du phénomène de convection profonde, elle a été uniquement modélisée en configuration réaliste dans une étude en Méditerranée, dont la configuration numérique ne permet pas de conclure spécifiquement sur le rôle de la méso-échelle dans la convection. L’effet de restratification par la méso-échelle, c’est-à-dire les flux de flottabilité induits par les tourbillons transitoires, n’a pas été estimée en mer Méditerranée, contrairement à d’autres bassins (Chanut et al., 2008; Saenko et al., 2014). Par ailleurs, en termes d’objets dynamiques, seuls les tourbillons ont été étudiés, laissant ouverte la question du rôle des méandres, fronts et filaments. Enfin, aux échelles de temps plus longues, l’impact de la méso-échelle sur l’état moyen et la variabilité intrinsèque de ce phénomène n’a pas encore été établi. A ce stade, on peut donc inférer que la méso-échelle a un rôle important dans le phénomène de convection, mais aucune étude numérique réaliste ne l’a clairement démontré en mer Méditerranée.

1.6. Cadre de l’étude

1.6.1. Objectifs de l’étude

Comme nous venons de le voir, l’étude du phénomène de convection océanique profonde en mer Méditerranée reste encore très ouverte. Le phénomène est observé et modélisé de longue date en Méditerranée Nord-occidentale , ce qui a permis d’établir le rôle dominant du forçage atmosphérique, et celui secondaire du préconditionnement océanique dans la formation d’eaux profondes. Toutefois, un certain nombre de questions restent ouvertes sur la caractérisation du phénomène et l’identification des mécanismes à l’oeuvre.

Tout d’abord, les observations passées dans tous les sites de convection océanique profonde laissent une grande incertitude sur l’intensité de ce phénomène, avec des estimations variant typiquement d’un facteur 5. Or l’intensité de ce phénomène pilote celle de la circulation thermo-haline et est susceptible d’avoir un impact sur le climat global et régional. Or les observations menées lors de l’épisode convectif de 2012-2013 offrent l’opportunité de mieux contraindre ce taux de convection en Méditerranée Nord-occidentale. La thèse se propose donc d’utiliser des méthodes complémentaires à partir des observations de la convection profonde en 2012-2013 pour estimer le taux de formation d’eaux profondes. Ce travail mobilisera aussi les simulations

numériques océaniques qui permettront d’estimer l’erreur liée au réseau d’observation et donc de proposer un intervalle de confiance à ces estimations. Les résultats obtenus à partir des observations permettront par la suite d’évaluer les simulations numériques réalisées au cours de la thèse.

Par ailleurs, l’impact de la variabilité intrinsèque de l’océan sur la convection profonde n’a à ce jour pas encore été étudié. La thèse vise donc à quantifier à partir de simulations nu-mériques l’impact de la variabilité intrinsèque de l’océan sur la convection océanique profonde en Méditerranée Nord-occidentale. On développera dans cette thèse une approche de modéli-sation numérique ensembliste pour répondre à cette question scientifique dans le cas d’étude bien contraint de 2012-2013 puis à l’échelle de temps plus intégrée de simulations océaniques multi-décennales.

Enfin, la dynamique de méso-échelle est à la fois un processus identifié de longue date comme clé dans le processus de restratification en zone de convection, et peu étudié dans les configurations numériques réalistes en mer Méditerranée. Ainsi, on ne peut à ce jour pas conclure sur son importance dans le phénomène de convection dans le bassin Liguro-Provençal. On développera dans cette thèse une approche de modélisation numérique multi-échelle pour répondre à cette question scientifique dans le cas d’étude bien contraint de 2012-2013 puis à l’échelle de temps plus intégrée de simulations océaniques multi-décennales.

Ce manuscrit est organisé comme suit :

— Dans le Chapitre 2, on décrit l’outil numérique régional NEMOMED12 et son raffinement de maille interactif AGRIF utilisé au cours de la thèse pour la première fois en mer Méditerranée.

— Dans le Chapitre 3, on caractérise à partir des observations disponibles et de la Si-mulation d’un Système d’Observations (OSSE) l’année convective 2012-2013 en termes d’intensité et de propriétés de la convection océanique profonde en Méditerranée Nord-occidentale. Le cycle saisonnier du volume d’eaux denses estimé nous permettra de quan-tifier le taux de convection et de restratification pour la convection de l’hiver 2012-2013.

— Dans le Chapitre 4, on valide l’outil numérique au 1/12NEMOMED12 sur le cas d’étude

2012-2013 à l’aide des observations collectées sur l’année 2012-2013, on quantifie l’im-pact de la variabilité intrinsèque de l’océan sur la convection à l’aide d’une approche ensembliste et on identifie les processus pilotant les transformations des masses d’eau lors de cet épisode convectif.

— Dans le Chapitre 5, on étudie avec NEMOMED12 et le zoom NWMED36 sur le cas d’étude 2012-2013 l’impact de la méso-échelle sur la convection océanique profonde, et on évalue son réalisme à l’aide des observations collectées sur l’année 2012-2013.

— Dans le Chapitre 6, on étudie aux échelles multi-décennales avec NEMOMED12 et NW-MED36 l’impact de la variabilité intrinsèque de l’océan et de la méso-échelle sur la variabilité interannuelle et l’état moyen de la convection et la circulation thermohaline méditerranéenne.