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Impact de la méso-échelle sur la convection océanique et la circulation thermohaline

Impact de la variabilité intrinsèque océanique et de la dynamique de

6.3. Impact de la méso-échelle sur la convection océanique et la circulation thermohaline

6.3.1. Outils numériques

Dans cette section, on utilise une simulation NEMOMED12 de référence de l’étude interan-nuelle de l’impact de l’OIV sur la convection, décrite dans la section précédente. Son état initial au 1-8-1979 provient de l’interpolation optimale de (Rixen et al., 2005), à laquelle on ajoute l’anomalie saisonnière du mois d’aout déduite du cycle saisonnier moyen de MEDATLAS-II (MEDAR/MEDATLAS Group, 2002).

On la compare avec une simulation avec raffinement de maille AGRIF couplé (’two-way’) à NEMOMED12, nommée NWMED36. Sa configuration numérique est identique hormis une

valeur plus faible des coefficients de diffusion horizontale de moment (Khm) et de diffusion

isoneutre des traceurs (Kht), comme décrit au Chapitre 2. Les valeurs passent respectivement

de Khm = −1.25 1010m4/s et Kht = 60 m2/s dans NEMOMED12 à Khm = −0.25 109m4/s et

Kht = 30 m2/s dans NWMED36. Ceci permet une résolution explicite des tourbillons de

méso-échelle, et on a montré au Chapitre 5 que cela augmente d’un facteur 2.4 l’énergie cinétique turbulente (EKE) dans NWMED36 par rapport à NEMOMED12 et que cela diminue son biais de 73% sur la période 2012-2013.

En complément, on réalise une simulation NWMED36 avec AGRIF forcé par NEMOMED12 (’one-way’) pour quantifier l’impact de la rétroaction de la méso-échelle vers le bassin Méditer-ranéen sur la convection profonde dans le bassin Liguro-Provençal. On nomme cette dernière simulation NWMED36-1w.

6.3.2. Impact moyen de la méso-échelle sur la convection profonde

On quantifie et on évalue dans un premier temps l’impact de la méso-échelle forcée (NW-MED36) et couplée (NWMED36-1w) avec la circulation de grande échelle Méditerranéenne sur la convection profonde sur la période 1980-2013. La Fig.6.13 représente le maximum annuel moyen de la MLD dans la simulation NWMED36 et son anomalie avec NEMOMED12. La simu-lation NWMED36 présente une zone climatologique de convection profonde avec M LD > 500m

au large du Golfe du Lion, centrée proche du point MEDOC, à (42N ,4.7E). Tout comme la

simulation NEMOMED12, elle ne reproduit pas la convection en mer Ligure contrairement aux observations (Smith et al., 2008; Houpert et al., 2016), et au large du Golfe du Lion elle la sous-estime au Nord et elle la sursous-estime au Sud. Par ailleurs, la convection est aussi sous-estimée à l’Est du patch convectif, mais ce biais peut être largement dû au nombre limité d’années observées puisque certaines années, le modèle parvient à reproduire la convection dans cette zone. La comparaison avec NEMOMED12 (Fig.6.13b) montre en moyenne une réduction de la MLD au large du Golfe du Lion. Cette réduction est significative (p > 0.95, test de Student

bilatéral) à l’Est de la zone climatologique du patch convectif, entre 41.6 − 42.3N et 5 − 6E,

ce qui réduit le réalisme de la zone de convection. On observe aussi une réduction (p > 0.95) de

la MLD au Sud-Est du patch convectif, centrée sur (41.4N ,5.1E), qui augmente le réalisme

de la convection simulée. Enfin, la MLD est augmentée sur l’arc Nord-Ouest du patch convectif,

mais cette augmentation n’est significative (p > 0.95) qu’à l’Ouest autour de (41.9N ,4.9E).

Elle augmente le réalisme de la zone de convection au Nord-Ouest.

La réduction moyenne du patch convectif et les signaux au Sud-Est (p > 0.95) et au Nord (p < 0.95) ont été mis en évidence dans le Chapitre 5 sur le cas d’étude de 2012-2013, tandis que ceux à l’Est et à l’Ouest n’étaient pas présents dans ce cas d’étude. On confirme donc aux

(a) MLD max. annuel - NWMED36 (b) Anomalie NWMED36 - NEMOMED12 2o E 3oE 4oE 5o E 6oE 7oE 8oE 9oE 40oN 41o N 42o N 43o N 44o N 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 m 2o E 3oE 4oE 5oE 6oE 7oE 8oE 9oE 40o N 41oN 42o N 43oN 44o N −500 −400 −300 −200 −100 0 100 200 300 400 500 m

Figure 6.13: (a) Maximum annuel moyen de la profondeur de la couche de mélange (MLD) sur

la période 1980-2013 dans NWMED36. Le contour noir inclut les zones observées de convection pour les années 1987 (SSS > 38.40psu, Leaman et Schott (1991)), 1992 (M LD > 1400m, Schott et al. (1996)), 2009 à 2013 ([ChlA]S < 0.15mg/m3Houpert et al. (2016) et 2013 (M LD > 1000m, Waldman et al. (2017)) (b) Idem en anomalie entre NWMED36 et NEMO-MED12. Le contour blanc indique le niveau de significativité à 95% (test de Student bilatéral).

échelles de temps multi-décennales le résultat principal du cas d’étude de 2012-2013, à savoir que la méso-échelle réduit l’extension spatiale de la convection. En revanche on trouve, comme cela avait été suggéré au Chapitre 5, que la géographie de cette réduction en 2012-2013 dépend de l’état initial et n’est donc pas la même en moyenne sur la période historique 1979-2013. Enfin, la méso-échelle augmente le réalisme de la convection sur l’année 2012-2013, alors que ce n’est pas le cas sur la période 1979-2013. Toutefois, le faible nombre d’années convectives observées peut expliquer cette perte apparente de réalisme liée à la méso-échelle, en particulier à l’Est de la zone de convection.

La Fig.6.14 représente le maximum spatio-temporel de MLD dans le bassin Liguro-Provençal entre 1980 et 2013 dans les observations (noir, Somot et al. (2016)), dans NEMOMED12 (bleu), NWMED36 (rouge) et NWMED36-1w (violet). Le nombre d’années convectives (avec

M LD > 1000m) est réduit de 5 avec la méso-échelle couplée (NWMED36, p > 0.95) ou forcée

(NWMED36-1w, p < 0.95) à la grande échelle par rapport à NEMOMED12. La fraction d’an-nées convectives passe de 71% dans NEMOMED12 à 56% dans NWMED36 et NWMED36-1w, ce qui est en meilleur accord avec les observations (52%). La variabilité temporelle est elle aussi plus réaliste dans les deux cas, puisque sa corrélation avec les observations passe de 0.42 dans NEMOMED12 à resp. 0.49 et 0.48 dans NWMED36 et NWMED36-1w. Bien que la méso-échelle diminue en moyenne la MLD, la variabilité interannuelle de cette réponse est grande puisque certaines années, la méso-échelle augmente marginalement (< 100m, 1985, 1987, 1993, 2013) ou fortement (> 1000m, 2006) la MLD. Cela signifie que sur plusieurs année, le signal moyen de diminution de la convection par la méso-échelle est masqué par un signal à plus haute fré-quence. A l’inverse, sur les années 1982, 1983, 1986, 1991, 2001 et 2002, le signal de diminution de la convection est fortement augmenté. Enfin, les simulations NWMED36 et NWMED36-1w ne sont pas significativement différentes (p < 0.95), ce qui montre que la rétroaction de la méso-échelle vers la grande échelle en Méditerranée n’a pas d’impact sur la convection profonde

19800 1985 1990 1995 2000 2005 2010 500 1000 1500 2000 2500 3000 m

Figure 6.14: Profondeur maximale de la couche de mélange observée (noir) et modélisée par

NEMOMED12 (bleu), NWMED36 (rouge) et NWMED36-1w (violet) sur le bassin Liguro-Provençal et entre 1980 et 2013.

dans le bassin Liguro-Provençal. Ce résultat valide l’usage de modèles à aire limitée et forcés aux bords en Méditerranée Nord-Occidentale pour étudier la convection profonde de ce bassin aux échelles de temps multi-décennales.

La Fig.6.15 représente l’aire (AM LD) et le volume (VM LD) maximum annuels de

convec-tion dans les observaconvec-tions (noir, Somot et al. (2016)), dans NEMOMED12 (bleu), NWMED36

(rouge) et NWMED36-1w (violet). Les trois simulations représentent correctement AM LD et

sa variabilité sur la période 2010-2013, en revanche la méso-échelle couplée (NWMED36) et

forcée (NWMED36-1w) par la grande échelle induit une sous-estimation de AM LD en 2009. En

moyenne sur la période 1980-2013, AM LD et VM LD sont significativement (p > 0.95, test de

Student bilatéral) réduits entre NEMOMED12 (AM LD = 8400km2 et VM LD = 1.8 1013m3) et

les deux simulations ’eddy-resolving’ NWMED36 (AM LD= 6800km2 et VM LD = 1.4 1013m3) et

NWMED36-1w (AM LD = 6500km2 et VM LD = 1.3 1013m3). La variabilité interannuelle de la

convection est aussi réduite avec méso-échelle puisqu’elle passe de resp. σ(AM LD) = 8500km2

et σ(VM LD) = 1.9 1013m3 avec NEMOMED12 à σ(AM LD) = 8300km2 et σ(VM LD) = 1.8 1013m3

avec NWMED36 et σ(AM LD) = 8200km2 et σ(VM LD) = 1.7 1013m3 avec NWMED36-1w. On

constate comme pour la MLD que le signal moyen de réduction de la convection par la méso-échelle n’est pas valable pour plusieurs années où la convection est intensifiée (1981, 2006, 2012 et 2013) et qu’il est fortement amplifié sur d’autres années (1982, 1983, 1986, 1991, 2001 et

2002). Ainsi, le signal de réduction de AM LDet VM LD par la méso-échelle ne devient significatif

(p > 0.95) que resp. en 1997 et en 2002 dans NWMED36. Cela signifie qu’il n’émerge que d’une série multi-décennale et qu’un minimum de 18 à 23 ans de simulations sont nécessaires pour le détecter. Cela peut être lié au fait que l’effet moyen de la méso-échelle est faible lors des premières années de simulations, puis que la décennie 1990 est peu convective. Enfin, tout

comme la MLD, les différences de AM LD et VM LD ne sont pas significatives entre NWMED36

(a) AM LD (b) VM LD 19800 1985 1990 1995 2000 2005 2010 1 2 3 4 5 6x 10 4 km 2 19800 1985 1990 1995 2000 2005 2010 20 40 60 80 100 .1000 km 3

Figure 6.15: (a) Maximum annuel de l’aire du patch convectif AM LD (km2) observée

(in-tervalles noirs) et modélisée par NEMOMED12 (bleu), NWMED36 (rouge) et NWMED36-1w (violet) entre 1980 et 2013. (b) Idem pour le volume du patch convectif VM LD (m3) modélisé.

La Fig.6.16 montre l’évolution des propriétés et du volume des WMDW dans les observations (noir, Somot et al. (2016)) et dans les simulations NEMOMED12 (bleu), NWMED36 (rouge) et NWMED36-1w (violet). La méso-échelle couplée (NWMED36) ou forcée (NWMED36-1w) par la grande échelle réduit en moyenne la salinité, la température, la densité et le volume des WMDW, ce qui est cohérent avec une réduction moyenne de la convection en Méditerranée

Nord-Occidentale par la méso-échelle. Toutefois, le signal est faible (< 0.01C, < 0.005psu, <

0.005kg/m3et < 1013m3) jusqu’en 2005 à l’exception de l’année 1985. En effet, on a montré qu’il

n’émerge significativement (p > 0.95) qu’après 18 à 23 ans de simulations. A partir de 2005, une anomalie peu salée, froide, peu dense et de faible volume des WMDW se développe dans les deux

simulations ’eddy-resolving’ en comparaison de NEMOMED12. En 2012, elle atteint −0.04C,

−0.02psu, −0.005kg/m3 et −3 1013m3. Cela augmente le biais du modèle qui sous-estime la

tendance observée au réchauffement, à la salinisation, à la densification et à l’augmentation du volume des WMDW. Cette tendance linéaire n’est significative (p > 0.95) dans NWMED36 et NWMED36-1w que pour la température, la salinité et le volume d’eaux denses, contrairement à NEMOMED12 où elle l’est aussi pour la densité. Ce résultat est cohérent avec l’effet moyen de diminution de la convection par la méso-échelle, qui diminue la propagation du signal de réchauffement et salinisation vers les WMDW. Enfin, on n’observe pas de différence significative (p < 0.95) entre NWMED36 et NWMED36-1w dans les propriétés des WMDW.

En conclusion, on a montré que la méso-échelle diminue en moyenne l’intensité et la fré-quence d’occurrence de la convection. Le patch convectif est réduit à l’Est et marginalement étendu à l’Ouest de l’aire climatologique de convection au large du Golfe du Lion. En consé-quence, la tendance historique au réchauffement, à la salinisation et à l’augmentation du volume des masses d’eau est réduite et la tendance à leur densification est annulée. On a aussi mis en évidence une forte variabilité interannuelle de l’impact de la méso-échelle sur la convection, avec certaines années un signal d’augmentation, de telle sorte que l’effet moyen de réduction de la convection n’est détecté qu’après 18 à 23 ans de simulation. Le réalisme de la convec-tion est augmenté concernant la variabilité interannuelle de la convecconvec-tion et l’étendue du patch

(a) Propriétés des WMDW (b) V29.10 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 12.7 12.8 12.9 ° C 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 38.4 38.45 psu 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 29.09 29.1 29.11 29.12 kg/m 3 19800 1985 1990 1995 2000 2005 2010 0.5 1 1.5 2 2.5 3x 10 14 m 3

Figure 6.16: (a) Hydrologie des WMDW observée (noir, Somot et al. (2016)), dans

NEMO-MED12 (bleu), NWMED36 (rouge) et NWMED36-1w (violet) de 1980 à 2013 : température, salinité et densité potentielle. (b) Idem pour l’évolution du volume d’eaux denses V29.10.

convectif à l’Ouest, mais il est réduit en termes d’aire du patch convectif, de son étendue à l’Est, des propriétés et du volume des WMDW. On ne peut donc pas conclure, contrairement à l’étude de cas de 2012-2013 du Chapitre 5, à une amélioration de la représentation de la convection en moyenne sur 1979-2013 liée à la méso-échelle. Enfin, on a montré que la rétro-action de la méso-échelle sur la grande échelle en Méditerranée n’impacte pas la convection dans le bassin Liguro-Provençal, ce qui valide l’usage de modèles à aire limitée en Méditerranée Nord-Occidentale pour étudier la convection profonde aux échelles de temps multi-décennales.

6.3.3. Origines de l’impact de la méso-échelle sur la convection

6.3.3.1 Circulation

On a montré que la méso-échelle impacte l’intensité et la structure spatiale moyenne de la convection dans le bassin Liguro-Provençal, avec une forte variabilité interannuelle. On cherche maintenant à interpréter son origine physique. Pour cela, on suit la méthodologie du Chapitre 5 en étudiant l’impact de la méso-échelle sur la circulation des AW, sur la stratification moyenne et sa variabilité et sur les transformations des masses d’eau.

La Fig.6.17 représente les courants moyens à 50m dans NWMED36 et leur anomalie par rapport à NEMOMED12. On a montré dans le Chapitre 4 que les AW dominent la stratification du bassin Liguro-Provençal, or elles sont advectées par des courants de bord intensifiés en surface et par le Front Nord-Baléare (NBF). La Fig.6.17a permet donc de déduire la localisation des AW. On observe la présence de courants de bord au large de la Corse et de Minorque avec

|u50| = 20cm/s et du Courant Nord avec |u50| = 30cm/s. Au large, on note la présence du

NBF qui méandre du Nord de Minorque (41N,4.5E) à l’Ouest de la Corse (42.8N,8E), avec

|u50| = 5 − 10cm/s. Le méandre stationnaire à l’Ouest du NBF centré sur (41N,4.5E) a

été identifié dans le Chapitre 5, et on a montré qu’il inhibe la convection sur le cas d’étude de 2012-2013. En mer des Baléares, une circulation anticyclonique est présente en moyenne. Cette circulation irréaliste (Hamon et al., 2016) peut causer une advection d’AW peu salées et contribuer à expliquer le biais peu salé des WMDW (Fig.6.16). Cette structure n’est pas