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B. burgdorferi population structure

VI. Discussion générale

2. Examen et discussion des principaux résultats de l'étude

2.3. Rôle des hôtes terrestres dans la dispersion de B burgdorferi

Dans cette partie de l’étude, nous avons exploré grâce à la modélisation géo-spatiale le rôle des mouvements des hôtes terrestres dans la dispersion des différentes souches de B. burgdorferi à une échelle locale dans le Sud Canadien. Nous nous sommes basés sur l’hypothèse que, s’il y a une préférence de B. burgdorferi pour certaines espèces d’hôtes, on devrait retrouver les mêmes souches en suivant les corridors de mouvement des hôtes.

Nous avons choisi la Montérégie comme zone pilote, car elle est l’une des régions montrant le risque le plus important de contracter la maladie de Lyme au Canada (Rapport de surveillance de la maladie de Lyme et des autres maladies transmises par la tique Ixodes scapularis au Québec entre 2004 et 2013, INSPQ). La base de données utilisée dans les analyses statistiques comprend les échantillons de B. burgdorferi qui proviennent des sites de la Montérégie où deux méthodes d’échantillonnage (flanelle et piégeage de rongeurs) sont

développées. Les données de tiques collectées sur la végétation sont exploitées également, car la tique en dehors de la saison hivernale est toujours attachée à un hôte ou à la recherche d’un hôte (Gatewood et al., 2009). Sachant qu’elle ne se déplace par elle-même que sur quelques mètres durant toute sa vie (Vail & Smith, 2002), ses déplacement sont quasiment assurés par des hôtes. Dans des études semblables, des tiques à la recherche d’hôtes ont été utilisées pour investiguer des associations de génotypes de B. burgdorferi sl avec des espèces d’hôtes (p.ex. comme dans Jacquot et al., 2016). Cependant, dans notre étude, ce groupe de tique a été considéré comme une catégorie et la comparaison avec les autres catégories (espèces d’hôtes) a permis de tester la distribution des fréquences des génotypes entre les tiques (attachées à un hôte et celles à la recherche d’un hôte) (c’est-à-dire si la distribution des génotypes entre toutes ces tiques est aléatoire, alors on s’attend est-ce qu’il n’y a pas d’association avec les hôtes).

Nous avons procédé par des probabilités conditionnelles pour modéliser la chance de retrouver une même souche de B. burgdorferi (une tique se fait déplacer par une espèce de rongeur d’un patch «A» à un patch «B», sachant que d’autres individus de cette même espèce de rongeur peuvent transporter d’autres tiques infectées par d’autres souches).

Cette étude a montré que ST1 est significativement associé avec les patches les plus connectés. Cet ST, membre du CC403, avait montré précédemment une association avec la souris à pattes-blanches (Mechai et al., 2016). Cela confirme l'hypothèse selon laquelle la connectivité forestière affecte les modèles géographiques de dispersion des souches de B. burgdorferi. Par conséquent, l'association entre la connectivité et les modèles de dispersion des souches peut être due aux effets de la connectivité sur la trajectoire (c’est-à-dire la destination mais non pas les directions cardinales) des hôtes de B. burgdorferi. En effet, il est connu que les comportements des rongeurs sont guidés par leur capacité à pénétrer les habitats (Brad et al, 2006; Zeller et al., 2012) d’une façon sécuritaire et à moindre coût en terme d’énergie (p.ex. la souris à pattes-blanches) (Marrotte et al., 2014). Par contre, ST4 et ST14 étaient significativement plus associés avec des patches moyennement éloignés les uns des autres (c’est-à-dire distance Euclidienne). Si on avait moins de chance de les retrouver dans les sites les plus connectés (alors qu’ils sont dans des sites voisins), c’est probablement parce que quelque chose réduit leur présence dans ces sites. Ceci peut être l’effet de la sélection négative qu’exerce le système immunitaire de l’hôte sur la fréquence des souches. Les patches

les plus connectés sont les patches qui renferment une grande diversité génétique de B. burgdorferi (figure 3 dans chapitre III). Par conséquent, les hôtes qui vivent dans ces patches auront plus de probabilité d’acquérir une mémoire immunitaire contre plus de souches de B. burgdorferi (Devevey et al., 2015). Ce dernier résultat suppose que ST4 et ST14 sont plus sensibles que ST1 aux pressions du système immunitaire de leurs hôtes respectifs. En effet, ces deux STs (ST4 et ST14) font partie des CC4 et CC34 qui ont montré des associations avec respectivement la souris sylvestre et le tamia (Mechai et al., 2016). Ceci est d’autant plus vrai pour ST14, car la durée de vie du tamia est plus longue (Tryon & Snyder, 1973).

Nos résultats concordent avec ceux rapportés en Europe où la répartition des différents génotypes de l'espèce B. afzelii est très dépendante du paysage (B. afzelli est associée avec les rongeurs), alors que ce n'est pas le cas pour B. garinii qui est connue pour être associée avec les oiseaux (Vollmer et al., 2013).

Notre étude ici suggère donc que les modèles de l'occurrence des souches de B. burgdorferi au Sud Canadien sont déterminés au moins en partie par la connectivité des forêts. Ce paramètre est donc important pour prédire les trajectoires de cette bactérie et sa gamme de souches sur une échelle locale et probablement sur des échelles plus vastes.

En conclusion, la phylogéographie contemporaine de B. burgdorferi en Amérique du Nord est le résultat des variations génétiques de ce pathogène qui occurrent latitudinalement et longitudinalement. Ces variations sont causées par une succession de changements (habitat et climat) que subit B. burgdorferi dans son milieu naturel (vecteur et hôte). Étant donné que son milieu naturel est dynamique et sa longue histoire évolutive, B. burgdorferi peut garder son aptitude d’infecter une large gamme de vertébrés tout en ayant des préférences pour certaines espèces d’hôtes. Ceci lui assure de multiples niches écologiques nécessaires pour sa survie, son maintien et sa dispersion dans l’environnement.