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B. burgdorferi population structure

VI. Discussion générale

2. Examen et discussion des principaux résultats de l'étude

2.2. Diversité et écologie de B burgdorferi

Comme rapporté précédemment, à notre connaissance, B. burgdorferi reste un pathogène généraliste qui peut survivre et être transmis par un large éventail d'espèces de vertébrés (Kurtenbach et al., 2006), tout en restant plus fréquent chez certains hôtes.

2.2.1. Associations hôtes-génotypes

Si latitudinalement, la diversité de B. burgdorferi en Amérique du Nord semble être guidée par les mouvements des oiseaux migrateurs et la présence de populations refuges au Nord des ÉU, longitudinalement la fluctuation de ses populations semble être facilitée par les dynamiques locales du vecteur et des hôtes.

Dans ce contexte, nos résultats dans Mechai et al. (2016) montrent des différences significatives dans la richesse génotypique de B. burgdorferi parmi les espèces d’hôtes. En effet, l’importance de la diversité de B. burgdorferi dans le MW (incluant le Sud de Manitoba et le Nord-ouest d’Ontario) par rapport à sa diversité dans le NE (incluant le Sud-est d’Ontario, le Sud de Québec, et les Maritime) peut être expliquée par la durée du chevauchement de l’activité saisonnière des nymphes infectées et des larves de la tique I. scapularis. Cette durée, plus importante dans le Midwest par rapport au Nord-est des ÉU (Gatewood et al., 2009), offre ainsi suffisamment de temps aux tiques pour transmettre davantage de génotypes de B. burgdorferi (Gatewood et al., 2009).

L’un des paramètres les plus importants qui détermine le comportement épidémiologique des pathogènes est la durée de l'infectiosité (Gatewood et al., 2009). Cette durée est directement liée à la durée de vie de l'hôte et au temps avant que l’organisme de l’hôte puisse éliminer l’agent pathogène (Gatewood et al., 2009). Ces différences dans la dynamique de l'infection chez l’hôte et le vecteur peuvent avoir des effets particulièrement profonds sur la diversité de B. burgdorferi (Hanincova et al., 2008b). De plus en plus d’études suggèrent l’importance de la persistance de l'infection de B. burgdorferi dans des hôtes réservoirs pour assurer son maintien à long terme dans l’environnement (Kurtenbach et al., 2006; Ogden et al., 2007; Gatewood et al., 2009). D’autres études ont soulevé la possibilité que la persistance de B. burgdorferi tout au long de la vie de certains hôtes puisse ne pas être universelle (Lindsay et al., 1997; Derdakova et al., 2004; Kurtenbach et al., 2006). Ceci révèle la pression qu’exerce le système immunitaire de l’hôte sur B. burgdorferi. Durant ce processus, B. burgdorferi peut s’adapter pour assurer sa survie (Kurtenbach et al., 2006). Ainsi, durant leur adaptation, certains génotypes pourraient mieux survivre que d’autres dépendamment de l’espèce d’hôte (Hanincova et al., 2008b).

Le fait qu’elle soit plus élevée chez les tamias (Mechai et al., 2016) pourrait être dû à la durée de vie relativement longue de cette espèce. Sa durée de vie peut aller jusqu'à 3 ans (Tryon & Snyder, 1973), alors que les autres espèces de rongeurs dominantes (p.ex. souris à pattes-blanches) n’arrivent que rarement à survivre pendant un an (Schug et al., 1991). Par conséquent, les tamias sont plus exposés aux tiques nymphes que les souris, augmentant ainsi leur chance d’être infectés par une plus grande diversité de génotypes de B. burgdorferi (Hanincova et al., 2013).

Pour la première fois, notre étude a clairement identifié des associations entre génotypes de B. burgdorferi et certaines espèces d’hôtes en Amérique du Nord (Mechai et al., 2016). Globalement, la souche ST1 (CC403) porte souvent les séquences ospC A et RST1. Les deux sont associées avec la souris à pattes-blanche. Par contre, la souche ST14 (CC34) porte souvent la séquence ospC G qui est associée avec le tamia. Les séquences ospC H et IGS 2D de la souche ST4 sont quant à eux associées avec la souris sylvestre.

Notre étude soutient l'ajustement écologique (en anglais : ecological fitting) de B. burgdorferi, qui serait à l’origine des fluctuations des fréquences de ses souches, ce qui reste compatible avec les hypothèses en matière d'adaptation radiative lorsque les conditions (habitat et climat) sont favorables (McCoy et al., 2013). Cependant, ces associations d’hôte- souche peuvent être dues à des caractéristiques des génotypes de nature plus subtile qui augmentent la probabilité de les retrouver ou de les transmettre à partir d'une espèce d’hôte particulière (p.ex. l’adaptation/échappement à l'immunité de l’hôte, infections longues, périodes de transmission longues) (Hanincova et al., 2008b). Ainsi, à long terme, cet ajustement peut amener B. burgdorferi à évoluer vers la spécialisation comme en Europe. Cet ajustement a une importante capitale dans l’évolution écologique de B. burgdorferi en Amérique du Nord, car il permet d’expliquer la phylogéographie contemporaine de ce pathogène. Les processus écologiques semblent définir mieux les structures des clades, des CCs et des groupes de BAPs que les changements géographiques. En d’autres termes, le patron géographique des souches est consistant avec la dispersion des hôtes qui est limitée par l’habitat, le climat et leur survie dans des zones refuges quand ces conditions sont défavorables.

Ces observations sur les associations d’hôte-souche étaient cohérentes dans toutes les analyses statistiques effectuées (multivariées et multi-variables) et pour les différentes méthodes de génotypage utilisées. De même, elles sont consistantes avec l’étude de la dispersion des souches par les hôtes (chapitre III).

2.2.2.

Conséquences de l’adaptation de B. burgdorferi pour certains hôtes

Nous avons voulu chercher l’empreinte de ces associations d’hôte-souche observées en remontant l’histoire évolutive de B. burgdorferi grâce à la phylogénie. Pour cela, seuls les gènes de ménage sont considérés. L’association avec le tamia rayé est strictement due à des

STs anciens du CC34 (Mechai et al., 2016). En effet, ils sont proches du centre de l’arbre, alors que ceux associés avec les souris sont bien loin du centre de l’arbre montrant des branches plus longues. Ceci indique qu’ils ont évolué plus récemment par rapport à ceux associés aux tamias (Figure 8 dans Mechai et al., 2016).

Des études se basant sur des données fossiles du tamia en Amérique du Nord corroborent d’une façon intéressante cette hypothèse. En effet, elles révèlent que cette espèce était l’une des rares espèces de petits mammifères ayant survécu grâce aux zones refuges nordiques pendant les périodes glaciaires et interglaciaires (Rowe et al., 2004; Rowe et al., 2006). Le tamia a ensuite entrepris une migration Nord-sud suite au retrait de la couche glaciaire (Rowe et al., 2004; Rowe et al., 2006). Les souris par contre, qui sont beaucoup plus sensibles au climat (Simon et al., 2014), ont entrepris plutôt une migration Sud-nord, suite aux conditions climatiques devenues plus favorables vers le Pléistocène tardif (Waters, 1963). Ces évènements laissent croire que, B. burgdorferi a survécu également dans les zones refuges nordiques pendant les périodes glaciaires et interglaciaires grâce aux tamias rayés. Des adaptations aux souris se sont faites par la suite lorsque ces espèces de rongeurs ont partagé une histoire commune avec les tamias. Les adaptations aux hôtes peuvent aussi avoir été le moteur des différences de pathogénicité des génotypes de B. burgdorferi en Amérique du Nord.