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Rôle de la phosphorylation dans la sélectivité fonctionnelle

II. 1.3.1.1 Structure générale et mécanisme d’activation

II.1.7 Rôle de la phosphorylation dans la sélectivité fonctionnelle

La phosphorylation des RCPG par les protéines kinases induit principalement une désensibilisation fonctionnelle de ces récepteurs. Cependant, la phosphorylation peut aussi intervenir dans la sélectivité fonctionnelle, notamment dans la spécificité du couplage. C’est le cas du récepteur 2AR dont la phosphorylation du résidu serine 263, médiée par la PKA, induit un switch de couplage Gs/Gi en système reconstitué [259] et dans les cellules HEK 293 [260]. Cette spécificité de couplage aboutit à l’initiation d’une voie de signalisation passant par l’activation de ERK. Un switch de couplage du même type a été rapporté pour le récepteur murin aux prostacyclines [261]. Ce récepteur exprimé dans des cellules HEK peut activer Gs, Gi, et Gq. Le couplage aux protéines Gi et Gq est dépendant du couplage à Gs et de la phosphorylation par la PKA. Après mutation de la sérine 357, le récepteur ne pouvant plus être phosphorylé par la PKA, n’est plus capable d’activer Gi et Gq. Le récepteur humain possède, en place du site de phosphorylation PKA, un site PKC. Ce récepteur est capable d’activer Gi et Gq. Si le site PKC est remplacé par un site PKA, alors le récepteur est capable d’activer Gs. Cette capacité est perdue lorsque la sérine substrat est mutée [262]. C’est aussi le cas pour le récepteur MOP qui, comme nous l’avons vu, est couplé Gs plutôt que Gi après phosphorylation par Src [221]. La phosphorylation d’un résidu précis peut donc amener à l’activation ou l’inactivation d’une voie de signalisation spécifique. Cette modification est donc un évènement déterminant dans le choix de la signalisation et la régulation des RCPG. Récemment, la génération d’anticorps phosphospécifiques a permis d’étudier plus précisément le code des phosphorylations des RCPG. Butcher et al [263] ont étudié le profil de phosphorylation du récepteur M3 muscarinique et ont émis l’hypothèse que les biais de signalisation et la spécificité de signalisation selon les tissus dépendait du profil de phosphorylation du récepteur. Grâce à l’utilisation d’anticorps phosphospécifiques, ils ont pu démontrer que le profil de phosphorylation du récepteur dépendait du type cellulaire dans lequel il était exprimé, mais aussi

55 du stimulus. Les différents agonistes peuvent induire des phosphorylations de façon préférentielle sur certains résidus spécifiques. La phosphorylation préférentielle induite par ces ligands selon le type cellulaire pourrait donc expliquer la sélectivité fonctionnelle des récepteurs et leurs fonctions tissu- spécifiques. Le profil de phosphorylation des récepteurs serait donc une sorte de code barre déterminant la voie de signalisation à activer. L’hypothèse du code barre de phosphorylation est aussi supportée par l’étude de Nobles et al sur le récepteur 2AR [264]. Lors de cette étude, les sites de phosphorylation du récepteur exprimé dans les cellules HEK-293, ont été identifiés par spectrométrie de masse, après stimulation par l’isoprotérénol. Ils ont ensuite étudié les phosphorylations, individuellement, grâce à des anticorps phosphospécifiques. Les sites de phosphorylation ont pu être comparés après stimulation du récepteur par différents agonistes et les kinases impliquées dans ces phosphorylations ont été déterminées. Le carvedilol, un agoniste biaisé -arrestine induit un profil de phosphorylation différent de l’agoniste plein (isoprotérénol). Alors que l’isoprotérénol induit le recrutement de la GRK2 et de la GRK6, le carvedilol permet, uniquement, la phosphorylation du récepteur par la GRK6. Ce type de phosphorylation correspond pleinement à la nature biaisé du ligand et au processus d’activation de la GRK2 : le carvédilol n’active pas la protéine G, donc la GRK2 ne peut pas être recrutée à la membrane via G. Le code barre de phosphorylation induit par les deux kinases induit la désensibilisation du récepteur, mais seule la phosphorylation par la GRK2 permet l’internalisation du récepteur. Le code barre de phosphorylation induit par différentes kinases semble donc déterminant dans l’interaction avec la -arrestine et donc dans la conformation qu’elle adopte. De la même manière, le code barre de phosphorylation a été étudié par Doll et

al [247] sur le récepteur MOP afin de mieux comprendre les différences de

trafic intracellulaire du récepteur selon les agonistes. La génération d’anticorps phosphospécifiques a, là aussi, permis de déterminer la différence de profil de phosphorylation induit par les agonistes opioïdes. Le profil de phosphorylation du récepteur MOP a aussi été étudié par spectrométrie de masse [251]. Ces études démontrent la multi-phosphorylation du récepteur MOP après stimulation par un agoniste plein, tel que le DAMGO, contrairement aux agonistes partiels comme la morphine. Cette différence de profil de

56 Introduction: Modulation de l’activité des RCPG

phosphorylation est lié à la capacité des agonistes à induire l’internalisation du récepteur. Par exemple, la morphine est un faible inducteur d’endocytose alors que le DAMGO est un fort inducteur. Dans un système modèle surexprimant la GRK2 [265] ou la -arrestine [266] l’internalisation du récepteur induite par la morphine est facilitée. En substituant la partie C-terminale du récepteur MOP par la partie C-terminale du récepteur DOP qui est un meilleur substrat à la phosphorylation, Whistler et al ont démontré que l’augmentation de la phosphorylation était corrélée avec le recrutement de la -arrestine [267]. En combinant la pharmacologie du récepteur MOP et la capacité du récepteur DOP à être phosphorylé, le récepteur chimérique devient un meilleur substrat pour la phosphorylation et peut rapidement être internalisé. Plusieurs études ont ensuite démontré que pour être internalisé, le récepteur MOP doit nécessairement être multi-phosphorylé sur le cluster de résidus du C-ter [230,231,247]. La morphine n’induisant pas la totalité des phosphorylations du C-ter n’induit que peu d’endocytose, alors que le DAMGO qui phosphoryle la totalité des sites du cluster est un fort inducteur d’endocytose [209,231]. La corrélation entre la phosphorylation et l’interaction avec la -arrestine a aussi été démontrée après phosphorylation in vitro de la partie C-terminale du récepteur MOP par les kinases purifiées GRK2, PKC ou CAMKII avec une augmentation de l’interaction avec la -arrestine plus forte après phosphorylation par la GRK2, comparé au fragment non phosphorylé [257]. Chaque agoniste induit donc un profil de phosphorylation plus ou moins favorable à l’interaction avec la -arrestine et donc à l’internalisation.

Le rôle de la phosphorylation dans la modulation de l’activité des RCPG est donc crucial. Les processus mis en jeu sont particulièrement complexes et spécifiques. Elle est impliquée dans la désensibilisation, l’interaction avec la - arrestine, dans la sélectivité fonctionnelle et dans l’internalisation. L’étude de ces sites de phosphorylation, du code barre de phosphorylation induit par les différents agonistes et leurs rôles fonctionnels est donc d’un intérêt majeur pour la compréhension des mécanismes de la régulation de l’activité RCPG.

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