• Aucun résultat trouvé

Rôle du compartiment axonal dans la coopération entre CGR

PARTIE 3 : Impact du blocage de l’activité de quelques CGR sur le développement global de la carte

3. Rôle du compartiment axonal dans la coopération entre CGR

3.1. Signaux axonaux d’AMPc

Des signaux locaux d’AMPc dans les neurones ont été décrits précédemment : dans des neurones d’hippocampe, l’augmentation de la concentration locale d’AMPc dans un seul

neurite induit la formation de l’axone. Cette augmentation locale d’AMPc et accompagnée de la diminution des niveaux d’AMPc dans les autres neurites, qui deviennent des dendrites (Shelly et al., 2010). Ces résultats constituent la première observation de signaux axonaux d’AMPc.

Dans la coopération entre CGR décrite suite au blocage épars de la signalisation AMPc le raffinement des arborisations axonales des CGR est perturbé suite au blocage de la signalisation AMPc dans les CGR adjacentes. En revanche, la propagation des vagues rétiniennes spontanées n’est pas affectée. Or, il a été montré que la propagation de ces vagues d’activité calcique spontanée dépend de la signalisation AMPc (Stellwagen et al., 1999). L’injection monoculaire d’agents pharmacologiques augmentant la concentration d’AMPc provoque une expansion du territoire de cet œil et la propagation des vagues d’activité spontanée est perturbée (Stellwagen and Shatz, 2002). Dans cette étude chez le furet, les niveaux d’AMPc ont été augmentés directement par des injections dans l’œil et la ségrégation binoculaire n’est pas affectée. L’augmentation de la concentration d’AMPc aurait pu rester confinée dans la partie des CGR en contact avec la solution. Par ailleurs, l’ensemble des cellules de la rétine est resté en contact avec ces agents pharmacologiques pendant 8 jours. Les niveaux d’AMPc auraient ainsi pu être augmentés dans plusieurs types de cellules rétiniennes, notamment les cellules amacrines. Dans une autre étude, la signalisation AMPc a été inhibée grâce à la délétion génétique de AC1. Dans ce modèle, la rétinotopie et la ségrégation binoculaire sont perturbées (Nicol et al., 2006b; Ravary et al., 2003). Le blocage de la signalisation AMPc dépend ici de la localisation de AC1.

On peut envisager que des signaux AMPc localisés dans les corps cellulaires des CGR ne seraient pas affectés par Lyn-cAMP-sponge et que des signaux AMPc localisés spécifiquement en dehors du compartiment somatique pourraient jouer un rôle dans les mécanismes coopératifs. De plus, il a été montré que l’activation de la PKA dans le compartiment pré-synaptique est requise pour l’induction de la LTP dans les neurones de cervelet in vitro (Linden, 1999).

3.2. Traduction locale de protéines

De nombreuses études ces deux dernières décennies, tout particulièrement dans les neurones, ont montré que la traduction de protéines pouvait s’effectuer en dehors du compartiment axonal (e.g. Cioni et al., 2018). Les neurones sont des cellules hautement polarisées et leur morphologie complexe crée des compartiments biologiques distincts importants pour la fonction du neurone (Hanus and Schuman, 2013). Des études par hybridation in situ ont montré qu’entre 1000 et 4500 ARNm (ARN messagers) étaient présents dans les axones en croissance (Zivraj et al., 2010) et environ 2500 dans les dendrites (Cajigas et al., 2012). L’ARN peut être transporté à des localisations subcellulaires spécifiques et pourrait donc contribuer à la compartimentation des signaux neuronaux. Cette localisation spatiale des ARNm permet la traduction de protéines directement là où elles sont nécessaires à la cellule (Holt and Schuman, 2013). De plus, les composants de la machinerie permettant la traduction de protéine sont présents dans les axones pendant le développement et à l’âge adulte (Batista and Hengst, 2016). D’ailleurs, plusieurs études ont montré que la synthèse locale de protéine était à la base des mécanismes d’adaptation du cône de croissance, de réponse aux molécules de guidage et de changement de direction des axones (Leung et al., 2006; Ming et al., 2002; Piper and Holt, 2004; Yao et al., 2006). Enfin, il a également été montré dans des neurones hippocampaux in vitro, que les protéines SNAP25 et β-caténine (impliquées dans l’exocytose des vésicules synaptiques) étaient rapidement synthétisées localement et étaient permettaient la formation des sites pré-synaptiques (Batista and Hengst, 2016; Taylor et al., 2013).

Dans le système visuel, une étude a montré que certains ARNm, traduits directement au niveau de l’axone des CGR, codaient pour des protéines dont l’axone avait besoin à ce moment du développement (Shigeoka et al., 2016). Les ARNm axonaux sont globalement les mêmes que ceux présents dans le soma, mais ceux dont la fonction axonale a déjà été décrite sont enrichis. De plus, le translatome de l’axone est modifié pendant les différentes étapes du développement : des ARNm codant pour des gènes régulant l’élongation des axones entre E17,5 et P0 ; pour le remodelage des axones et des synapses à P7,5 ; pour la neurotransmission à l’âge adulte et enfin pour la survie et la dégénération axonale chez des

animaux plus âgés (Shigeoka et al., 2016). Les ARNm sont également présents au niveau des branchements axonaux des CGR et nécessaires à leur formation in vivo (Wong et al., 2017). Enfin, il a été montré que l’ARNm codant pour CREB, un facteur de transcription activé en présence d’AMPc, était présent dans l’axone de neurones de ganglions des racines dorsales

in vitro (Cox et al., 2008). CREB est ensuite transporté vers le noyau, où il active la transcription de nombreux gènes. L’expression de CREB dans le thalamus visuel et son rôle dans la formation des circuits visuels ont été démontrés précédemment (Pham et al., 2001).

Les mécanismes coopératifs, dépendants de l’AMPc décrits précédemment pourraient donc être sous-tendus par des modifications locales des ARNm et de leur traduction. Afin de répondre rapidement à des signaux provenant des axones adjacents, les projections des CGR pourraient traduire différentes protéines directement au niveau de l’axone. A cette période du développement, les ARNm présents au niveau de l’axone des CGR sont déjà majoritairement ceux codant pour le remodelage des axones et des synapses.

4. Autres mécanismes potentiellement impliqués dans les mécanismes