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pour réviser notre vision de l’habiter

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE TOULOUSE

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SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

124/199

Des résidences auto-construites

La notion de sobriété

Une dimension communautaire hypothétique non systématique

/HFKRL[GHODUXUDOLW©SDUUDSSURFKHPHQWGHOD1DWXUHRX©ORLJQHPHQWXUEDLQ

Les trois résidences de forme ronde ont été auto-construite, sous forme de chantier collectif ou sous forme de chantier participatif support de formation, dénotant l’investissement des résidents de la conception à la réalisation. Néanmoins, la disponibilité d’ateliers annexes a été une des conditions qui a favorisé la réalisation en auto-construction des éléments préfabriqués (découpe des sections de bois, panneaux du zome, plancher de la \RXUWH /HFRUSXVVHUHMRLQWVXUOHVLQWHUYHQWLRQVVXUOȏKDELWDWʕQLSDUGHVWUDQVIRUPDWLRQVWHOOHVGHVVXU©O©YDWLRQVTXL SHXYHQWDOOHUDXGHO GHPRGLʕFDWLRQVSRQFWXHOOHVFRPPHFRQGDPQHUXQHIHQªWUH&HWWHSURMHFWLRQGHVU©VLGHQWVVXUOHXU maison implique une histoire autour de l’habitat, ce que Béatrice Mésini appellerait le «récit habitant». La conception et ODFRQVWUXFWLRQ TXHFHVRLW Oȏ©FKHOOHGHOȏKDELWDWRXGȏ©O©PHQWVTXLOHFRPSRVHQW U©Y¨OHXQHSHUVRQQLʕFDWLRQ–comme SURF©G©OLWW©UDLUHTXLFRQVLVWH SHUVRQQLʕHUXQHDEVWUDFWLRQ– de l’habitat qui devient plus qu’un objet à habiter ou habité; une autre métaphore possible étant celle de l’enfant, la maïeutique étant étymologiquement l’art d’accoucher.

Toutes ces résidences s’accordent sur l’implantation en milieu rural, la péniche relevant plus du milieu péri-urbain. Les résidents de la yourte et de la kerterre ont fait le choix de l’exil rural pour être plus proche de la Nature en accord avec des principes écologiques, une philosophie qui transpire dans tous les éléments constitutifs des parcelles et des résidences. Le résident du zome en revanche a fait le choix de l’exil rural par fuite du milieu urbain et volonté d’isolement, qui n’entre pas pleinement dans des aspirations écologiques même si certains éléments peuvent s’y assimiler. Les résidents de la péniche quant à eux n’ont pas réellement fait le choix du péri-urbain dans le sens où l’emplacement de la péniche était déjà déterminée avant leur arrivée, en plus des contraintes liées à l’eau, même s’ils s’y complaisent, au sens de trouver des satisfactions dans la pratique d’une chose.

En comparaison à une maison pavillonnaire récente, la surface habitable des résidentes rélève d’une économie de surface habitable pour la kerterre et la yourte, une surface habitacle équivalente pour la péniche, et une surface habitable supérieure pour le zome qui relativiserait le concept de sobriété si on ne considérait simultanément les moyens de chauffage réduits à des poêles pour les habitats ronds.

La notion de sobriété s’accompagne de la notion de confort, l’un n’empêchant pas l’autre puisqu’il convient de distinguer confort matériel et confort psychologique, le premier supplantant le deuxième dans la conception contemporaine de l’habitat... Instinctivement, la pensée occidentale rattache le confort aux équipements culinaires et VDQLWDLUHV$YDQWGHSRXUVXLYUHLOFRQYLHQWGHIDLUHXQHGLJUHVVLRQDʕQGHUDSSHOHUTXHFHUWDLQV©TXLSHPHQWVVDQLWDLUHV n’ont intégré le logement comme pièce d’habitation que dans les années trente (toilettes et salle d’eau), l’eau courante était alors un luxe. Quant aux toilettes, elles ont toujours soulevé la question des eaux usées du pot de chambre médiéval aux égouts modernes en passant par les rideaux versaillais. Le rapport au corps au regard de l’hygiène est une histoire de l’humanité révélatrice de la rapide évolution de la notion de confort de ces dernières décennies: en moins d’un siècle, l’habitat occidental est passé d’un logis sans eau courante ni électricité à la cuisine toute équipée, salle de bain avec spots intégrés au-dessus du lavabo et toilette séparée. Ayant ces éléments à l’esprit –des éléments qui peuvent expliquer la vision rigide occidentale vis-à-vis de la précarité– revenons au confort matériel du corpus: avec une réserve sur la kerterre1, selon l’acceptation occidentale du confort, les résidences légères répondent aux besoins matériels de leurs

résidents. Avec en supplément des eaux usées réutilisées avec des bassins de phytoépuration ou éliminées avec des toilettes sèches, des équipements qui indiquent un non-raccordement au réseau certes mais qui soutiennent une logique environnementale. D’autre part, le fait que ces résidences soient des résidences choisies, élaborées et construites par OHXUVSURSUL©WDLUHVUHʖ©WDQWDLQVLOHXUFRQFHSWLRQGHODPDLVRQOHVU©VLGHQWVGLVSRVHQWGȏXQFRQIRUWSV\FKRORJLTXHOL©  leur milieu d’habitat, ce qui n’est malheureusement pas le cas de l’ensemble du peuple français qui est en souffrance immobilière (mal-logement, logement subi par manque de moyens, etc.). De sorte que la question de confort ne serait- elle pas subjective puisque comment juger objectivement du confort d’une maison quand chaque habiter est singulier?

/ȏDVSHFWFRPPXQDXWDLUHGXFRUSXVQȏHVWSDVY©ULʕ©VȏLOHVWHIIHFWLISRXUOD\RXUWH–dans le projet des propriétaires en tout cas– et la kerterre, la péniche et le zome relèvent quant à eux de la maison individuelle. Aussi cette dimension mise en avant par B. Mésini ne semble pas aussi prégnante dans le corpus de ce mémoire GȏDXWDQWTXHSRXUDXFXQHGHVU©VLGHQFHVGHFHFRUSXVRQQHSHXWSDUOHUGȏDXWRVXIʕVDQFHYLYUL¨UH0DLVFRPPHSU©FLV© auparavant, les travaux de Mésini s’inscrivent au sein de réseaux pré-existants d’où une cohésion d’ensemble alors que les quatre résidences présentées ici ont été découvertes une à une, sans intermédiaire, ce qui peut expliquer un aspect communautaire ou un esprit de cohésion d’ensemble moindre.

moyens de mobilité de la péniche sont utilisés ponctuellement à l’occasion de temps libre, cette résidence restant à quai le reste du temps, ancrée à son emplacement administratif.

1. Le zome, la yourte et la péniche sont équipés de dispositifs ordinaires comme des plaques de cuisson, un évier et un réfrigérateur, la kerterre n’en disposant pas intrinséquemment (la plaque servant plus à faire bouillir l’eau du thé) mais partageant une cuisine qui est dans la salle commune.

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Le terme de résidence semble convenir au corpus: les occupants y habitent (ou vont y habiter) de manière permanente, voire de manière casanière et dévouée –même si les propriétaires de la péniche vont certainement quitter celle-ci par confort de vie en vue de leur vieillissement, contrairement aux autres résidents, même si on ne peut prévoir l’avenir. Le travail de vocabulaire appuie ce constat: en dehors de la kerterre qui est sujet à controverses1, la

S©QLFKHOH]RPHHWOD\RXUWHQHVXSSRUWHQWSDVODTXDOLʕFDWLRQGHSU©FDLUHHWFHPDOJU©GHV©O©PHQWVSU©FDULVDQWFRPPH OHVʕOVD©ULHQVHWOȏDEVHQFHGHOXPL¨UHGDQVOHVFKDPEUHVELHQDXFRQWUDLUHHWHQFHODFHVKDELWDWVSRUWHQWOHQRP GHU©VLGHQFHDXGHO GHODG©ʕQLWLRQGRQQ©HHQVHU©I©UDQW ODUHSU©VHQWDWLRQVDQVGRXWHFDULFDWXUDOHGHODPDLVRQ en tant que concept. En effet de nombreux éléments sont assimilables à des situations domestiques ordinaires toute FRQVLG©UDWLRQHVWK©WLTXH SDUW0ªPHODS©QLFKHPDOJU©VRQU©JLPHMXULGLTXHVS©FLʕTXHHQWUHGDQVFHFDGUHFDUOD G©ʕQLWLRQGRQQ©HFRQWUDLUHPHQWDXVHQVFRPPXQTXLU©GXLWVRXYHQWOHWHUPHGHU©VLGHQFH GHVVLWXDWLRQVSDYLOORQQDLUHV le terme de résidence étant pris au sens de la temporalité explicite de l’habiter et non au sens juridique.

4XDQW ODTXHVWLRQOHTXDOLʕFDWLIGHO©JHUFRQYLHQWLODXFRUSXVDXVHQVGHODQRWLRQG©YHORSS©H HWG©IHQGXHSDUOHVKDELWDQWVGHOȏKDELWDWO©JHUHWGHV©O©PHQWVGHG©ʕQLWLRQLVVXVGHVOHFWXUHVGH%©DWULFH0©VLQL"/H constat est plus mitigé: si la kerterre et la yourte adhérent à la notion d’habitat léger, cela ne semble pas être le cas de la péniche et du zome compte tenu des éléments énumérés dans le chapitre précédent. Est-ce parce que les résidences du FRUSXVQHVȏ\FRQIRUPHQWSDVGDQVOHVHQVR¹OHXUVFDUDFW©ULVWLTXHVQȏ\FRUUHVSRQGHQWSDVRXSDUFHTXHODG©ʕQLWLRQGH OȏKDELWDWO©JHUVXUODTXHOOHVHEDVHFHP©PRLUHHVWU©GXFWULFH"4XRLTXȏLOHQVRLWLOFRQYLHQWGHU©ʖ©FKLUDX[TXDOLʕFDWLIV qui pourraient réunir ce corpus, non par volonté abstraite de réunir des objets hétérogènes mais plutôt dans l’idée de comprendre ce qui pourraient les réunir:

Rond: habiter le rond est le titre d’un ouvrage tourné sur l’aspect structurel et constructif de la kerterre, du zome et GHOD\RXUWH 2OLYLHU'DXFK(YHO\QH$GDPHW-HDQ6RXP\RQWGȏDLOOHXUVSDUWLFLS© &HTXDOLʕFDWLILQGXLWXQHFRQVLG©UDWLRQ formelle de départ basée sur le postulat d’une différence de forme, et de fond, de l’habiter; une idée qui va dans le sens des éléments énoncés auparavant, en dehors de la péniche.

Atypique, au sens «qui diffère du type normal», paraît un terme approprié à ce corpus de résidences qui ne font pas –encore qui sait–SDUWLHGXSD\VDJHU©VLGHQWLHOJOREDOIUDQ§DLV7RXWHIRLVOȏLPSU©FLVLRQTXLOHG©ʕQLWSHXWªWUHSU©MXGLFLDEOH aux résidences présentées ici dans le sens où dans le langage, atypique est plus proche de pittoresque, avec toute la dépréciation qui l’entoure, que de singulier –VLQJXOLHUTXLDXUDLWSXªWUHTXDOLʕFDWLIHQYLVDJHDEOHVȏLOQHVȏDSSDUHQWDLW XQH situation où on considère un élément, souvent un détail, qui vient distinguer un objet dans un ensemble d’objet du même W\SH'HSOXVOHUHJLVWUHOH[LFDOGHODG©ʕQLWLRQHOOHPªPHHVWIUDSSDQWVLRQFRQVLG¨UHOHYHUEHlGLII©UHU{TXȏRQWURXYH aussi sous la forme adjectivée «différent» dans le Larousse, qui dit explicitement que l’objet considéré dévie d’une course tracée et considérée comme «normale». Il est d’ailleurs amusant de faire remarquer qu’atypique est indiqué en synonyme de «déviant» sur le site du CNRTL, «déviant» désignant en psycho-sociologie «personne qui, par son comportement ou son attitude, s’écarte de la norme du groupe social dans lequel elle vit», souvent mis en rapport avec une maladie mentale... de sorte que si d’un premier abord cet adjectif semble convenir, il ne soutient pas une analyse de vocabulaire. Autour des habitats inhabituels en général, le registre de l’écologie est récurrent. S’il est juste que le mode de vie et d’habiter de ces résidences coïncident avec un faible impact environnemental, l’adjectif écologique serait réducteur si appliqué à ce corpus; même s’il serait intéressant de l’employer, ne serait-ce pour le contraste produit entre l’image –de moins en moins unanime il faut avouer– de l’habitat écologique et ces résidences.

2. Une appellation à revoir ...

DXSURʕWGHVU©VLGHQFHVDOWHUQDWLYHV?

1. D’après les éléments sur lesquels reposent cette analyse, peut-être que d’autres approches arriveraient à d’autres conclusions...

Alternatif, au sens «qui présente ou propose une alternative, un choix entre deux solutions», en revanche semble plus prometteur. Effectivement il contient l’idée d’une différence non par rapport à un autre élément considéré comme un modèle mais plutôt d’une différence en tant qu’autre solution possible puisque la grammaire fait dire «il est différent de» tandis que «il est alternatif à». Or la notion de choix est fondamentale dans les résidences du corpus puisqu’au-delà de considérations économiques et constructives, ces résidences résultent d’un choix d’habiter assumé et poursuivi. L’alternative est une proposition, une ouverture, une possibilité; c’est-à-dire que l’alternative ne se présente pas comme un modèle, dans l’idée qu’il existe une solution jugée subjectivement ou objectivement meilleure, les considérations qualitatives sont écartées pour laisser au futur résident son libre-arbitre. Alternatif semble être un terme adéquat pour ces quatre situations car chacun des résidents du corpus a une vision différente de l’écologie et de l’habiter; la question n’étant pas de déterminer laquelle est la meilleure, qui nous ramènerait à des considérations qui ont engendré l’habitat et l’habiter pavillonnaire contemporain, mais de considérer les qualités de chacune. Appliquons ce terme au corpus et faisons le test des résidences alternatives en terme d’écologie: la kerterre résulte d’une vision SRXYDQWªWUHTXDOLʕ©HGHUDGLFDOHVDQVFRPSURPLVVXUODTXHVWLRQ©FRORJLTXHOHWHUPHGHlG©FURLVVDQW{DSSDUD®WGDQV FHUWDLQHVOHFWXUHVDʕQGHTXDOLʕHUFHPRGHGHYLHXQHYLVLRQXQSHXPRUDOLVDWULFH WHQGDQFHRFFLGHQWDOHPªPHVLGDQV ODG©ʕQLWLRQOHWHUPHUHQYRLH OȏLG©HGȏXQUHWRXUDX[EHVRLQVIRQGDPHQWDX[OHWHUPHGHlUHWRXU{©WDQWOXLPªPHFRQQRW© négativement... La yourte fait plutôt le compromis d’un confort matériel et un habitat respectueux de l’environnement. Le zome est la résidence la plus ancienne du corpus, qui ne découle pas d’aspirations écologiques, le terme n’existant pas encore à l’époque où s’est construit cette habitation, mais qui est un compromis équilibré entre une sobriété de vie et un

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