• Aucun résultat trouvé

Rétrécissement du champ d'intervention municipal et réduction des effectifs

IV – CONTRAINTES ET REGRESSION DE L’INTERVENTIONNISME MUNICIPAL SOUS LA QUATRIEME REPUBLIQUE

4.1 Rétrécissement du champ d'intervention municipal et réduction des effectifs

Au premier janvier 1939, 3148 employés dont environ 2500 titulaires et auxiliaires travaillaient dans les services municipaux. Seize ans plus tard, au premier janvier 1955, on

compte 2516 employés permanents et à temps complet.72 Après avoir régressé de 1944 à 1950, les effectifs stagnent jusqu'en 1955 (2516) puis s'accroissent à un rythme assez faible jusqu'en 1960 (2844) avant de décoller littéralement dans les années soixante. En valeur constante, les frais de personnel connaissent une évolution semblable, fortement amplifiée par l'effondrement des salaires en 1945-48. Ce n'est qu'en 1952 que les dépenses de personnel retrouvent, en francs constants, leur niveau de 1938. Cette longue phase de stagnation des effectifs et de réduction des dépenses de personnel rappelle celle de la période 1914-1925. Mais sa signification est différente. Quatre éléments, d'une certaine façon liés entre eux, permettent d'en rendre compte.

a) Le rétrécissement du champ d'intervention de la municipalité : sur ce point, les décisions les plus importantes ont été prises par le régime pétainiste qui procède à la suppression des octrois et à l'étatisation de la police. Ces mesures avaient été longuement débattues depuis le début du siècle. Si la plupart des employés de l'octroi (250 emplois) ont été reclassés dans d'autres services, les effectifs de la police (400 emplois) ont été intégrés dans les services de l'Etat. Outre ces deux mesures étatiques générales, l'équipe municipale nommée par le pouvoir pétainiste et recrutée dans les milieux locaux conservateurs très hostiles au "socialisme municipal" avait procédé à des réductions d'emplois dans certains services. Par exemple, fin 1940, les effectifs des ateliers municipaux sont ramenés de 181 à 47 emplois. Les décès parmi les employés mobilisés (202 employés ont été fait prisonnier), la répression conduite par le régime collaborationniste de Vichy et dans une moindre mesure, l'épuration à la Libération ont contribué aussi pour une part à la diminution des effectifs.

b) Le changement de position des élus sur la question générale des compétences des communes et des rapports entre l'Etat et les collectivités locales : les élus, toutes tendances confondues, développent un discours nouveau ; ils revendiquent ouvertement le transfert à l'Etat de certaines compétences municipales. Ainsi, en 1946, le conseil municipal unanime vote-t-il un vœu demandant le transfert de "tous les frais d'organisation et de fonctionnement des services qui se rattachent à l'Etat... et la prise en charge par les Caisses de Sécurité Sociale des frais des services municipaux d'assistance ...".73 Le vœu demande en outre la

72 Le chiffre de 1950 correspond à l'effectif du personnel permanent et à temps complet, à l'exclusion du personnel temporaire. Avant 1940, les données distinguent personnel titulaire, auxiliaire et temporaire. Les deux premières catégories regroupent approximativement le personnel permanent et à temps complet.

73 Bulletin Municipal, séance du 21/02/1947. Le vœu demande également la prise en charge "des frais de

s 1980.74

prise en charge par l'Etat des dépenses électorales. Par ailleurs, on observe qu'aucun élu ne remet en cause l'étatisation de la police municipale réalisée par le gouvernement de Vichy, étatisation qui avait été refusée par la municipalité radicale et conservatrice élue en 1919. On voit alors se développer les protestations contre les "charges indues" et les "transferts de charges" qui deviendront le leitmotiv du discours des élus locaux jusqu'à la décentralisation des année

c) L'intervention accrue de l'Etat dans la régulation des effectifs : déjà dans les années trente les gouvernements avaient pris des mesures obligeant les municipalités à réduire leurs dépenses et à stabiliser l'effectif de leur personnel. L'intervention du pouvoir central va plus loin après la Libération avec la création dans le cadre de la loi du 15 février 1946 d'une commission de consistance des effectifs nommée par le préfet et dont la composition qui comprenait à l'origine des représentants de tous les partis politiques et du syndicat CGT des employés a été modifiée fin 1947 principalement dans le but d'en exclure les élus communistes. La tâche de cette commission était de fixer un tableau des effectifs, des qualifications et des rémunérations correspondantes.75

d) les nouvelles contraintes financières: dans la conjoncture d'hyper inflation qui suit la Libération, le thème de la maîtrise des dépenses de personnel devient à nouveau une obsession chez les élus effrayés par l'augmentation vertigineuse de la masse salariale. Dans ces conditions, il existe un très large accord entre tous les partis représentés au conseil municipal pour considérer que le personnel est trop nombreux et qu'il pèse trop lourdement dans le budget communal. Dès 1945, avant la création de la commission préfectorale de consistance, la municipalité avait mis en place une commission municipale mixte (élus, syndicats, chefs de services) chargée de proposer un projet de réorganisation des services et de compression du personnel et de fixer un niveau maximal d’emplois. On constate qu’en fait, les effectifs réels restent de 1948 à 1958 constamment inférieurs au plafond fixé par la

74 Ces prises de position s'expliquent en partie par la conjoncture et la situation financière de la commune rendue catastrophique par l'inflation galopante et la réduction du rendement des impôts locaux. Mais il est intéressant de constater que dans la conjoncture toute aussi difficile des années 1919-1925, l'attitude majoritaire des élus était très différente. On l’a vu à propos du rejet du projet gouvernemental d’étatisation de la police. Les municipalités urbaines demandaient alors la liberté de créer de nouvelles taxes (revendication qui aboutit en 1926) et des subventions de compensation pour les fonctions assurées pour le compte de l'Etat (une subvention est créée en 1938) et non un délestage de leurs responsabilités.

75 La diminution des effectifs des fonctionnaires (de l'Etat comme des collectivités locales) est inscrite sur l'agenda des gouvernements dès 1946. Il faudrait étudier d'une façon précise l'élaboration et l'application de la politique nationale sur ce point.

commission de consistance. Cet écart est même très important puisqu'en 1955 les effectifs réels représentaient moins de 90% des effectifs fixés.