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CHAPITRE 1 : Etude bibliographique

2. La rétention de Se(IV) par les matériaux cimentaires

2.6. La rétention du sélénium par les phases AFm et AFt

Comme nous l’avons souligné précédemment, la structure de l’ettringite est une structure en colonne (Cf. Figure 27). Les tétraèdres de sulfates sont contenus dans des canaux formés par les polyèdres de CaO dominés au sommet par des octaèdres d’aluminols. Ainsi, une espèce anionique telle que le sélénite ou le séléniate pourrait se fixer à l’ettringite par

échange avec les sulfates des canaux (formation d’une solution-solide par co-précipitation

par exemple) ou se fixer aux sites de surface des colonnes (complexation de surface par exemple).

Figure 27 : Structure de l’ettringite ([GOE06]).

Une étude, portant sur la rétention des arséniates (AsO43-) par l’ettringite (Cf. Myneni et al. [MYN98]), a proposé différents types de sites de surface pouvant intervenir dans les processus de fixation d’une espèce anionique par l’ettringite (voir Tableau 6). Les sites de surface ont été définis d’après un modèle cristallographique et caractérisés par Infra-Rouge à transformée de Fourrier et par la technique Raman.

Tableau 6 : Sites de surface de l’ettringite ([MYN98]).

Groupes fonctionnels de surface de l’ettringite

≡Ca-O-H2 ≡Ca2-O-H ≡AlO-H ≡Ca2AlO-H

Les auteurs ont mené une étude de co-précipitation (précipitation de l’ettringite à partir d’une solution contenant des sulfates et des arséniates) et une étude d’adsorption (ajout d’une solution d’arséniate à une suspension d’ettringite). Dans le cas de l’adsorption, ils concluent que les arséniates forment préférentiellement des complexes de surfaces As-OCa en déplaçant des groupements hydroxyles de surface. Par contre, dans le cas de l’étude de co-précipitation, la substitution des sulfates des canaux par les arséniates est le mécanisme qui a été privilégié. Les auteurs concluent que la concentration de sites de surface était moins importante pour les échantillons co-précipités que pour les échantillons adsorbés ; ainsi, les deux mécanismes peuvent coexister.

Ochs et al. ([OCH01]) ont étudié la rétention de Se(IV) et Se(VI) par l’ettringite, pour des concentrations initiales variant de 5 10-4 M à 6 10-3M et pour des temps de contact de 13 à 325 jours pour Se(IV) et 552 jours pour Se(VI). Aucune tendance ne peut être extrapolée des graphiques concernant la cinétique sur les valeurs de Rd pour Se(VI) et Se(IV). Les valeurs de Rd oscillent entre 10 et 100 L/kg pour les deux espèces. Pour le sélénite, le CaSeO3(s) précipite à partir de 1,8 10-3M en concentrations initiales ajoutées ; ce qui n’est pas le cas du séléniate.

Dans le cas des sélénites, Baur et al. ([BAU03]) observent un Rd maximum de (180 ± 80) L.kg-1 pour l’ettringite et de (380 ± 90) L.kg-1 pour l’AFm. Dans le cas des séléniates, Baur et al. ([BAU03]) observent un Rd de (30 ± 30) L.kg-1 sur l’ettringite et de (2060 ± 590) L.kg-1 sur l’AFm. Les concentrations initiales pour Se(IV) et Se(VI) varient de 3 10-7M à 4,5 10-3M. Les temps de contact étudiés sont de 5 min à 80 jours pour l’ettringite et de 5h à 100 jours pour l’AFm. Pour le sélénite, les auteurs indiquent que les valeurs de Rd sont constantes entre 1 et 14 jours. Par contre, pour le séléniate, aucune précision n’est donnée concernant sa cinétique de rétention.

1E-06 1E-05 1E-04 1E-03 1E-02 1E-01

1E-07 1E-06 1E-05 1E-04 1E-03 1E-02

[Se]eq mol/L [S e] so rb m o l/K g AFt/Se(IV), 25°C [BAU03] AFt/Se(VI) [BAU00]

Figure 28 : Isothermes de rétention de Se(IV) et Se(VI) par l’ettringite à 25°C ([BAU02] et [BAU03]).

Nous avons reporté sur la Figure 28 les isothermes de sorption pour les deux espèces de sélénium par l’ettringite. Pour le sélénite, puisque les valeurs de Rd sont comparables pour les différentes phases cimentaires étudiées et que les cinétiques de rétention sont rapides, les auteurs concluent que le mécanisme de rétention de Se(IV) s’apparenterait à une

complexation de surface ou à une précipitation de surface avec le calcium. Dans le cas

des séléniates, Baur et al. ([BAU03]) attribuent cette valeur importante de Rd déterminée pour l’AFm à un mécanisme de substitution des sulfates par les séléniates suite à une étude DRX. Ce mécanisme de rétention a aussi été suggéré par Ochs et al. ([OCH01]). La synthèse du chromate et séléniate d’ettringite ou d’AFm (remplacements des sulfates par les séléniates ou chromates lors de la synthèse) en conditions alcalines aboutit à l’obtention de phases pures d’ettringite (ou AFm) substituée ([POE93], [KUM90], [PER00], [BAU02], [OCH01]). Les données de solubilité de ces phases analogues ont été étudiées par Perkins

et al. ([PER00]) pour le chromate d’ettringite et Baur et al. ([BAU03]) pour le séléniate d’ettringite et d’AFm. Si ces phases se sont formées alors le processus d’incorporation de Se(VI) dans la structure des aluminates doit être un/le processus de rétention à prendre en compte. Par contre, il n’a pas été reporté dans la littérature de synthèse de ces mêmes analogues pour le sélénite. Suivant le solide étudié, la substitution de Se(IV) et Se(VI) reste un processus à prendre en compte. Dans le cadre d’un processus de substitution, l’affinité

de Se(IV) ou Se(IV) dépendra donc de l’anion en compétition : sulfate, silicate, carbonate…

Dans une étude EXAFS, Bonhoure et al. ([BON06]) observent que la signature

spectroscopique des sélénites et séléniates retenus par une pâte de ciment et/ou par les phases aluminates est très comparable avec celle des espèces libres en solution.

Autrement dit, les seuls voisins observables par EXAFS du sélénium restent les oxygènes. Ils n’ont pas pu mettre en évidence une liaison directe avec l’aluminium ou le calcium, ce qui aurait été observé s’il y avait eu formation de complexes de sphère interne avec une réaction de surface de type échange de ligand. Ils en concluent que le sélénium sous forme redox +IV ou +VI n’interagit pas spécifiquement avec la surface des matériaux et suggèrent une incorporation de ces anions dans la structure des matériaux sans liaison directe avec les atomes voisins donc dans les canaux ou dans les sous-couches des phases aluminates.

La phase d’ettringite a été sélectionnée pour l’étude de rétention au vu des valeurs de Rd importantes relevées dans la littérature et afin de compléter ces observations i.e. en apportant des données expérimentales de rétention en fonction de la température.

Remarque : Nous n’avons pas sélectionné la phase AFm pour l’étude de rétention. D’après

la littérature, en particulier d’après les résultats de Baur ([BAU02]), les valeurs de Rd du sélénite au contact de cette phase sont pourtant relativement importantes. Notre décision se justifie, d’une part par la difficulté de synthétiser cette phase sans trace d’ettringite et, d’autre part par son absence dans le cortège minéralogique de nos pâtes de ciment.

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