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Cette section résume les résultats principaux des investigations présentées aux chapitres 4, 5 et 6 de la thèse. Au chapitre 4, nous avons étudié l’effet du mode de dispersion choisi sur la dynamique spatiotemporelle de la métacommunauté. Cette étape était nécessaire dans le but de comprendre comment notre règle de dispersion, dite dépendante de la communauté locale, se distingue de la règle de dispersion classique selon laquelle les individus se déplacent suivant une probabilité fixe indépendante de la densité des espèces. Pour se faire, nous avons simplifié le modèle de métacommunauté multi-espèces à un système prédateur-proie comportant uniquement deux espèces, et avons comparé les deux modes de dispersion dans un environnement homogène. Nous avons démontré que la corrélation spatiale de la distribution de la densité des espèces, mesurée par le facteur de structure, présente d’importantes différences selon le mode de dispersion employée.

Lorsque le mode de dispersion est dépendant de la communauté locale, la corrélation spatiale varie de façon non-linéaire avec l’augmentation du seuil de satisfaction des espèces. La dynamique spatiotemporelle de la métacommunauté traverse alors trois régimes: désordonné, complexe et organisé (figure 4.2b,f,j). Pour de faibles niveaux de dispersion, les patrons spatiaux de densité de populations sont désordonnés et la corrélation spatiale est faible. Pour de forts niveaux de dispersion, la corrélation spatiale s’étend sur plusieurs échelles de grandeurs et produit des

patrons spatiaux ordonnés formés de domaines distincts dont la dynamique temporelle est asynchrone. Cependant, pour les niveaux intermédiaires de dispersion, la dynamique spatiotemporelle devient complexe. Les patrons de densité sont fractals, la corrélation spatiale est donc indépendante de l’échelle et le facteur de structure suit une loi de puissance dont l’exposant est proche de -2 (figure 4.2i). De plus, la dynamique temporelle des communautés est synchronisée à l’échelle régionale et présente de fortes variations. Ces propriétés du régime complexe sont caractéristiques des phénomènes critiques survenant dans les transitions de phase continues. L’émergence de ce régime complexe est pratiquement inexistante lorsque le mode de dispersion est indépendant de la densité des espèces. Dans ce cas, la corrélation spatiale augmente linéairement avec l’augmentation de la probabilité de dispersion. La dynamique spatiotemporelle passe graduellement du régime désordonné au régime ordonné. L’apparition du régime complexe est donc étroitement liée à la règle de dispersion qui est dépendante de la communauté locale via un seuil de satisfaction des espèces. Pour des valeurs intermédiaires du seuil de satisfaction, cette règle de dispersion rend les populations locales extrêmement sensibles aux déplacements des individus. La migration d’un seul individu peut se propager en chaîne de migration d’une communauté à une autre en affectant leurs conditions locales. Par contre, pour la dispersion indépendante de la densité, le régime complexe ne peut apparaître puisque toutes les populations participent à la dispersion indépendamment de l’impact des conditions locales.

La métacommunauté prédateur-proie, avec un mode de dispersion dépendant de la communauté locale, produit donc une riche diversité de patrons spatiotemporels et comporte un régime critique. Cette dynamique s’apparente à une dynamique basée sur des mécanismes d’activation-inhibition ou de perturbation-récupération. Dans les écosystèmes naturels, ont peut s’attendre à ce que les conditions locales, biotiques et abiotiques, aient effectivement un impact considérable sur le comportement des organismes et qu’il en résulte une dynamique spatiotemporelle complexe et hautement sensible aux variations dans le déplacement des organismes.

déplaçant sur le territoire est insuffisant pour produire une corrélation spatiale soutenue dans la composition des communautés. Chaque communauté est donc formée d’un assemblage distinct et agit comme si elle était isolée de ses communautés voisines. Le second régime caractérise les niveaux élevés de dispersion. Dans ce cas, les communautés voisines échangent un nombre significatif d’individus et leur composition devient similaire. La métacommunauté fonctionne alors comme une seule communauté. La transition entre ces deux régimes, qui apparaît pour une valeur précise *

d

p du niveau de dispersion des espèces, est marquée par la formation spontanée de patrons de corrélation dans le niveau de similarité des communautés locales. En effet au point de transition, des agrégats, formés de plusieurs communautés voisines partageant le même assemblage d’espèces, émergent au sein de la métacommunauté autrement constituée de communautés distinctes. La taille de ces agrégats augmente avec le temps jusqu’à ce qu’un seul assemblage occupe la métacommunauté entière. Ce phénomène de nucléation et le changement abrupt dans la similarité des assemblages locaux de la métacommunauté, sous une faible variation du niveau de dispersion, évoquent une transition de phase de premier ordre.

Dans le premier régime, la diversité locale des communautés est faible mais la diversité régionale de la métacommunauté est considérable (figure 5.2a). L’assemblage des espèces à partir du réservoir régional (RSP) favorise l’émergence de communautés locales stables formées de quelques espèces abondantes entretenant entre-elles des relations fortement mutualistes (figure 5.3a). D’autre part dans le second régime, la diversité régionale diminue considérablement au profit d’une

augmentation de la diversité locale (figure 5.2a). Les communautés locales sont plus productives mais leur stabilité dynamique est réduite due à la migration importante d’individus. Ce régime est aussi caractérisé par des assemblages incluant une plus grande diversité d’interactions interspécifiques. Le réseau d’interactions est toujours dominé par des interactions mutualistes mais on observe une plus grande fraction d’interactions de compétition et d’exploitation (figure 5.3a). Ces résultats suggèrent qu’une augmentation du niveau de dispersion des espèces, et donc du niveau de connectivité entre les communautés locales, permet, par un accroissement de la coexistence des espèces, de former des communautés plus diverses et plus complexes. La dominance du mutualisme indique que dans un environnement défini par une capacité limite restreinte, ces interactions positives jouent un rôle clé dans l’organisation et le maintient de communautés écologiques diverses.

Au chapitre 6, nous avons étudié la métacommunauté multi-espèces sur un territoire hétérogène dont la capacité limite augmente le long d’un gradient dans le but d’explorer la contribution relative de la dispersion et des conditions environnementales sur les propriétés de la métacommunauté. Nous avons déterminé que l’effet de la capacité limite sur la diversité locale et la structure des communautés est similaire à celui de la dispersion des espèces, mais opère plus graduellement et de façon moins significative. Pour une capacité limite faible, tout comme pour un niveau de dispersion limité, les communautés sont peu diverses et sont dominées par des espèces abondantes et fortement mutualistes (figure 6.6). Ce résultat reflète l’observation empirique, aussi soutenue par des modèles simples à deux espèces, que les interactions mutualistes sont prépondérantes dans les habitats marqués par des conditions abiotiques sévères où la croissance des espèces est limitée.

Par ailleurs, une augmentation de la capacité limite ainsi que du niveau de dispersion favorisent la coexistence des espèces et permettent l’émergence de communautés plus diverses (figure 6.3). Ces assemblages sont constitués d’un noyau d’espèces fortement mutualistes, comparable à celui observé lorsque la capacité limite et la dispersion sont réduites, mais dont la biomasse totale est moindre. Ces

(figure 6.8). Finalement, notre approche exemplifie l’importance de modéliser l’influence du mutualisme dans des communautés multi-espèces au-delà de la perspective traditionnelle considérant simplement des paires d’espèces.

En résumé notre étude démontre que:

■ Les communautés écologiques sont extrêmement sensibles aux modes et aux niveaux de dispersion des organismes. Leur dynamique spatiotemporelle, leur biodiversité, leur productivité, leur stabilité et leur structure peuvent subir des changements profonds sous forme de transition significative suivant une faible variation du niveau de dispersion. Ces changements apparaissent aussi par l’émergence de patrons spatiotemporels dans la distribution spatiale des populations qui sont typiques des transitions de phases observées généralement dans les systèmes physiques.

■ Une augmentation du niveau de dispersion des organismes permet de coupler les communautés locales entre elles ce qui accroît la coexistence locale et favorise la formation de communautés écologiques plus riches et plus complexes.

■ La présence d’espèces mutualistes est fondamentale à l’organisation et au maintient des communautés écologiques. Elles dominent dans les habitats caractérisés par une capacité limite restreinte et servent d’ingénieurs

écologiques en facilitant l’établissement de compétiteurs, prédateurs et opportunistes qui bénéficient de leur présence.