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Les résultats de la présente étude démontrent que la TCC-I peut avoir un impact positif sur l’utilisation des soins de santé et le nombre de jours d’absence au travail expliqués par l’insomnie. Ces mêmes résultats suggèrent également que la TCC-I peut être un traitement économiquement rentable à long terme chez les personnes ayant atteint une rémission de leur problème de sommeil en diminuant les coûts directs et indirects associés à l’insomnie. L‘écart des coûts associés à l’insomnie chez les personnes en rémission étaient expliqués en grande partie par la réduction de l’utilisation des soins de santé (77%). L’écart des coûts associés à l’absentéisme au travail expliqué par l’insomnie représentait 19%, et la consommation de médicaments pour dormir représentait seulement 4%. Lorsque comparé au coût d’une TCC-I, le traitement était rentable pour les personnes en rémission de leur problème de sommeil. Un coût hypothétique a été estimé afin d’évaluer les coûts supplémentaires pour que les personnes en non-rémission atteignent une rémission. Ce calcul a également démontré que le traitement était rentable monétairement.

La première hypothèse de cette étude stipulait que le groupe rémission en comparaison au groupe non-rémission allait démontrer une diminution du nombre de consultations chez un professionnel de la santé, du nombre de jours d’absence au travail, du nombre de jours d’absence au travail expliqués par l’insomnie et du nombre de médicaments prescrits et sans ordonnance consommés pour traiter l’insomnie. La première hypothèse est partiellement confirmée. En effet, seule la variable sur l’absentéisme au travail expliqué par l’insomnie va dans le même sens que l’hypothèse 1. Pour le nombre de consultations, bien qu’une différence entre les groupes rémission et non-rémission ait été observée, les résultats ont démontré une augmentation de cette variable dans le groupe non-rémission, alors qu’aucune différence n’a été observée dans le groupe rémission après le traitement. L’absence de différence dans le groupe rémission s’explique probablement par la présence d’un effet plancher. En effet, les résultats dans ce groupe (environ quatre consultations par année pour chaque temps d’évaluation) apparaissent normaux pour une population générale. Selon le ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) (2018), 93,3 % de la population québécoise rapporte avoir consulté un professionnel sur une période de 12 mois en 2009-2010. Plus précisément, il rapporte que 71,4% ont consulté un médecin de famille, 61% un dentiste et 39,4% un médecin spécialiste durant cette période de 12 mois. Bien que les statistiques précédentes ne rapportent pas de nombre moyen de consultations annuelles, elles démontrent tout de même la tendance des québécois à consulter à plusieurs reprises des professionnels de la santé durant l’année, ce qui appuie la possibilité que quatre consultations par

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année dans l’étude actuelle soit représentative d’une moyenne normale, et qu’il soit peu probable d’observer une baisse après une TCC-I. D’autre part, l’augmentation dans le groupe non-rémission peut être expliquée par le fait que l’insomnie a pu contribuer au développement ou à l’exacerbation de certaines conditions médicales et psychiatriques. En effet, tel que démontré plus tôt, l’insomnie peut constituer un facteur de risque pour diverses problématiques de santé mentale et physique. Afin de tester cette hypothèse, deux ANOVA plan mixte 2x6 ont été effectuées sur les résultats moyens de l’inventaire de dépression de Beck (BDI) et l’inventaire d’anxiété de Beck (BAI). Dans les deux cas, seul un effet de temps a été observé (BAI : F(5, 210) = 5.75, p = .001, BDI : F(5, 250) = 11.64, p < .001). Les analyses d’effet simple ont démontré que les résultats étaient significativement plus élevés au temps 1 (pré) comparé au temps 2 (post-I) pour le BDI et le BAI. Bien que l’hypothèse puisse toujours s’avérer plausible, les résultats précédents démontrent toutefois qu’il n’y a pas eu d’aggravation significative au niveau des symptômes anxieux et dépressifs au FU-12. D’autre part, cette augmentation peut également être expliquée par le fait que certains participants se sont tournés vers d’autres traitements pour régler leur problème de sommeil. Les données dans la présente recherche démontrent en effet une augmentation de la prise de médicaments pour dormir à partir du FU-12 (voir table 3 dans le chapitre 1) chez les participants qui ne sont pas en rémission. Toutefois, c’est également le cas pour les participants qui sont également en rémission, ce qui n’appuie pas complètement l’hypothèse nommée précédemment. En ce qui a trait à l’absentéisme au travail en général et à la consommation de médicaments pour dormir, aucune différence significative n’a été observée entre les statuts de rémission. La deuxième hypothèse, qui stipulait que les coûts associés à l’insomnie seraient moins élevés dans le groupe rémission comparé au groupe non-rémission après le traitement, est confirmée. Les coûts du groupe non-rémission s’élevaient à 1495 $, comparé à 744 $ dans le groupe rémission, ce qui représente une différence de 751 $. La troisième hypothèse, qui stipulait que l’économie engendrée par la rémission de l’insomnie serait plus grande que les coûts de la TCC-I, est confirmée. En effet, en estimant les coûts de la TCC-I à 490 $, une économie de 261 $ est observée, s’échelonnant sur trois ans après le traitement. Finalement, la quatrième hypothèse, qui stipulait que le coût hypothétique estimé pour que tous les participants de l’étude atteignent une rémission soit moins élevé que l’économie des coûts observés par la rémission de l’insomnie est confirmée. En effet, les résultats démontrent une économie de 206,88 $, démontrant que la TCC-I serait coût-bénéfique.

Lorsque comparés aux études économiques précédentes sur l’insomnie, les résultats de la présente recherche corroborent certains points et en infirment d’autres. En effet, au niveau de l’utilisation des soins de santé, il a déjà été démontré que les personnes souffrant d’insomnie consultent davantage de

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professionnels de la santé en comparaison à des personnes qui ont seulement des symptômes d’insomnie ou qui sont de bons dormeurs (Daley et al., 2009). McCrae et ses collègues (2014) ont également démontré que des personnes ayant obtenu une réponse thérapeutique à la TCC-I utilisent moins les services de soins de santé que les personnes qui n’ont pas complété le traitement. Cependant, contrairement aux résultats précédents, la présente recherche montre plutôt une augmentation de l’utilisation des soins de santé chez les personnes n’ayant pas atteint de rémission de leur problème de sommeil, plutôt qu’une diminution chez les personnes ayant atteint une rémission. Ces résultats peuvent s’expliquer tout d’abord par la méthodologie différente utilisée. En effet, la présente recherche a utilisé un questionnaire afin de mesurer les consultations chez un professionnel de la santé, tandis que McCrae et ses collègues (2014) ainsi que Daley et ses collègues (2009) ont utilisé une banque de données. D’autre part, ils ont également rapporté dans leur recherche deux fois plus de consultations à la mesure de base que dans la présente recherche, ce qui laissait plus de latitude afin d’éviter un effet plancher et d’observer une diminution. Pour l’absentéisme au travail et l’absentéisme au travail expliqué par l’insomnie, les présents résultats reflètent la divergence des recherches précédentes. En effet, Kessler et ses collègues (2007) n’observent aucune différence significative au niveau de l’absentéisme. D’autre part, Daley et ses collègues (2009) démontrent que les personnes souffrant d’insomnie s’absentent davantage du travail que des personnes ayant un bon sommeil. Encore une fois, l’utilisation de méthodologies différentes peut expliquer les différences entre les résultats. En effet, les études de Kessler et ses collègues (2007) et de Daley et ses collègues (2009) sont des enquêtes sur des populations avec de larges échantillons. La possibilité de trouver des résultats significatifs est donc plus probable dans ce contexte. Finalement, les résultats de cette recherche sur la consommation de médicaments pour dormir sont difficilement comparables avec les études précédentes. En effet, les recherches antérieures ont évalué la totalité des médicaments prescrits et sans ordonnances, pour diverses conditions médicales et psychologiques, tandis que la présente recherche a seulement évalué les médicaments pour traiter l’insomnie. Néanmoins, certaines comparaisons peuvent être effectuées. La recherche effectuée par Daley et ses collègues (2009) a démontré que les personnes souffrant d’insomnie consomment davantage de médicaments pour la dépression, l’anxiété et l’insomnie, comparées aux personnes qui ont seulement des symptômes d’insomnie ou qui sont bons dormeurs. D’autre part, l’étude de traitement de McCrae et ses collègues (2014) n’a démontré aucune différence statistiquement significative entre les personnes ayant répondu à la TCC-I comparées aux personnes qui n’ont pas complété le traitement en ce qui a trait à la consommation de médicaments. Au niveau de l’analyse coût-bénéfice, une seule autre étude à notre connaissance a démontré que la TCC-I était rentable à long-terme. Contrairement à la présente recherche et à celle de McCrae et ses collègues (2014), l’étude en question avait un groupe contrôle

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(Thiart et al., 2016). Également, le traitement était offert par internet et le présentéisme au travail a été mesuré. Ainsi, les coûts du traitement étaient moindres par rapport à la présente étude, et les bénéfices étaient proportionnellement plus grands étant donné l’inclusion de la perte de productivité au travail.

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