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1. Evolution des gènes de l’immunité innée chez l’Homme

1.3. Résumé des travaux et discussion spécifique

Bien que de nombreuses études aient identifié les forces de sélection ayant guidé l’évolution de certains gènes impliqués dans l’immunité innée ainsi que l’intensité de l’action de ces forces, toutes ont utilisé une approche basée sur des gènes candidats. Dans cette étude, nous avons pour la première fois effectué une analyse des pressions de sélection exercées sur l’ensemble des gènes de l’immunité et montré que la diversité génétique présente dans ces gènes résulte de l’action d’évènements complexes. Ainsi, nous avons dans un premier temps montré que les gènes de l’immunité font partie des séquences codantes les plus contraintes du génome, soulignant leur importance biologique. Cependant, l’intensité de l’action de la sélection purificatrice n’est pas homogène parmi les classes de gènes de l’immunité innée, ni même au sein de ces classes. Nous avons ainsi montré que les contraintes sélectives exercées sur les gènes codant pour des molécules impliquées dans la reconnaissance des pathogènes sont très variables alors que les molécules impliquées dans la transduction du signal et l’initiation et la propagation de la réponse transcriptionnelle sont toutes particulièrement contraintes.

Nous avons par la suite développé une méthode composite puissante pour détecter les signatures de sélection positive dans le génome et montré que les gènes de l’immunité innée n’ont pas été préférentiellement ciblés par ce type de sélection. Cependant, nous avons mis en évidence un certain nombre de gènes impliqués dans la réponse immunitaire innée présentant des signes d’adaptation des populations humaines à leur environnement. Nous avons par la suite identifié un certain nombre de variations génétiques qui pourraient être à l’origine des évènements de sélection positive.

Finalement, nous avons mis à profit les données récemment rendues publiques d’estimation de l’introgression de séquences provenant de Néandertal dans le génome humain pour décrire la proportion d’allèles présents dans les gènes de l’immunité innée provenant d’Hommes archaïques. Nous avons ainsi montré que l’intensité de la sélection négative exercée sur les variations génétiques provenant de Néandertal est plus faible dans les gènes de l’immunité innée que dans le reste des séquences codantes du génome. Nous avons par la suite identifié des gènes présentant un taux d’introgression parmi les plus élevés des séquences codantes. De manière particulièrement intéressante, nous avons trouvé parmi ces gènes le cluster TLR6-1-10 que nous avons confirmé au cours de cette étude comme étant sous sélection positive dans les populations européennes. Un autre gène présente les mêmes

caractéristiques dans les populations d’Asie de l’Est : SIRT1. Ces deux régions génomiques pourraient donc avoir participé à la différenciation des populations suite aux mélanges génétiques qui se sont faits avec l’Homme de Néandertal. Des études plus poussées permettraient de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse selon laquelle ces régions ont évolué selon des évènements d’introgression adaptative.

Notre étude permet, pour la première fois, d’apprécier l’hétérogénéité et la complexité des pressions de sélection ayant agi sur les gènes de l’immunité innée pris dans leur ensemble. Dans un premier temps, notre analyse de l’action de la sélection purificatrice permet de proposer une classification de l’importance fonctionnelle relative de chacun des gènes étudiés. En effet, les séquences n’ayant accumulé que peu de mutations non-synonymes semblent avoir une fonction biologique capitale. À titre d’exemples, nous trouvons que STAT1 et TRAF3 ne sont que très peu permissifs à l’accumulation de mutations non-synonymes. Des mutations dans ces gènes ont été décrites comme causant des IP (Casanova et al., 2013), montrant qu’ils sont essentiels au bon déroulement de la réponse immunitaire. Dans un second temps, notre analyse par catégories nous permet d’émettre l’hypothèse que certains mécanismes de reconnaissance des pathogènes, notamment l’identification de leurs acides nucléiques, sont essentiels à la défense de l’hôte alors que d’autres semblent redondants.

Nous avons ensuite développé une méthode puissante associant les résultats de différentes statistiques permettant de détecter l’action de la sélection positive sur des séquences pour identifier des gènes ayant participé à l’adaptation spécifiques de populations. La datation des évènements de sélection positive que nous avons identifiés se révèle être en accord avec l’hypothèse selon laquelle la première révolution agricole aurait induit une profonde modification de l’exposition de l’Homme face aux pathogènes, ce qui aurait mené à une adaptation des populations à leur environnement particulièrement marquée. Cependant, nous avons aussi identifié des évènements de sélection particulièrement récents. Ainsi, nous avons pour la première fois montré que l’évènement de sélection sur la mutation 1264G du gène CD36, qui a été aussi rapportée par plusieurs autres études comme étant sous sélection positive chez les Yorubas, remonte à 3 600 ans. Cela supporte l’idée que cet évènement de sélection est particulièrement fort et récent.

Finalement, nous avons pour la première fois estimé la part de diversité génétique présente dans les gènes de l’immunité que nous aurions pu hériter de l’Homme de

Néandertal. Nos résultats montrent que l’introgression d’allèles de ces hominidés aujourd’hui éteints n’est pas homogène parmi les gènes de l’immunité innée. Certains récepteurs tels que les gènes OAS ou le cluster TLR6-1-10 montrent de fortes probabilités d’ascendance néandertalienne ainsi que des preuves moléculaires notées dans cette étude ou dans d’autres d’évolution sous sélection positive. Cela nous laisse supposer que l’apport de diversité génétique supplémentaire dans ces régions géniques a pu être avantageux pour Homo

sapiens, lui permettant d’acquérir des innovations moléculaires adaptées au nouvel environnement auquel il était confronté lors de sa cohabitation avec Néanderthal.

Notre étude prise dans son ensemble améliore les connaissances que nous avons de l’importance et la redondance des gènes de l’immunité innée et apporte donc un éclairage nouveau sur la participation de l’Homme de Néandertal à la diversité génétique retrouvée dans ces gènes.

2. Caractérisation du contrôle