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Génétique des différences de susceptibilité à la tuberculose

4. Combinaison d’approches génétiques et moléculaires pour étudier les différences

4.3. Différences de réponses immunitaires et tuberculose

4.3.2. Génétique des différences de susceptibilité à la tuberculose

De nombreux facteurs environnementaux vont influencer l’infection et/ou le développement de la maladie. Cependant, malgré une prévalence élevée de la tuberculose, seules 5 à 10 % des personnes infectées vont développer des symptômes cliniques signes d’une forme active de la maladie infectieuse (World Health Organization, 2014). De plus, le taux de mortalité lié à la tuberculose n’est pas le même en fonction de l’âge des patients. La courbe de mortalité a une forme particulière en U, traduisant une forte mortalité aux âges extrêmes qui est moindre aux âges intermédiaires. Cela peut être expliqué par les primo-infections et la réactivation de la maladie ou des infections secondaires (Alcaïs et al., 2010, 2005). De plus, cela reflète différents mécanismes de susceptibilité (Alcaïs et al., 2005). Une différence de susceptibilité très importante peut être observée entre diverses populations humaines (Hoeppner and Marciniuk, 2000; Sousa et al., 1997), expliquée par les exposition passées des populations à MTB. Enfin, des études réalisées sur des jumeaux ont montré dès la seconde moitié du XXème siècle que la susceptibilité à la tuberculose avait aussi des bases génétiques, héréditaires (Comstock, 1978). De nombreuses études ont par la suite identifié certains gènes participant à la réponse à l’infection par MTB et pouvant expliquer une partie des différences de susceptibilité interindividuelles observées (Fortin et al., 2007). Cette susceptibilité a été décrite chez l’homme comme pouvant être mendélienne ou complexe, impliquant des variants effets, pénétrances et fréquences alléliques très divers (Abel and Casanova, 2000; Alcaïs et al., 2005; Casanova and Abel, 2002).

4.3.2.1. Susceptibilité mendélienne à la tuberculose

Comme nous l’avons précédemment évoqué au cours de cette introduction, les immunodéficiences primaires prédisposent les patients qui en sont atteints à certaines maladies infectieuses. On retrouve donc des IP associées à la tuberculose. Les individus présentant de tels troubles de la réponse immunitaire sont prédisposés aux infections par des souches mycobactériennes peu virulentes telles que la souche vaccinale BCG ainsi qu’à

d’autres pathogènes comme Salmonella et certains virus (Casanova and Abel, 2002; van de Vosse et al., 2013; Zhang et al., 2008). On parle alors de prédisposition mendélienne aux maladies mycobactériennes ou MSMD (pour Mendelian Susceptibility to Mycobacterial

Diseases). Neuf gènes associés aux MSMD ont été identifiées : NEMO (Filipe-Santos et al., 2006) et CYBB (Bustamante et al., 2011) sont localisés sur le chromosome X et IFNGR1 (Jouanguy et al., 1996; Newport et al., 1996), IFNGR2 (Vogt et al., 2008, 2005), STAT1 (Dupuis et al., 2001), IL12B (Altare et al., 1998b), IL12RB1 (pour lequel plus de 70 mutations ont été trouvées) (Altare et al., 1998a; de Jong et al., 1998), IRF8 (Hambleton et al., 2011) et ISG15 (Bogunovic et al., 2012) sont localisés sur des autosomes (pour une revue des données immunologiques, génétiques et cliniques des MSMD, se référer à Bustamante et al., 2014). On estime que 45 % des jeunes patients développant une tuberculose miliaire (plus connue sous le nom de « tuberculose disséminée ») présentent une MSMD. On peut noter de manière particulièrement intéressante que l’ensemble des protéines codées par ces gènes sont impliquées dans la voie de signalisation IL-12-IL-23-IFNγ qui est particulièrement importante pour la communication entre les monocytes, macrophages ou cellules dendritiques d’un côté et lymphocytes T ou cellules NK de l’autre, menant à la différentiation des lymphocytes T naïfs en lymphocytes auxiliaires de type 1 (Figure 14, Chapman and Hill, 2012). L’implication de ces gènes dans la MSMD montre l’importance de cette voie de signalisation dans la réponse à l’infection par les mycobactéries. Des mutations dans les gènes IL12RB1 et IFNGR1 ont aussi été identifiées dans des cas de tuberculose à l’âge adulte (Alcaïs et al., 2005; Tabarsi et al., 2011), suggérant que les variations génétiques peuvent parfois avoir une pénétrance incomplète et participer à une susceptibilité complexe.

4.3.2.2. Susceptibilité non mendélienne à la tuberculose

Les approches de liaison pangénomique ou d’association concentrée sur des gènes candidats ont été les principales utilisées pour mettre en évidence les facteurs génétiques sous-jacents à la susceptibilité complexe à la tuberculose. Les résultats des études de liaison se sont révélés assez limités, ne permettant d’identifier qu’un faible nombre de sites (Möller and Hoal, 2010). Parmi les régions trouvées, un locus situé en 8q12-q13 fut par la suite étudié plus en détail. Il a ainsi été possible d’associer un variant génétique du gène CYP7A1 à la susceptibilité à la tuberculose dans la population marocaine (Baghdadi et al., 2006; Qrafli et al., 2014). Des approches gènes-candidats ont aussi été menées et ont mis en évidence un

grand nombre de gènes impliqués dans la susceptibilité ou la résistance à la tuberculose (Fortin et al., 2007; Möller and Hoal, 2010). La première association ainsi établie, impliquant le gène NRAMP1 dans des populations d’Afrique de l’Ouest, a par la suite été répliquée et étudiée à de nombreuses reprises (Bellamy et al., 1998; Möller and Hoal, 2010). D’autres associations ont pu être faites avec des gènes dont les protéines ont des fonctions moléculaires vairées, tels que les récepteurs CD209, TLR8 et le récepteur à la vitamine D ainsi que la molécule de transduction du signal STAT4 (Barreiro et al., 2006; Davila et al., 2008; Sabri et al., 2014; Wilkinson et al., 2000).

Une autre méthode d’investigation des causes génétiques de la susceptibilité à une maladie infectieuse est de faire une GWAS. La première étude de ce type réalisée sur des populations Africaines n’a pu identifier que des associations faibles. Certains des locus identifiés au cours de cette étude se trouvent dans la région contenant les gènes codant pour le HLA-DQ, un récepteur CMH de classe II (Thye et al., 2010). La meilleure association

Figure 14. Implication de la voie IL12-IL23-IFNγ dans les MSMD.

Tiré de Chapman  and  Hill  (2012). Des mutations dans des gènes participant à la synthèse d’IFNγ ou dans la réponse à cet effecteur ont été associées à des MSDM. Ces gènes sont indiqués en bleu clair. Il est important de noter que les variations localisées dans TYK2 ont été associées à des susceptibilités à un large spectre de maladies infectieuses, dont les infections par les mycobactéries.

obtenue au cours de cette étude se révéla être une région pauvre en gène (en 18q11.2), montrant les limites de ce type d’approche. Par la suite, une autre région génomique fut associée à la susceptibilité à la tuberculose (Thye et al., 2012). Cependant, cette étude ne permit pas non plus d’identifier un gène dont les fonctions sont liées à la réponse de l’hôte à l’infection par les mycobactéries. Ce constat ainsi que la faible reproductibilité des résultats de GWAS (Chimusa et al., 2014) montrent les limites de ce type d’approche : d’une part, la contribution génétique dans la susceptibilité à la tuberculose semble varier en fonction des populations étudiées, d’autre part, elles n’ont pour l’instant permis de formellement identifier un mécanisme moléculaire à l’origine des différences de susceptibilité à cette maladie infectieuse que dans de très rares cas. Très récemment, une étude d’association pangénomique a associé des variations génétiques présentes dans les introns du gène ASAP1 à la prédisposition à l’infection par MTB (Curtis et al., 2015). Un de ces SNP, rs10956514, induit une réduction de l’expression du gène dans les cellules dendritiques suite à l’infection par MTB. Des études ex vivo ont révélé que les cellules dendritiques n’exprimant pas ASAP1 présentaient des défauts de dégradation de la matrice extracellulaire couplés à des défauts de migration, proposant de façon particulièrement robuste un processus cellulaire potentiellement associé à la prédisposition à la tuberculose.

4.3.2.3. Approche transcriptomique de la susceptibilité à la tuberculose

Comme nous venons de l’évoquer, les études pangénomiques ont permis d’identifier des variants ségrégant dans la population associés à des phénotypes complexes mais ne fournissent que peu d’informations sur les mécanismes causaux. De plus en plus de données suggèrent que les variations non-codantes jouent un rôle important dans l’obtention d’un phénotype final via la régulation de l’expression des gènes (Dermitzakis, 2008). Par exemple, certains polymorphismes identifiés par analyses de gènes candidats sont localisés dans des promoteurs, comme dans le cas de MCP1 (Flores-Villanueva et al., 2005; Thye et al., 2009), suggérant que des variations de l’expression de gènes pourrait mener à une meilleure appréhension des différences de réponse à l’infection par MTB. Une étude se basant sur cette hypothèse à récemment été conduite dans le but d’identifier les différences interindividuelles de réponses transcriptionnelles des cellules dendritiques suite à l’infection par MTB et d’identifier les facteurs génétiques qui sont à la base de ces dissemblances. Cette analyse a identifié 198 locus associés à des différences d’abondance de transcrits suite à la stimulation

des cellules dendritiques par le pathogène, locus qui se sont révélés enrichis en SNP précédemment liés à des différences de susceptibilité à la tuberculose par GWAS (Barreiro et al., 2012). Cette analyse a permis de proposer un nouveau gène comme impliqué dans la réponse à l’infection par MTB et de démontrer la puissance de ce type d’approche pour mieux comprendre les différences interindividuelles de susceptibilité aux maladies infectieuses. La question de la régulation de l’expression génique et du contrôle génétique d’une telle régulation reste cependant en suspens.

Ma thèse s’articule autour de deux axes principaux avec les objectifs suivants :

1) Étudier les signatures moléculaires des pressions sélectives exercées sur les gènes impliqués dans l’immunité innée chez l’Homme :

(i) Mettre en évidence l’occurrence et l’intensité de la sélection purificatrice sur les gènes de l’immunité innée depuis la divergence entre l’Homme et le Chimpanzé,

(ii) Identifier les gènes impliqués dans la réponse immunitaire immédiate présentant des signes d’une participation à l’adaptation des populations humaines à leur environnement,

(iii) Dater l’occurrence des évènements de sélection positive dans ces séquences codantes,

(iv) Estimer la part de la diversité génétique retrouvée dans les gènes de l’immunité innée qui résulte d’un flux de gènes provenant de l’Homme de Néandertal.

2) Caractériser la régulation de la réponse des cellules à l’infection exercée par les miARN ainsi que le contrôle génétique de l’expression de ces transcrits :

(i) Caractériser la variabilité de réponse transcriptionnelle portant sur les miARN au cours de l’infection au sein de la population,

(ii) Identifier les facteurs génétiques associés à l’expression de ces gènes au cours de la stimulation infectieuse,

(iii) Estimer les effets de l’infection sur les réseaux de régulation de la quantité des ARNm par les miARN,

(iv) Caractériser le rôle des miARN dans la régulation des réponses transcriptionnelles et protéiques des cellules dendritiques suite à l’infection en utilisant miR-29 comme modèle d’étude.

1. Evolution des gènes de l’immunité