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CHAPITRE 5 : APPLICATION OF A PROCESS MAPPING BASED MODEL

6.1. Résumé

L’évaluation des facteurs de risque est une étape clé du modèle d’intervention pour prévenir les situations de travail non sécuritaires. Toutefois, cette évaluation est difficilement justifiable économiquement dans la mesure où les coûts liés aux mauvaises conditions de travail ne sont pas systématiquement estimés dans les entreprises à cause de plusieurs difficultés dont une collecte de données rétrospective, longue et fastidieuse. La charge économique liée aux mauvaises conditions de travail est pourtant un incitatif de taille pour convaincre les preneurs de décision d’investir en SST. L’objectif de cette étude est de mettre en relation les niveaux de risque mesurés au moyen de méthodes d’évaluation des facteurs de risque avec les coûts directs et indirects des accidents de travail. Cette relation permettrait, au moment de l’évaluation du poste de travail, de bénéficier d’une double indication à la fois sur les niveaux de risque auxquels sont exposés les travailleurs et sur les coûts reliés à cette exposition au risque. Les niveaux de risque de 38 postes de travail ont été évalués avec le QEC et le FIOH puis mis en relation avec les coûts directs et indirects d'accidents survenus sur chacun de ces postes. Les résultats montrent qu’il n’y a pas de corrélation significative entre les niveaux de risque mesurés par ces méthodes et les coûts directs et indirects. L’identification des facteurs de risque et le calcul des coûts doivent donc être réalisés de façon indépendante.

6.2.

Introduction

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) au dos et aux membres supérieurs constituent un problème majeur ayant des retombées au niveau personnel, social et économique: ils affectent la majorité des pays industrialisés, réduisent la qualité de vie de ceux qui sont affectés et détériorent la productivité des milieux de travail (NRC/IM, 2001). Les lésions de type TMS sont la première cause d’incapacité au travail dans les pays développés (WHO, 2003). Bien que l’étiologie des TMS soit complexe, il est reconnu que des facteurs physiques et psychosociaux présents dans le milieu de travail peuvent en être à l’origine (NRC/IM, 2001). Environ 60 % des personnes vivant avec des TMS associent certaines de leurs douleurs à un travail actuel ou antérieur (Camirand, Bernèche, Cazale, Dufour & Baulne, 2010).

qui suppose une intervention "ergonomique" en milieu de travail (Putz-Anderson, 1988 ; NRC/IM, 2001).

6.2.1

L’évaluation du risque, une étape centrale dans le processus d’intervention

en prévention

Le consensus dans la littérature scientifique en matière de modèle d’intervention en prévention des TMS comprend trois étapes (Denis, St-Vincent, Imbeau, Jette & Nastasia, 2008) :

- Analyses préliminaires : identifier les problèmes de TMS afin de prioriser les actions. Les variables les plus souvent utilisées sont les indicateurs de santé et les difficultés reliées à la charge de travail (utilisation de données de la compagnie suivie de questionnaires administrés aux travailleurs).

- Diagnostic : décrire le travail et faire l’inventaire des facteurs de risque afin de trouver les causes ou les déterminants des problèmes identifiés. Cette étape de diagnostic peut être réalisée en utilisant des outils permettant de qualifier et de quantifier les facteurs de risque.

- Maîtrise du risque par la recherche de solutions appropriées : la solution peut être basée sur l’application de normes existantes, sur l’adaptation de normes, ou sur l’élaboration de nouveaux repères.

L’évaluation des facteurs de risque occupe une place centrale dans le processus d’intervention pour prévenir les TMS, notamment dans l’étape de diagnostic (Figure 1.2).

Afin de procéder à l’évaluation des facteurs de risque, des outils ont été développés par les chercheurs avec pour objectif d’aider les intervenants en SST à détecter les situations de travail qui présentent des risques, et ce, idéalement avant que des lésions ne se soient déclarées. Plusieurs outils ou méthodes d'évaluation de l'exposition aux facteurs de risque physiques de TMS ont été publiés dans la littérature scientifique ces dernières années (Li & Buckle, 1999 ; Imbeau, Nastasia & Farbos, 2004), mais peu d’études évaluent les avantages et les contraintes de chaque outil ou méthode afin d’orienter le choix du praticien en SST. Afin de répondre à cette problématique, Imbeau et Fradet (2004) ont analysé et comparé 21 outils d’évaluation des facteurs de risque de TMS. Leurs résultats indiquent que chaque outil combine différents facteurs de risque et des échelles d’évaluation qui lui sont propres et que peu d'outils ont fait l'objet d'une évaluation de leur validité et leur fiabilité. Cette étude conclut tout de même que le QEC se

démarque des autres outils. Le QEC est la seule méthode d’analyse des facteurs de risque validée avec l’implication systématique de praticiens et d’ergonomes. Cet outil ou questionnaire a été élaboré pour obtenir une série de scores (cou, dos, poignets, bras…) capable d’indiquer au à l’intervenant en santé et sécurité le niveau de risque auquel l’opérateur est soumis durant l’exécution de sa tâche.

De plus, cet outil est l'un des seuls à intégrer directement l'opinion du travailleur dans l'évaluation du niveau de risque à son poste de travail. Le QEC fait même partie intégrante du coffre à outil du programme d’amélioration continue utilisé dans des entreprises du secteur de fabrication de produits en matière plastique dans lesquelles la présente étude a été réalisée. Selon le niveau de certification de l’usine ou du département, un ou plusieurs postes de travail sont évalués en interne avec le QEC par du personnel formé à son utilisation et, selon les scores obtenus, le poste de travail est modifié ou non. À la suite des changements, le poste est réévalué pour déterminer si les modifications apportées ont permis de réduire le risque. Dans le programme d’amélioration continue de ces entreprises, un autre outil développé par le Finnish Institute of Occupational Health (appelé FIOH) (Ahonen, Launis & Kuorinka, 1989) est utilisé parallèlement au QEC. Le FIOH est un outil plus général qui n’est pas dédié spécifiquement à l’évaluation des TMS et qui ne rentrait donc pas dans l’étude comparative de Imbeau et Fradet (2004). Le FIOH propose une analyse ergonomique et les éléments qu’il évalue sont très variés (levées de charge, bruit, luminosité, communication entre les travailleurs, température du milieu de travail, etc.). Comme le QEC, il intègre l’opinion du travailleur dans l’évaluation du niveau de risque. Son contenu et sa structure font qu’il est bien adapté pour l’évaluation de la plupart des tâches industrielles et de manutention.

6.2.2

Intérêt de la mise en relation entre les niveaux de risque et les coûts des

accidents

Un avantage de compiler un score d’exposition aux facteurs de risque à un poste de travail est qu’il s’agit d’un indicateur prospectif et non rétrospectif – une situation de travail comportant un risque de TMS élevé peut être corrigée avant même qu’un événement n’y soit déclaré. L’utilisation d’indicateurs prospectifs permet dans une certaine mesure de justifier ou au moins de légitimer la mise en place de solutions pour éviter les accidents avant qu’ils ne surviennent.

Toutefois, pour convaincre les gestionnaires d’investir en prévention, l’expression des problématiques de SST dans un langage monétaire semble être une clé du succès (Fulwiler, 2000). L’évaluation des coûts des mauvaises conditions de travail passe par le calcul des coûts directs et indirects des accidents de travail. Si les coûts directs sont généralement accessibles, le calcul des coûts indirects comporte plusieurs difficultés (Jallon, Imbeau & de Marcellis-Warin, 2011a). De plus, le calcul des coûts indirects liés aux mauvaises conditions de travail passe forcément par une mesure rétrospective en proie à plusieurs biais (menaces de validité) qu’il convient de documenter et limiter (Grun, 2006). Par exemple, le poste de travail ne doit connaître aucune modification au cours de l’analyse, laquelle peut s’étaler sur plusieurs années. Stricoff (2000) se pose la question du nombre d’années nécessaires avant d’avoir un nombre de données significativement suffisant, et Lyon (1997) détermine le coût moyen des blessures en utilisant les statistiques d’accidents des trois à cinq années précédant l’évaluation.

Une solution à ces problématiques serait d’arriver à prévoir le coût des accidents, notamment pour s’affranchir d’une collecte de données remontant plusieurs années en arrière. Seules les études de Lanoie et Trottier (1998) et Lanoie et Tavenas (1996) présentent un modèle mathématique basé sur une analyse économétrique rigoureuse qui permet de prédire le nombre (et donc le coût) des accidents après la modification de situations de travail à risque. Peu d’efforts ont toutefois été menés dans la littérature scientifique pour comprendre et prédire les coûts des accidents de travail (Paez et al., 2006), alors que l’utilisation d’un indicateur de coûts prospectif serait probablement un aspect particulièrement intéressant pour justifier un investissement ou la mise en place d’une mesure préventive avant même que l’implantation des correctifs n’ait été réalisée. Il s’agirait d’un outil d’aide à la décision efficace car il permettrait de prioriser les projets et de convaincre les dirigeants de libérer les ressources nécessaires tôt dans le processus de prévention.

La prédiction du coût des accidents passe peut-être par une association avec un bon indicateur prospectif tel que l'évaluation des facteurs de risque. Jusqu’à présent, la littérature scientifique ne compte aucune mise en relation directe entre le niveau de risque à un poste de travail tel qu'évalué par les méthodes d'évaluation des facteurs de risque d'accident et de blessure et le coût des mauvaises conditions de travail sur ce poste. L’existence d’une telle relation permettrait de préciser la réduction attendue du coût des accidents du travail en fonction de la diminution du niveau de risque à un poste de travail et d’évaluer les coûts liés aux investissements à réaliser en

matière de prévention selon des seuils d’exposition au risque, et donc d’utiliser les coûts des accidents comme un indicateur prospectif et non rétrospectif comme c’est le cas actuellement dans la littérature scientifique.

L’étude présentée ici propose d’explorer l’existence d’une relation entre le niveau de risque tel que mesuré par les méthodes d'évaluation des facteurs de risque à un poste de travail et les coûts des accidents sur ce poste.

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