• Aucun résultat trouvé

Cette thèse se place dans un contexte où l’information abondante sur la qualité de l’eau potable est accessible surtout aux municipalités avec des ressources financières élevées. Ainsi, les petits réseaux municipaux se trouvent de manière générale dans un état de manque d’information et de connaissances concernant les variations spatio-temporelle de leur eau potable. De plus, les équipements et les infrastructures à leur disposition ne leur permettent pas d’agir adéquatement devant ces variations, et ils doivent souvent se contenter de l’application d’une simple étape de désinfection, afin de maintenir une qualité minimale d’eau potable. Outre les moyens financiers, les ressources humaines des petits réseaux sont également limitées. Communément, le gestionnaire de l’eau potable se voit responsable de multiples tâches au sein de la municipalité, qui peuvent être très différentes.

Par conséquent, l’objectif principal de la thèse était de contribuer aux connaissances sur la variabilité spatio-temporelle de la qualité de l’eau potable dans les petits réseaux municipaux et de développer des outils d’information afin de fournir une aide aux opérateurs dans leur gestion quotidienne. Cet objectif a été réalisé par l’atteinte de quatre objectifs spécifiques représentant les quatre volets de la thèse. Premièrement, un portrait spatio-temporel de la qualité de l’eau potable a été dressé, à des fins descriptives principalement, mais également pour comprendre les origines de ce portrait. Afin de pouvoir communiquer les résultats complexes obtenus dans le premier volet, et pour rendre accessible aux opérateurs l’information globale sur la qualité de l’eau, un indice de la qualité de l’eau potable a été développé et adapté aux besoins réels des petits réseaux. Utilisant cet outil d’expression, le troisième et le quatrième volets se sont concentrés à déterminer l’impact des deux facteurs les plus variables dans le processus de la production d’eau potable: la qualité de l’eau brute (y compris les facteurs climatiques) et les facteurs humains opératoires (associés aux opérateurs). La Figure 0.2 synthétise l’enchaînement de ces différents volets de la thèse, et présente les questions de recherche

158

associées aux objectifs spécifiques de chaque volet répondant aux besoins des petits réseaux.

Figure 0.2: Les problématiques adressées dans la thèse

Afin de parvenir à ces objectifs, des bases de données robustes ont été utilisées, qui étaient issues de deux séries de campagnes d’échantillonnages (un programme mensuel pendant un an et un programme journalier d’un mois) dans 25 petits réseaux de deux provinces canadiennes (Québec et Terre-Neuve et Labrador). Les facteurs humains

159

opératoires étaient documentés par des entretiens et des observations individuels avec les opérateurs volontaires, qui participaient également aux campagnes de prélèvement. Les données obtenues ont contribué à l’obtention des résultats finaux de la thèse, qui sont discutés en détail dans les paragraphes suivants.

Le premier volet a étudié la variabilité spatio-temporelle de la qualité de l’eau brute et de l’eau potable dans les petits réseaux de distribution. Tout d’abord, ce chapitre a mis en évidence les différences concernant la qualité de l’eau à la source dans les deux régions étudiées, qui sont surtout issues des particularités locales (biophysiques et climatiques). Tandis que les petits réseaux étudiés au Québec se trouvaient dans un environnement plus agricole (ce qui explique la présence de coliformes plus importante), les réseaux de Terre- Neuve et Labrador étaient proches des côtes maritimes (origine des fortes teneurs en bromures). Une autre différence observée était la nature de l’eau brute. La majorité des réseaux étudiés au Québec s’alimentaient en eau potable à partir d’une rivière, tandis que les lacs étaient plus couramment utilisés dans la province de Terre-Neuve et Labrador. Également, un important élément à mentionner est la différence de traitement de l’eau. En effet, la majorité des réseaux du QC disposait d’une filtration (complétée par une étape de coagulation-floculation et décantation). De leur côté, les traitements appliqués à NL étaient minimalistes, n’incluant qu’une seule étape de désinfection par le chlore.

Selon les résultats du premier chapitre, la variabilité spatio-temporelle de la qualité de l’eau potable dans les petits réseaux peut être expliquée par des facteurs semblables à ceux des grands réseaux. Premièrement, la variabilité temporelle de la qualité de l’eau distribuée est influencée par la variabilité saisonnière de l’eau brute. Similairement aux grands réseaux, les concentrations des sous-produits de la désinfection (SPD) dans le réseau dépendent principalement de la concentration de carbone organique total (COT) de l’eau brute, de la saison, et de l’emplacement dans le réseau. Les teneurs maximales de trihalométhanes (THM) ont été documentées pendant les saisons chaudes et à la fin du réseau de distribution. Pour ce qui est des acides haloacétiques (AHA), les températures plus élevées en entraînent une formation, mais également une dégradation plus importante. Dans les saisons plus chaudes, la dégradation de la qualité esthétique (goûts

160

et odeurs) et microbiologique de l’eau (exprimée par les bactéries hétérotrophes aérobies et anaérobies) est aussi observée.

L’étude a également permis de définir certaines particularités des petits réseaux. En effet, l’une des difficultés liées aux réseaux étudiés était d’estimer le temps de séjour de l’eau. Les gestionnaires d’eau ne disposent pas de cette information précieuse relative à leur réseau. Selon les résultats obtenus, il serait possible de lier le temps de séjour à la demande en chlore libre résiduel, qui dépend principalement de l’emplacement dans le réseau. Également, le premier volet a démontré que la connaissance de la qualité de l’eau du premier point dans le réseau de distribution donne des indications importantes sur la qualité de l’eau dans le reste du réseau (teneur de chlore résiduel libre et concentrations de SPD, par exemple).

Dans le deuxième chapitre, le développement et l’analyse d’un indice de la qualité de l’eau potable démontrent l’utilité polyvalente d’un tel outil d’information. L’indice du CCME a été adapté aux besoins réels des petits réseaux par des scénarios particuliers mettant à contribution des paramètres de la qualité de l’eau potable accessibles aux opérateurs. En effet, quatre scénarios de surveillance ont été développés, avec des indices adaptés à des usages spécifiques. Premièrement, les dimensions temporelles et spatiales ont été considérées afin de représenter la variabilité spatio-temporelle de la qualité de l’eau potable. L’indice a été conçu principalement à des fins informatives; par exemple, la représentation spatio-temporelle permet d’identifier les périodes et les points critiques qui présentent une détérioration de la qualité de l’eau potable. Ainsi, les opérateurs sont en mesure de suivre plus facilement les variations de la qualité de leur eau.

Les préférences des opérateurs quant aux contaminants à surveiller ont également été considérées. Le troisième scénario propose une surveillance à long terme avec la prise en compte de contaminants à effets chroniques, en particulier les SPD. Comme la réglementation de ces composés se base sur une moyenne annuelle, les gestionnaires n’ont pas de références auxquelles ils pourraient comparer les résultats saisonniers ou mensuels. L’indice développé dans ce scénario se base sur des seuils spécialement adaptés aux variations temporelles, par la proposition de seuils saisonniers pour les SPD. Par conséquent, le suivi des contaminants à effets chroniques est plus réaliste. D’un autre

161

côté, un suivi journalier peut être assuré par le quatrième scénario de l’indice, conçu pour les contaminants à effets aigus. La particularité de ce scénario est l’accessibilité de l’information et la simplicité du suivi, car il se base sur les paramètres régulièrement mesurés par les opérateurs de petits réseaux.

Finalement, le dernier scénario prend en compte des objectifs de qualité d’eau spécifiques, par l’utilisation de seuils plus conservateurs. Cette application permet d’ajuster les seuils et de personnaliser le suivi en fonction des priorités des petits réseaux. Il peut s’agir d’avoir une marge de manœuvre et de fournir une eau d’une excellente qualité, ou de se préparer pour une réglementation plus serrée qui pourrait entrer en vigueur dans un futur proche.

La simplicité d’utilisation et le caractère « personnalisable » constituent les forces principales de l’indice. Les scénarios développés sont des exemples, qui pourraient être éventuellement combinés. Par exemple, il est imaginable qu’un opérateur veuille surveiller la qualité de son eau d’une façon spatio-temporelle, à une fréquence journalière et avec des seuils plus conservateurs pour les SPD. Globalement, l’indice est représentatif de la qualité générale de l’eau et les analyses de sensibilité ont démontré que pour le bon fonctionnement de l’indice, les quatre paramètres les plus importants à inclure étaient les THM, les AHA, le chlore résiduel libre et le COT. Cette conclusion est en accord avec les résultats du premier chapitre, qui démontrent l’importante variabilité spatiale ou temporelle de ces quatre paramètres.

Le troisième chapitre propose l’identification des paramètres facilement mesurables qui indiquent les périodes de risque pour la détérioration de la qualité de l’eau potable. Il a été primordial que les paramètres retenus soient représentatifs et accessibles pour les opérateurs. En effet, comme il a été démontré dans le premier chapitre que la qualité de l’eau potable dépend majoritairement de la qualité de l’eau brute, le troisième volet se concentrait sur la source. Également, afin de pouvoir déterminer les périodes de risques, la variabilité de la qualité de l’eau brute devait être prise en compte. Cette dernière est influencée en grande partie par les des variables climatiques. Les résultats de ce chapitre démontrent que plusieurs paramètres de l’eau brute et de nombreux facteurs climatiques peuvent être mis en lien avec la variabilité de la qualité de l’eau potable. Cependant, les

162

facteurs les plus adéquats pour leur représentabilité et accessibilité sont le niveau de l’absorbance UV à 254 nm (UV254) de l’eau brute et la température de l’air maximale, moyennée sur 15 jours avant le prélèvement. Ces deux paramètres présentent des liens directs et indirects avec la qualité globale de l’eau brute, ce qui explique également leur impact sur la variabilité de la qualité de l’eau traitée et distribuée.

Dans ce chapitre, l’objectif principal a été de fournir de l’aide aux opérateurs dans la détermination des périodes de risques. En ayant déterminé les paramètres représentatifs de la variabilité temporelle de la qualité de l’eau potable, il a été possible d’estimer la probabilité de la détérioration de la qualité de l’eau. Le résultat final de ce chapitre est un outil qui estime la probabilité d’avoir une eau de mauvaise qualité en fonction des deux paramètres mesurés. Les deux provinces étudiées ont été traitées séparément en raison de leur différence vis-à-vis du traitement (une étape unique de désinfection dans le cas de NL, et la présence des traitements physico-chimiques au QC). Ainsi, les résultats incluent indirectement la stratégie de traitement. Par conséquent, l’outil synthétise les données de l’eau brute, du climat et du traitement. Les possibilités d’utilisation de cette application sont élevées. Par exemple, devant une eau brute à un niveau d’UV254 donné, un opérateur pourrait être en mesure de prévoir une période de risque et de réduire ce dernier en portant une attention particulière lors de l’enlèvement de la matière organique. L’outil pourrait être également utilisé par les autorités gouvernementales pour évaluer des stratégies de réduction des risques en lien avec la variabilité de la qualité de l’eau des petits réseaux en temps de pluie (renforcement des compétences des opérateurs, investissements pour des infrastructures de traitement, etc.).

Le quatrième chapitre a été consacré aux facteurs humains opératoires. En effet, la performance des opérations ponctuelles est variable dans le temps, car elles sont réalisées par des humains. Il était donc primordial d’inclure les facteurs humains opératoires dans la globalité de la problématique des petits réseaux. Ce chapitre a permis de documenter et de catégoriser les facteurs humains opératoires, et de souligner l’importance de certains facteurs critiques. Tout d’abord, les résultats démontrent que les valeurs de l’indice de la qualité de l’eau potable sont les plus élevées pour les réseaux dont l’opérateur se démarque par une expérience élevée dans le domaine de l’eau (formation, emplois, etc.).

163

De plus, l’expérience de l’opérateur semble être directement liée à d’autres facteurs, comme l’autonomie ou la motivation. Cette dernière s’est avérée être le facteur humain le plus variable dans le temps. Cependant, un réseau ne pourrait pas être caractérisé par une valeur unique de facteurs humains opératoires, étant donnée la variabilité de ces derniers. Les analyses ont démontré que, globalement, l’impact des facteurs humains opératoires s’estompe derrière l’importance de la qualité de l’eau brute et du traitement (présence ou absence des traitements physico-chimiques avant la chloration). Par ailleurs, ce chapitre a également documenté la variabilité des facteurs humains opératoires à court terme. Les résultats suggèrent que, dans le court terme, l’importance des facteurs humains opératoires est plus grande que le traitement et la qualité de l’eau brute. De plus, à NL, où les réseaux ne disposent pas de traitements physico-chimiques avant la chloration, les facteurs humains opératoires sont les seuls facteurs qui expliquent de manière significative la variabilité temporelle de la qualité de l’eau potable dans le court terme.

Documents relatifs