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RÉSULTATS

Un premier regard sur les données brutes de T échantillon, présentées au tableau 1, permet de constater une tendance de la part des enfants de cinq mois, à regarder plus longtemps le visage du père, peu importe l’ordre de présentation des visages. Six

ANOVA 2 (sexe) X 2 (ordre de présentation) X 2 (type de visage) à mesures répétées sur le dernier facteur sont ainsi réalisées pour vérifier si cette différence est significative et dépend ou non du sexe de l’enfant et/ou de l’ordre de présentation des visages. Si tel est le cas, des tests t pour échantillons dépendants ou indépendants sont effectués, afin de déterminer le lieu précis de ces différences. Un seuil alpha de .05 est retenu pour ces analyses.

Un test de normalité des données (Shiparo-Wilk) nous permet de constater qu’aucune variable dépendante ne se distribue normalement, à l’exception de

T« intérêt ». À la suite de cette constatation, des transformations logarithmiques sont effectuées sur les données brutes des autres variables, c’est-à-dire sur la durée moyenne des essais, la somme des essais d’habituation, la durée du premier essai, l’essai le plus long et la pente.

Les analyses révèlent que cinq des six variables dépendantes retenues présentent des différences significatives entre les deux visages. Seule la variable « pente » ne montre aucune différence. Parmi les cinq variables significatives, seul Γ « essai le plus long » ne dépend pas de l’ordre de présentation des deux visages. En effet, ce temps de fixation prolongé est plus marqué en présence du visage du père, F (1,22) = 51,47, p < 0,001.

En ce qui concerne les quatre autres variables, elles démontrent toutes une interaction significative avec l’ordre de présentation. Ainsi, la « durée moyenne des essais d’habituation » démontrent une interaction significative entre la condition expérimentale et l’ordre de présentation des visages, F (1,22) = 25,66, p < 0,001.

Le test t démontre que la durée moyenne des essais obtenue au père est significativement plus élevée que celle obtenue à l’étranger, mais uniquement dans la condition où le père est présenté en premier, t (1, 11) = 6,00 p < 0,001.

La « durée du premier essai » démontre aussi une interaction significative entre la condition expérimentale et l’ordre de présentation des visages, F (1,22) = 5,80, p = 0,026. Le test t démontre que la durée du premier essai obtenue au père est significativement plus élevée que celle obtenue à l’étranger, mais uniquement dans la condition où le père est présenté en premier, t (1, 11)= 2,69 p = 0,021.

La « somme des essais d’habituation » démontre une interaction significative entre la condition expérimentale et l’ordre de présentation des visages, F (1,22) = 14,45, p

= 0,001. Le test t démontre que la somme des essais obtenue au père est

significativement plus élevée que celle obtenue à Γ étranger, mais uniquement dans la condition où le père est présenté en premier, t (1,11) = 4,57 p = 0,001.

La variable « intérêt » démontre une interaction significative entre la condition expérimentale et l’ordre de présentation des visages, F (1,22) = 8,37, p = 0,009.

Le test t démontre que l’intérêt envers le père est significativement plus élevé que celui consacré à l’étranger, mais uniquement dans la condition où le père est présenté en premier, t (1, 11) = 4,15 p = 0,002.

Mentionnons en terminant que le sexe de l’enfant ne s’est jamais révélé significatif ni seul, ni en interaction avec les autres facteurs.

Tableau 1

Les scores moyens et écarts-types !entre parenthèses) au père et à l’étranger pour tous les sujets (n=24), selon Tordre de nrésentation.

Variables Père Étranger

Somme des essais Tout T échantillon : 80,68 (59,97) 49,05 (31,23) Père-Étranger : 113,22(67,81) 43,53 (27,13) Étranger-Père : 48,13 (24,67) 54,57 (35,16) Premier essai Tout T échantillon : 23,18 (23,45) 13,34 (10,52) Père-Étranger : 30,62 (28,98) 9,84 (7,71) Étranger-Père : 15,74 (13,77) 16,83 (12,05) Essai le plus long Tout T échantillon : 34,94 (31,62) 17,09 (11,56) Père-Étranger : 50,08 (35,88) 13,30 (8,44) Étrange-Père : 19,80 (17,40) 20,89 (13,29) Durée moyenne des essais Tout T échantillon : 11,07 (9,60) 5,90 (2,88)

Père-Étranger : 15,44 (11,53) 4,77 (2,15) Étranger-Père: 6,70 (4,23) 7,03 (3,15) Intérêt Tout T échantillon : 67,70 (21,10) 62,64 (15,94)

Père-Étranger : 76,35 (15,19) 58,26 (16,35) Étranger-Père : 59,05 (23,18) 67,01 (14,91) Pente Tout T échantillon : 3,01 (3,70) 1,56 (1,52)

Père-Étranger : 3,93 (4,62) 1,01 (1,29) Étranger-Père : 2,10 (2,35) 2,11 (1,59)

DISCUSSION

Les résultats de la présente étude supportent l’hypothèse de recherche proposée au départ. Les temps de fixation visuelle s’avèrent différents pour le visage du père

comparativement à celui de l’étranger et ce, autant pour les gars que pour les filles. Effectivement, les analyses statistiques indiquent que les enfants regardent

significativement plus longtemps le visage du père que celui de l’étranger, bien que l’ordre de présentation se révèle souvent important pour l’obtention d’une différence statistique. En effet, quatre variables s’avèrent significatives et seulement lorsque le père est présenté en premier : la « durée moyenne des essais d’habituation », la « durée du premier essai », la « somme des essais d’habituation » et 1’« intérêt ». Par contre, pour ce qui est de la variable « essai le plus long », elle ne dépend pas de l’ordre de présentation des deux visages. Il est possible que l’effet de fatigue puisse expliquer le fait que

l’ampleur de la différence s’atténue lorsque le père est présenté en deuxième. Une seconde explication est que la petitesse de !’échantillon peut affecter la puissance statistique. Par conséquent, il serait très pertinent d’utiliser un échantillon plus volumineux et d’augmenter le délai entre la présentation des deux visages.

Par ailleurs, et contrairement aux résultats obtenus par Fortier (2000), Bisson (2002) et certains auteurs s’intéressant à la reconnaissance de la mère (Field et al., 1984;

Barrera & Maurer, 1981), aucune différence reliée au genre n’est observée dans la présente recherche. Rappelons que dans ces études, cette capacité à reconnaître un parent était en lien étroit avec le sexe de l’enfant. Les filles avaient tendance à préférer regarder la mère alors que les garçons préféraient le père.

Pour la première fois, une recherche permet donc de démontrer systématiquement, à l’aide de résultats très significatifs (0.001), que les enfants âgés de quelques mois sont capables de reconnaître leur père. Les études antérieures n’avaient pas réussi à démontrer une telle reconnaissance du père au niveau olfactif (Cemoch et Porter, 1985) et auditif (DeCasper et Prescott, 1984; Miliis et Melhuish, 1974; Ward et Cooper, 1999), tandis que la reconnaissance du visage du père n’avait obtenu que des résultats partiels et peu

concluants (Bisson, 2002; Portier, 2000; Walton, Bower et Bower, 1992).

Cette première démonstration claire de la reconnaissance du visage du père semble tardive, en comparaison avec le parcours développemental obtenu auprès de la mère. Comme Ward et Cooper (1999) le mentionnent, il semble que la reconnaissance du père se développe de façon différente de celle de la mère. Effectivement, la présente étude et celle de Bisson (2002) démontrent bien que la reconnaissance du visage du père se fait plus tardivement. Les résultats obtenus par Bisson (2002) indiquent que les enfants âgés de trois mois sont pratiquement incapables de reconnaître le visage de leur père, tandis que la présente recherche révèle que les enfants de cinq mois parviennent à le reconnaître. Dans les études effectuées auprès des mères, il est également démontré que les très jeunes enfants ont besoin de voir la démarcation tête/cheveux afin de la

reconnaître, alors que, pour les plus vieux (19 semaines), les caractéristiques internes sont suffisantes (Bushnell,1982; Morton 1993; Pascalis et al., 1995). Pour ce qui est du père, Portier (2002) démontre que les enfants de cinq mois ne sont pas vraiment capables de le reconnaître si celui-ci a les cheveux recouverts. La présente étude démontre toutefois que la présence de la démarcation tête/cheveux facilite grandement la reconnaissance au même âge. La nécessité de montrer aux enfants la chevelure de leur père semble donc se maintenir jusqu'à un âge plus avancé, en comparaison avec les résultats obtenus auprès des mères.

Néanmoins, les méthodes employées dans les différentes études qui s'intéressent à la reconnaissance des visages familiers varient souvent. Afin de vérifier l'hypothèse d'un retard développemental en ce qui concerne la reconnaissance du visage du père, il serait intéressant d'évaluer la capacité des enfants de différents âges à reconnaître le visage de leur mère et de leur père à l'aide de la même méthode. En d'autres mots, chaque enfant serait confronté au visage de son père et à celui d'un étranger, et au visage de sa mère et à celui d'une étrangère. Le même échantillon serait évalué à 3 mois, 4 mois, et 5 mois. Cette façon de faire permettrait ainsi de comparer rigoureusement le développement de la reconnaissance du visage du père et de celui de la mère, au cours des premiers mois de la vie.

Dans les recherches à venir, il serait également intéressant de demander au parent de remplir un questionnaire portant sur la fréquence, la qualité et le type de contacts qu’il entretient avec son enfant. Ward et Cooper (1999) affirment que la reconnaissance de la mère et du père peut être influencée par le temps qu’ils passent avec leur enfant, mais

aucune étude n’a encore évalué cette dimension. Cet intérêt pour les différences individuelles pourrait très bien s'intégrer dans l'étude longitudinale proposée au paragraphe précédent.

Références

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è

MAGNÉTOSCOPE

Annexe B

Laboratoire du nourrisson

Université Laval

Stephan Desrochers, professeur responsable Tel. : 656-2131 poste 5068

Je, soussigné ____________________________________ consens à ce que mon bébé___________________________________ et moi participions à une recherche sur la capacité des enfants de cinq mois à reconnaître le visage de leur père.

1 Cette recherche a pour but de vérifier si le visage du père et celui d’un étranger sont traités différemment par les nourrissons de cinq mois.

2. Comme participant, j ’accepte de me rendre à l’Université Laval où mon visage (neutre et immobile) sera filmé sur vidéo pendant dix minutes. Le vidéo de mon visage sera utilisé avec mon enfant ainsi qu’avec d’autres enfants comme visage étranger. Ensuite, j’accepte de retourner à l’Université Laval pour une deuxième rencontre, mais cette fois-ci avec mon bébé âgé de cinq mois. Comme participant, mon enfant sera assis dans un siège de bébé face à un écran de télévision où un vidéo du visage de son père et un autre d’un visage étranger seront présentés à tour de rôle. L’expérimentation sera filmée et durera quinze minutes. J’accepte également que différents aspects de son comportement soient évalués (durée de ses regards, son intérêt, etc.) et je consens à fournir certains renseignements concernant mon bébé et moi-même (âge, sexe, problèmes pré ou péri-nataux, téléphone et adresse).

3. Comme avantage, ma participation à cette recherche me permettra d’observer le comportement de mon bébé dans une situation nouvelle. Comme inconvénient, il faudra me déplacer à deux reprises à l’Université Laval où l’observation aura lieu. Comme risque, mon bébé peut se mettre à pleurer durant 1 ’expérimentation. Pour sa part, je risque de trouver cela difficile de me faire filmer sans bouger et je peux ressentir un inconfort visuel ou voir embrouillé quelques instants après.

4. Notre participation à cette recherche est volontaire. Il est entendu que nous pourrons nous retirer en tout temps de cette recherche, et ce, sans préjudice.

5. Toute information obtenue dans ce projet sera traitée de façon strictement confidentielle. L’utilisation seule des cinq premières lettres du prénom suivies d’un chiffre, dissocié du nom de famille, assure l’anonymat du fichier de données de l’enfant. Les chercheurs de ce laboratoire s’engagent à détruire les bandes vidéo et les fichiers d’information concernant mon bébé une fois toutes les étapes de la recherche complétées.

Parent Expérimentatrice

Date Stéphan Desrochers, Ph. D.

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