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CHAPITRE III Metabolomic profiles of the endangered St Lawrence estuary beluga

4.1 Résultats principaux

Les résultats issus de cette thèse apportent de précieuses informations sur le devenir et les risques potentiels de toxicité d’une sélection de contaminants organohalogénés établis et émergents chez les bélugas et les petits rorquals du Saint-Laurent. Dans le premier chapitre de cette thèse, nous avons constaté que six retardateurs de flamme émergents (c.-à-d., HBB, PBEB, Cplus, Dec-602, Dec-604 CB et DP) étaient présents à la fois dans les tissus des bélugas et des petits rorquals du Saint-Laurent. Nous avons vu ensuite que le comportement migratoire et la position trophique pouvaient expliquer les différences de concentrations des organohalogénés entre les bélugas et les petits rorquals du Saint-Laurent. Puisque les concentrations des contaminants chez les bélugas étaient plus élevées en comparaison aux petits rorquals, nous pouvons donc accepter notre première hypothèse (A). Aussi, alors que nous nous attendions à avoir une baisse des concentrations de PBDE chez les bélugas du Saint-Laurent (hypothèse B), celles-ci sont restées stables de 1997 à 2013. Cela vient confirmer les observations faites par Lebeuf et al. (2014a) qui indiquaient que les concentrations de PBDE chez les bélugas du Saint-Laurent avaient atteint un seuil élevé (plateau) depuis la fin des années 1990 jusqu’en 2007. Ce résultat rappelle également que, malgré des interdictions mises en place à l’encontre d’une molécule ou d’une famille de composés, ceux-ci continuent d’être diffusés dans l’environnement pendant des années via les sites d’enfouissement par exemple, ou encore les effluents urbains dus à l’utilisation de produits de consommation courants ou recyclés qui en contiennent. Aussi, le transfert des contaminants des femelles à leur progéniture favorise également la

persistance de ces composés dans les tissus de ces espèces longévives. Pour les composés émergents, ceux-ci n’ont pas augmenté à travers le temps chez le béluga du Saint-Laurent comme nous l’avions prédit (hypothèse B). Au contraire, les concentrations du HBB, du Cplus et des DP semblaient diminuer, et il n’y avait aucune tendance temporelle pour les autres composés émergents. Cela semble suggérer que l’utilisation du HBB, du Cplus et du DP aurait soit diminué ou arrêté depuis plusieurs années en Amérique du Nord. Dans le premier chapitre, nous rapportons également pour la première fois, la présence de retardateurs de flamme émergents (c.-à-d., HBB, PBEB, Dec-604 CB et DP) dans des bélugas du Nunavik. Comparativement aux baleines du Saint-Laurent, les concentrations pour le Dec-604 CB et les DP étaient plus élevées chez les bélugas de l’Arctique, ce qui reste difficile à expliquer étant donné le peu d’information disponible sur leur utilisation, les sources d’exposition possibles et leur présence dans l’environnement. Cependant, ces résultats indiquent que ces composés émergents posséderaient la capacité à être transporté sur de longues distances et à se bioaccumuler à travers les réseaux trophiques, qui sont des caractéristiques propres à celle des POP.

Dans un second temps, nous voulions voir si les contaminants organohalogénés dans les tissus des bélugas et des petits rorquals du Saint-Laurent étaient corrélées à des niveaux de transcrits de gènes impliqués dans la régulation de leur système endocrinien. D’après nos résultats, plusieurs POP et retardateurs de flamme émergents retrouvés chez ces deux espèces, semblaient affecter la régulation de leurs axes thyroïdiens et stéroïdiens (sexuel et glucocorticoïdes), ce qui correspond à notre hypothèse C, que nous acceptons. En effet, les concentrations des composés organochlorés (BPC, trans- nonachlor, HCB et p,p’-DDE) dans les graisses des bélugas étaient corrélées avec les niveaux de transcription dans la peau de gènes impliqués dans la régulation de l’axe thyroïdien (Dio2) et des œstrogènes (Esrα), puis celles de l’HBB étaient corrélées avec les transcrits du gène Esrα et de deux gènes qui régulent les glucocorticoïdes (Nr3c1 et

Hsd11β2), et celles du Dec-604 CB avec les transcrits du gène Hsd11β2. Chez les petits

rorquals, les concentrations des PBDE étaient corrélées avec les transcrits du récepteur β des œstrogènes (Esrβ), et celles du HBB l’étaient avec les transcrits Nr3c1. Nous acceptons également notre hypothèse D, puisque les corrélations entre les contaminants et les transcrits n’étaient pas les mêmes entre les deux espèces. Cela pourrait provenir des différences liées à l’espèce, au sexe et à l’exposition aux contaminants. En effet, nos échantillons étaient composés que de femelles pour les petits rorquals, et que de mâles pour les bélugas, puis les concentrations en organohalogénés étaient plus élevées chez les bélugas. Néanmoins, tous ces résultats ne peuvent pas être considérés comme des relations de cause à effet, car une mesure des niveaux de transcription de gènes seule n’est pas suffisante pour témoigner d’un effet direct sur le métabolisme, puis de nombreuses variables confondantes qui auraient pu avoir influencé nos résultats n’ont pas pu être déterminées (p. ex., âge, état nutritionnel, autres contaminants, exposition variée aux stresseurs environnants). Il n’est donc pas possible de déterminer de relations de cause à effet, et de démontrer si ces composés représentent un risque pour la santé globale de ces espèces. De plus, les résultats de ce chapitre permettent également de faire un suivi de l’évolution temporelle des concentrations d’organochlorés chez le béluga du Saint-Laurent. Comparativement aux concentrations entre 1987 et 2007 de BPC, HCB, p,p’-DDE et trans-nonachlore rapportées par Lebeuf

et al. (2014a), celles issues de nos échantillons de bélugas récoltés en 2015 et 2016

étaient de 2 à 14 fois plus faibles, ce qui confirme les tendances à la baisse qui avaient été rapportées dans cette étude.

Enfin, notre dernier objectif était d’examiner les mécanismes potentiels de perturbations métaboliques des contaminants organohalogénés (c.-à-d., PCCC, POP, PBDE et retardateurs de flamme émergents) accumulés chez les bélugas mâles du Saint-Laurent. Dans un premier temps, en analysant les données de concentrations de métabolites, nous nous sommes aperçus qu’il y avait une ségrégation entre nos

échantillons. Les bélugas échantillonnés en aval de la rivière Saguenay présentaient des profils en acides gras et en acides aminés différents comparativement aux individus échantillonnés en amont, ce qui pourrait provenir d’une différence dans la composition du régime alimentaire, elle-même influencée par les différences de conditions abiotiques (p. ex., profondeur, salinité, température) entre les deux secteurs. C’est la première fois que des paramètres biologiques semblent corroborer avec des observations faites sur le terrain par Michaud (1993), qui indiquaient que des sous- groupes de bélugas du Saint-Laurent restaient fidèles à des secteurs spécifiques de leur habitat. Un autre résultat marquant de cet objectif a été de constater que les concentrations en PCCC dans le gras des bélugas du Saint-Laurent surpassaient largement celles rapportées précédemment dans cette population (Tomy et al., 2000) et d’autres espèces et populations de mammifères marins à travers le monde. Enfin, les résultats principaux de cet objectif indiquaient des corrélations entre les concentrations en PCCC et celles de quatre acides gras et de l’acétylornithine, indiquant que les PCCC pourraient impacter le métabolisme des lipides ou des acides aminés des bélugas mâles du Saint-Laurent. Cependant, les métabolites qui corrélaient avec les PCCC n’étaient pas exclusivement d’origine alimentaire comme nous l’avions suggéré (hypothèse E), puisque les acides gras concernés pourraient soit provenir de l’alimentation ou avoir été synthétisés par l’organisme (Iverson et al., 2004), et l’acétylornithine est un produit intermédiaire de la biosynthèse de l’acide aminé arginine à partir du glutamate (Morizono et al., 2006). Une perturbation du métabolisme des lipides pourrait avoir des conséquences pour la fitness des bélugas du Saint-Laurent, car ces métabolites jouent un rôle essentiel dans le stockage de l’énergie, la flottabilité et la régulation de la température chez les cétacés (Iverson et Koopman, 2018).