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B. Contexte scientifique et technique

4. Résultats préliminaires

a. Influence de la rigidité matricielle sur les adhérences intercellulaires

L’observation d’HUVECs isolées sur des gels de polyacrylamide à double rigidité a permis de mettre en évidence un comportement cellulaire défini : les cellules individuelles sont guidées par le gradient de rigidité.

Figure 42 : Comportement des HUVECs sur un substrat à double rigidité.

(A) Migration préférentielle de la partie molle vers la partie rigide. (B) Alignement cellulaire parrallèle à la frontière côté partie rigide. (C) Comportement d’une population de cellules an

présence (flèche violette) et en absence (flèche verte) de contact intercellulaires.

En effet, comme illustré sur la Figure 42 A, les HUVECs de la partie molle du substrat ont tendance à traverser la frontière de rigidité pour migrer sur la partie plus ferme. Inversement, les HUVECs présentes sur la partie rigide du substrat ne traversent pas le gradient de rigidité et s’alignent parallèlement à la frontière (Figure 42 B). Ces résultats indiquent que les HUVECs sont sensibles à la rigidité du substrat et migrent préférentiellement sur un substrat rigide. Ceci tend à confirmer les résultats obtenus pour les cellules musculaires lisses (Isenberg et al., 2009).

A l’échelle d’une population de cellule, le comportement est identique à celui observé sur cellules isolées si les cellules en présence n’ont pas établis de contact intercellulaire. En revanche, dès que les cellules commencent à établir des contacts entre elles, il semblerait qu’elles perdent leur sensibilité à la rigidité du substrat. En effet, les cellules ayant des contacts intercellulaires avec les cellules voisines traversent la frontière séparant les zones ayant des rigidités différentes (Figure 42 C flèche violette) et retournent sur la partir rigide en absence de contacts avec d’autres cellules (Figure 42 C flèche verte). Par ailleurs, lorsque la densité cellulaire augmente, les cellules sont réparties de manière homognène entre la partie molle et la partie rigide.

Une autre approche a également été testée pour appréhender la relation entre adhérence cellule-matrice et adhérence cellule-cellule. Sur des substrats de polyacrylamide de rigidité uniforme, une population éparse de cellules HUVECs a été ensemencées afin d’observer leur comportement. L’imagerie en contraste de phase permet de suivre le comportement macroscopique des cellules entre elles, quant à l’imagerie en fluorescence, elle permet de suivre le comportement des billes fluorescentes incorporées préalablement dans le substrat pour évaluer l’impact des cellules sur la matrice extracellulaire. Plus précisément, l’objectif est de mesurer la dynamique des champs de forces transmises à la matrice extracellulaire en présence et en absence de jonctions intercellulaires. C’est ainsi qu’une technique de microscopie à force de traction a été mise au point en collaboration avec le groupe d’Hélène Delanoë-Ayari afin de suivre les déplacements de la surface du substrat (matérialisé par les billes) en réponse aux tractions cellulaires exercées par les HUVECs. L’idée est de mesurer expérimentalement la déformation du motif visuel (constitué par les billes fluorescentes incorporées dans le gel) afin d’extraire le champ de force à partir du champ de déformation. La méthode utilisée consiste à inverser l’équation d’élasticité pour mesurer les forces cellulaires et exprimer la force sous la forme d’une combinaison linéaire

des composantes de déplacements. De manière schématique et simplifiée, l’équation d’élasticité s’écrit : U =M×F où U est le déplacement etM×F, le produit matriciel entre une matrice de transfert et le vecteur force. En inversant l’équation d’élasticité on obtient :

1

×

=U M

F , ce qui nous permet à partir des mesures expérimentales du déplacements des billes de remonter aux forces cellulaires.

Voici en Figure 43 les premiers résultats obtenus pour un doublet d’HUVEC, en absence de contact cellulaire au départ, et au cours de l’établissement des jonctions intercellulaires. En absence de contact, les cellules ne présente pas de polarisation particulière et sont dites « isotropes ». En revanche, à mesure que les contacts intercellulaires se forment, on peut observer un comportement asymétrique des deux cellules en contact. En effet, l’une d’entre elle acquière une certaine polarité, tandis que la seconde conserve sa forme isotropique. Par ailleurs, les champs de forces mesurés montrent que l’apparition des contacts cellulaires s’accompagne localement d’une réduction des forces au niveau de la jonction naissante. Ces résultats vont dans le sens des travaux publiés par Maruthamuthu qui montrent qu’en présence de jonctions intercellulaires entre deux cellules MDCK, les forces transmises à la matrice diminuent localement (Maruthamuthu et al., 2011).

Ces résultats démontrent clairement d’une part, que les cellules endothéliales sentent la rigidité de leur substrat et d’autre part qu’en présence de jonctions intercellulaires, le comportement des cellules endothéliales vis-à-vis de la matrice extracellulaire semble modifié. En effet, celles-ci perdent la sensibilité à la rigidité du substrat en présence de contacts avec d’autres cellules. Parallèlement, il y a une diminution locale des forces qu’elles transmettent à la matrice. Pour poursuivre ces travaux sur la sensibilité des cellules endothéliales à la rigidité, nous envisageons d’étudier, au niveau moléculaire, la réponse des cellules en fonction de la rigidité du substrat. Brièvement, il sera possible de suivre les modifications de composition protéique au niveau des jonctions adhérentes et des plaques d’adhérence focale en filmant le comportement des principales protéines impliquées dans les jonctions intercellulaires et les plaques d’adhérence focale. Par exemple, la localisation subcellulaire de la taline, principale partenaire cytoplasmique des intégrines, pourra être suivie en fonction de la rigidité du substrat et en fonction de l’établissement de contacts intercellulaires. On pourra ainsi déterminer comment les cellules ajustent leur comportement en fonction de la rigidité du substrat et de l’absence/présence de jonctions intercellulaires.

Figure 43 : Analyse des données de microscopie à force de traction

(A) Superposition d’une image en contraste de phase de cellules HUVECs avec une image en fluorescence des billes incorporées au substrat. (B) Résultat de l’analyse des déplacements de billes. Les cellules ont été découpées en plusieures zones. Les flèches noires représentent la force résultante à l’intérieure de la zone, issue de l’analyse du déplacement des billes dans la matrice.

b. Détermination de la contractilité d’une monocouche

La deuxième approche de ce projet fait appel à un autre type de substrat : le PDMS. Les substrats en PDMS réalisés pour accueillir des cultures de cellules HUVEC sont composés de canaux et de piliers déformables qui doivent permettre de déterminer la force engendrée par la contractilité d’une monocouche endothéliale.

Figure 44 : Premiers essais de cultures d’HUVECs sur les canaux déformables

Images en contraste de phase de cellules HUVECs quelques heures (A) et quelques jours (B) après ensemencement sur des substrats plans de PDMS. (C) Déflexions des piliers induites par les HUVECs sur des canaux de géométrie rectiligne et circulaire.

Jusqu’à aujourd’hui, il était souhaitable que les cellules adhèrent et évoluent « sur » les piliers puisque ce genre de substrat était principalement utilisé pour étudier les forces transmises par les cellules à la matrice (Liu et al., 2010a). L’originalité de ce travail est de vouloir « canaliser » les cellules entre les canaux afin d’avoir accès aux forces intercellulaires développées par les cellules. Ces substrats fonctionnalisés avec de la fibronectine ont été validés pour la culture d’HUVECs. En effet, les cellules ont une bonne capacité d’adhérence sur le substrat (Figure 44 A) et sont aisément amplifiées pendant plusieurs jours (jusqu’à sept

jours) (Figure 44 B). Par ailleurs, on peut également voir le comportement des cellules vis-à- vis des piliers sur la Figure 44 C. Les déflexions de piliers sur canaux de géométrie rectiligne et circulaire sont facilement visualisées sur des clichés de microscopie en contraste de phase (Figure 44 C).

Cependant, alors que nous attendions un étalement des cellules sur le fond du substrat entre les piliers, l’imagerie confocale nous apporte des images qui montrent qu’en réalité les HUVECs s’installent sur les piliers contrairement à ce qui était attendu (Figure 45).

Figure 45 : Vue en 3 dimensions du positionnement d’une cellule HUVEC sur les piliers

Image confocale incluant des coupes en Z qui permettent de visualiser dans les trois dimensions le positionnement de la cellule HUVEC par rapport aux piliers.

Cette constatation est un sérieux obstacle à la détermination de la contractilité d’une monocouche endothéliale. En adhérant à la surface des piliers, il est impossible de mesurer une déflexion des piliers qui reflète les forces intercellulaires mises en jeu. Pour contourner le problème, un important travail de mise au point a été réalisé afin de trouver un montage associant zones « attractives » et zones « répulsives » pour les cellules. Ce nouveau montage est schématisé sur la Figure 46 A. Simplement, au lieu de réaliser des rangées de deux piliers côte à côte, on intercale un canal plein de PDMS entre deux rangées de piliers. En rendant, ces canaux « pleins » répulsifs pour les cellules grâce au PLL-PEG, les cellules n’ont pas d’autres choix que de s’installer dans les canaux « vides » fonctionnalisés avec la fibronectine. Si le procédé pour réaliser un tel substrat est au point comme le montre le cliché

en microscopie électronique à balayage (Figure 46 B), l’analyse du comportement des cellules sur ce genre de capteur de force est en cours d’étude.

Figure 46 : Nouveau système de canaux déformables

(A) Représentation schématique du montage alliant zones attractives fonctionnalisées avec de la fibronectine et zones répulsives fonctionnalisées avec le PLL-PEG. (B) Cliché en microscopie à balayage électronique du système (barre d’échelle 30 µm).