• Aucun résultat trouvé

B. La connexion cytosquelette / jonctions adhérentes

3. Quelques acteurs de cette connexion

L’annexine A2 appartient à la superfamille des annexines qui sont des protéines caractérisées par leur capacité à se lier aux phospholipides membranaires de manière calcium dépendante. L’annexine A2 est impliquée dans les interactions membrane-membrane et membrane-cytosquelette. Plus spécifiquement, par ses propriétés à fusionner les membranes, elle participe à la régulation de certaines étapes du transport intracellulaire comme l’exocytose et l’endocytose (Gerke et al., 2005).

Les travaux réalisés au sein du laboratoire ont montré que l’annexine A2 est un partenaire abondant du complexe à base de VE-cadhérine (analyse protéomique) et qu’elle interagit directement avec le complexe jonctionnel à base de VE-cadhérine (détection par co- immunoprécipitation). Cette interaction avec la VE-cadhérine a été confirmée par une autre équipe en 2010 : le sphingosine 1-phosphate déclencherait le transport de l’annexine A2 du compartiment cytosolique à la membrane où elle s’associe à la VE-cadhérine (Su et al.,

2010). La connexion entre les annexines, plus particulièrement l’annexine A2, et le

cytosquelette d’actine est un fait établi et c’est aussi ce qui lui vaut d’appartenir à la famille des « Actin Binding Protein » (Hayes et al., 2004; Hayes et al., 2006). Des études de FRET (Fluorescence Resonance Energy Transfer) sur des cellules co-exprimant de l’annexine A2- CFP et de l’actine-YFP ont montré un transfert d’énergie entre les deux molécules dans le cytoplasme et les protrusions membranaires, suggérant une interaction directe entre les deux molécules (Hayes et al., 2006).

En s’associant avec la VE-cadhérine des jonctions adhérentes et le cytosquelette d’actine corticale, l’annexine A2 maintient la VE-cadhérine au niveau des jonctions intercellulaires. En effet, il semblerait que l’annexine A2, présente au niveau des radeaux de cholestérol, arrime à la fois le complexe à base de VE-cadhérine et le cytosquelette d’actine, renforçant ainsi les jonctions adhérentes mâtures d’un tapis cellulaire confluent (Figure 32)

Figure 32 : Mécanisme potentiel de stabilisation de la VE-cadhérine par l’annexine A2

Les jonctions adhérentes sont immatures et peu associées au cytosquelette d’actine lorsque les cellules HUVECs ne sont pas confluentes. Le complexe à base de VE-cadhérine est alors libre de bouger latéralement dans la membrane. En revanche, quand les cellules atteignent la confluence et que les jonctions adhérentes sont matures, le complexe annexine A2/p11, accumulé sous la membrane au niveau des radeaux de cholestérol, s’associe au complexe à base de VE-cadhérine. De cette manière, l’annexine A2 procure un lien entre le complexe VE-cadhérine/caténines et le cytosquelette d’actine et stabilise les jonctions adhérentes. D’après (Heyraud et al., 2008).

b. La myosine X

La myosine X, comme son nom l’indique, appartient à la famille des myosines. Avec les dynéines et les kinésines, les myosines sont des protéines motrices. Alors que les dynéines et les kinésines se déplacent sur les microtubules, les myosines se meuvent le long des filaments d’actine. En effet, ces protéines possèdent un domaine moteur très conservé localisé sur l’extrémité Terminale qui leur permet d’hydrolyser l’ATP pour générer des forces. La myosine X est une myosine non conventionnelle qui possède une dizaine de domaines d’interactions potentielles avec des protéines ou avec les membranes (Berg et al., 2000) (Figure 33 A).

Figure 33: Myosine X, structure et fonction

(A) Modèle de dimérisation de deux molécules de myosine X par interaction des domaines superhélicoïdaux. Ce modèle propose également des domaines fonctionnels : domaine moteur (déplacement sur les filaments d’actine), motifs IQ (impliqués dans la liaison à la calmoduline), domaines PH (Plekstrin Homology), implication dans la signalisation par le phophoinositide et/ou les interactions protéine/protéine), domaine MyTH4 (Myosin Tail Homology 4, potentiellement domaine régulateur ou domaine cible présent dans d’autres moteurs moléculaires comme les kinésines), domaine FERM (band 4.1/Ezrin/Moesin/Radixin, impliqué dans l’ancrage à la membrane), motifs PEST (motifs riches en proline, glutamate, sérine et thréonine, cibles probables pour le clivage protéolytique). D’après (Berg et al.,

2000). (B) Représentation schématique des mouvements de clusters de VE-cadhérine

transportés par la myosine X dans les filopodes. La myosine X se lie à l’actine par son domaine moteur et au complexe VE-cadhérine/caténines via son domaine FERM. Par conséquent, les clusters de VE-cadhérines se déplacent vers la pointe (700 nm.s-1) ou vers l’arrière des filopodes (30 nm.s-1). D’après (Almagro et al., 2010).

La myosine X utilise sa fonction motrice pour se déplacer sur les filaments d’actine intrafilopodiaux (Berg and Cheney, 2002). Elle possède une fonction cargo qui lui permet de transporter les intégrines, en se liant à leur sous-unité β, ainsi que le complexe nucléateur de l’actine Mena/VASP (Tokuo and Ikebe, 2004; Zhang et al., 2004). De plus, il a été montré que la myosine X favorise la formation des filopodes : alors que sa surexpression stimule la croissance des filopodes la diminution de son expression entrave en revanche leur formation (Bohil et al., 2006).

Des travaux réalisés au laboratoire ont confirmé l’implication de la myosine X dans la formation des filopodes. Les filopodes sont des régions riches en myosine X et en actine

(Berg et al., 2000) qui initient les mécanismes de réparation de l’endothélium en permettant

la re-formation des jonctions adhérentes. En s’associant à la myosine X, la VE-cadhérine est transportée le long des filopodes. En effet, il a été établi par voie biochimique et observation

en vidéomicroscopie que la myosine X gouverne les mouvements des « clusters » de VE- cadhérine le long des filopodes (Figure 33 B) (Annexe) (Almagro et al., 2010). D’autre part, il a également été montré que la myosine X s’attache sélectivement aux câbles d’actine réticulés par la fascine. Le module responsable de cette sélectivité est la queue de la myosine X. En effet, en introduisant une flexibilité supplémentaire à la queue de la myosine X, celle-ci devient incapable d’identifier les câbles d’actine réticulés par la fascine (Nagy and Rock,

2010). Les résultats mettent en évidence un nouveau domaine de la queue de la myosine X qui

positionnent les têtes de myosine X de manière adéquate pour reconnaître les câbles d’actine qui dirigent les flux de myosine X et de ses partenaires, comme la VE-cadhérine, à la pointe des filopodes (Nagy et al., 2008; Nagy and Rock, 2010).

c. Les autres partenaires

Comme nous l’avons présenté précédemment, la connexion entre complexe cadhérine/caténine et cytosquelette d’actine n’est pas une connexion stable et figée contrôlée par l’α-caténine (Drees et al., 2005). D’ailleurs, il est à présent établi que l’α-caténine n’est pas essentielle à la stabilité de la E-cadhérine. En effet, il a été montré, que suite à l’extinction de l’α-caténine dans des embryons de drosophile, subsiste un « pool » d’actine qui se localise aux jonctions adhérentes et les stabilise indépendamment de l’α-caténine (Cavey et al., 2008). La question se pose alors de savoir quelle(s) protéine(s) est(sont) responsable(s) de l’ancrage du cytosquelette d’actine au niveau des jonctions adhérentes ?

A ce sujet, la littérature propose de nombreux médiateurs qui agiraient en ce sens. En effet, beaucoup d’« Actin Binding Protein », comme la vinculine (Watabe-Uchida et al.,

1998a), l’α-actinine (Knudsen et al., 1995; Nieset et al., 1997), la formine (Zigmond, 2004),

ZO-1 (Imamura et al., 1999a) et Ajuba (Marie et al., 2003), sont capables d’interagir avec l’α-caténine et fournissent un lien potentiel entre complexe adhérent et cytosquelette d’actine. D’ailleurs, il a été montré que la vinculine et Ajuba, en s’associant directement avec l’α- caténine, participent à l’ancrage du complexe E-cadhérine/caténines au cytosquelette d’actine corticale dans les cellules épithéliales (Marie et al., 2003; Watabe-Uchida et al., 1998a). Une autre possibilité à évoquer pour expliquer le lien entre cytosquelette et jonction adhérente est l’existence de protéines qui établissent des connexions indépendamment de l’α-caténine. On peut ici de nouveau mentionner la vinculine. En effet, celle-ci est également capable d’interagir avec la β-caténine et de stabiliser la E-cadhérine à la surface cellulaire (Hazan et

al., 1997; Peng et al., 2009). Des expériences d’imagerie ont également révélé qu’une

Ces travaux suggèrent également que la vinculine puisse faire le lien entre complexe adhésif et cytosquelette d’actine au cours du processus de mécano-transduction initié par les forces intracellulaires (le Duc et al., 2010).

On peut ici conclure à l’existence de multiples connexions entre complexe adhérent et cytosquelette d’actine, que ce soit via ou indépendamment de l’α-caténine. La jonction adhérente est une structure dynamique dont la composition varie en fonction des stimuli environnementaux, de son degré de maturité et de sa stabilité. C’est sans aucun doute cette multiplicité des acteurs de la connexion entre jonction adhérente et cytosquelette d’actine qui explique le caractère dynamique des jonctions intercellulaires. La plupart des études ont porté sur la E-cadhérine et il serait bon de s’intéresser aux liens entre les autres cadhérines et le cytosquelette d’actine.

I. EPLIN à l’interface entre complexe adhérent et cytosquelette