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Résultats expérimentaux pour des assemblages multi-boulonnés

Chapitre 4 : Démarche expérimentale

4.4. Résultats expérimentaux pour des assemblages multi-boulonnés

Les assemblages aéronautiques étant toujours des assemblages multi-boulonnés, nous nous plaçons donc à présent dans des cas d’assemblages à 2 et à 9 fixations avec plusieurs objectifs. le premier est de vérifier si les résultats observés pour les assemblages à 1 boulon sont aussi valables pour les assemblages multi boulonnés. Le deuxième objectif consiste à faire varier l’épaisseur des plaques, mais avec les mêmes fixations (le diamètre de la fixation reste égal à 6,35mm). Dans cette configuration, on recherche l’influence combinée de la précontrainte et de l’interférence. Il est à noter que tous les assemblages considérés ci-après sont montés avec mastic pour s’approcher du cas industriel.

4.4.1. Influence de l’épaisseur et de l’ajustement radial pour un assemblage à deux fixations

La Figure 4. 14 définit les dimensions de l’assemblage considéré. Il est composé de deux fixations EN6115-K4 et de deux écrous ASNA2531-4 ainsi que de 3 plaques en Aluminium 2024T351 : 2 plaques d’épaisseur e (plaques externes) et une plaque d’épaisseur 3e (plaque interne). Les

distances au bord sont toujours choisies en accord avec les normes aéronautiques et le montage est réalisé avec mastic (Pr1779 classe B).

Figure 4. 14 : Assemblage à 2 fixations (dimensions en mm)

Trois définitions d’ajustement radial seront considérés : avec faible jeu (10µm), avec faible interférence (-50 µm) et avec forte interférence (-115µm).

Les résultats des essais de fatigue, partiellement indiqués dans la Figure 4. 15, montrent une similitude entre les courbes obtenues pour les éprouvettes à une fixation et celles obtenues ici pour les éprouvettes à deux fixations, à iso-épaisseur serrée et à iso conditions de jeu radial. On remarque que pour les assemblages d’épaisseur totale de 6,35mm, et pour tout niveau d’interférence, le bénéfice obtenu par la prétension est significatif. L'amélioration des durées de vie obtenue est importante puisque le gain est de 49% à jeu nul, 35% à faible interférence et 19% à forte interférence. Les gains obtenus sont importants, en particulier lorsque la prétension passe de 5,9kN à 11,7kN. Les résultats montrent également que le bénéfice de la prétension diminue légèrement pour des assemblages avec faible ou forte interférence. Par ailleurs, les résultats expérimentaux indiquent que l’interférence améliore systématiquement la durée de vie, et ce quelle que soit la prétension appliquée. Ainsi, la durée de vie maximale est toujours obtenue à forte interférence et à forte prétension.

Les résultats de fatigue démontrent également une influence négligeable de la précharge sur la durée de vie en fatigue pour les assemblages dont l’épaisseur est égale à 25,4mm (Figure 4. 15). L’effet inverse a été constaté concernant l’effet de l’ajustement radial qui se révèle moins bénéfique pour les assemblages dont l’épaisseur est égale à 9,5mm ou 12,7mm.

Figure 4. 15 : Courbes de Wöhler pour les assemblages en double cisaillement composés de 2 fixations : effet de la précontrainte et de l’interférence

E/D=1, montage avec faible jeu E/D=4, montage avec faible jeu

E/D=1, montage avec faible interférence (-50μm) E/D=4, montage avec faible interférence (-50μm)

Les modes de rupture observés sont aussi identiques aux modes de rupture obtenus pour l’assemblage composé d’un boulon avec des ruptures au niveau de la section nette pour des niveaux de précharge faible (5,9kN) ou moyenne (11,7kN) et des ruptures décalées pour les niveaux de précharge élevés (17,6kN). Il est intéressant de constater que pour des fixations montées à jeu faible, une forte précharge permet de transmettre des charges extérieures sensiblement identiques pour des assemblages d'épaisseur totale égale à 15,9mm (AFI=155MPa) et des assemblages d'épaisseur totale égale à 25,4mm (AFI=185MPa). Ce résultat est important, car il montre clairement le gain de masse potentielle de l'assemblage monté avec une précharge importante.

4.4.2. Influence de l’épaisseur et de l’ajustement radial pour un assemblage à neuf fixations

La Figure 4. 16 définit les dimensions de l’assemblage considéré. Il est composé de neuf fixations de diamètre 6,35mm et de référence EN6115-K4 et de neuf écrous ASNA2531-4 ainsi que de 3 plaques : 2 d’épaisseur e (plaques externes) et 3e (plaque interne). Les distances au bord sont toujours choisies en accord avec les normes aéronautiques et le montage est réalisé avec mastic (Pr1779 classe B).. L’ordre du serrage a été défini suivant un protocole visant à minimiser les interactions élastiques entre les différentes fixations.

Figure 4. 16 : Assemblage à 9 fixations (dimensions en mm)

Trois définitions d’ajustement radial seront considérées : avec jeu de 10µm, avec faible interférence (50 µm) et avec forte interférence (115µm).

Les résultats de fatigue, partiellement indiqués dans la

Figure 4. 17, montrent des évolutions analogues à celles constatées pour les assemblages à une fixation et à deux fixations. Le gain en durée de vie est sensible lorsque l'on augmente la

prétention des fixations quelle que soit l'interférence radiale. L’amélioration de l’AFI est continuellement significative entre les différents paliers testés.

On note que pour ces assemblages d’épaisseur totale de 6,35mm et pour des ajustements à faible interférence, les gains restent importants : 20% pour une prétention moyenne (11,7kN) et 60% pour une forte prétention (17,6kN). Pour une forte interférence, les gains de l’ordre de 15% pour une prétension moyenne (11,7kN) et 22% pour une forte prétention (17,6kN).

Dans le cas des assemblages à 9 fixations comme pour les autres assemblages, la durée de vie maximale est toujours obtenue à forte interférence et à forte prétension.

On remarque que pour ces assemblages d’épaisseur totale de 25,4mm, et pour tout niveau d’interférence, le bénéfice obtenu par la prétension est quasi inexistant. Même si la comparaison s'effectue par rapport à une prétension appliquée de 5,9kN, les gains en durée de vie pour les prétensions à 17,6kN sont égaux à -2% à jeu nul et à faible interférence et à 3% à forte interférence.

En contrepartie, une nette amélioration des durées de vie est obtenue en appliquant une interférence radiale puisque pour 5,9kN, le gain est de 38% à faible interférence et de 49% à forte interférence par rapport à un assemblage à jeu nul.

Figure 4. 17 : Courbes de Wöhler pour les assemblages en double cisaillement composés de 9 fixations : effet de la précontrainte et de l’interférence

E/D=1, montage avec faible jeu E/D=4, montage avec faible jeu

E/D=1, montage avec faible interférence (-50μm) E/D=4, montage avec faible interférence (-50μm)

E/D=1, montage avec forte interférence (-115μm) E/D=4, montage avec forte interférence (-115μm)

Comme pour les assemblages à deux fixations, il est important de constater que pour une épaisseur totale égale à 25,4mm, l'AFI mesuré expérimentalement est égal à 121MPa pour un assemblage non préchargé et sans interférence. Avec les mêmes fixations et pour une épaisseur deux fois plus faibles (12,7mm), l'AFI mesuré expérimentalement est égal à 208MPa pour des fortes prétentions et augmente même jusqu'à 252MPa si les fixations sont en plus montées avec une forte interférence. Les effets combinés de la prétension et de l'interférence sont très importants, car ils permettent de transférer des charges extérieures en diminuant de moitié l'épaisseur des plaques avec ainsi un gain de masse très important.

Figure 4. 18 : Assemblage à 9 fixations d’épaisseur 12,7mm – exemple de rupture en section nette

Concernant les modes de rupture, on retrouve les mêmes tendances avec des modes de rupture en section nette pour des prétensions faibles ou moyennes (Figure 4. 18) et un mode de rupture légèrement décalé pour une épaisseur de l'assemblage de 12,7mm avec des fortes prétensions. Dès que l'épaisseur de l'assemblage devient plus importante, les fixations utilisées ne permettent pas d'appliquer une précharge suffisante et la rupture s'effectue également en section nette.

4.4.3. Synthèse des résultats en fonction de l'épaisseur des plaques

Les tests expérimentaux conduits sur les assemblages en double recouvrement avec 2 et 9 fixations montrent une influence négligeable de la précharge sur la durée de vie en fatigue pour les assemblages dont l’épaisseur est égale à 25,4mm. L’effet inverse a été constaté concernant l’effet de l’ajustement radial qui se révèle moins bénéfique pour les assemblages dont l’épaisseur est égale à 9,5mm ou 12,7mm.

Une campagne d'essais plus complète a été engagée pour des assemblages à deux fixations et à neuf fixations avec un diamètre de boulons fixé égal à D=6,35mm et des épaisseurs de plaques

évoluant de une fois le diamètre (1D) à quatre fois le diamètre (4D) : 1D, 1,5D, 2D, 2,5D, 3D, 3,5D et 4D. On rappelle que l'épaisseur totale des plaques correspond à cinq fois l'épaisseur des plaques extérieures (5e) (Figure 4. 6).

Pour chaque assemblage, les essais en fatigue ont été effectués pour trois cas de précontrainte : précontrainte faible (5,9kN), précontrainte moyenne (11,7kN) et précontrainte forte (17,6kN) et pour trois cas d'interférence : interférence avec jeu (jeu nul), faible interférence (50µm) et forte interférence (115µm), soit 9 cas au total.

La Figure 4. 19 représente le bénéfice sur l’AFI pour les différentes épaisseurs, les différents niveaux de précontrainte et différents niveaux d’ajustement des assemblages à 2 et à 9 fixations. Le bénéfice calculé pour une prétension donnée correspond au gain entre la valeur à forte interférence et la valeur à jeu nul. Le bénéfice calculé pour une interférence donnée correspond au gain entre la valeur à forte précharge (17,6kN) et la valeur à faible précharge (5,9kN). On peut remarquer que le gain réel de durée de vie entre un assemblage fortement préchargé et un assemblage à précharge nulle est alors toujours supérieur à celui calculé lors des expériences. La lecture s'effectue alors facilement à partir de la légende de la Figure 4. 19.

Un premier constat important est la similitude entre les graphes obtenus pour un assemblage à deux fixations et pour un assemblage à neuf fixations. Ce résultat semble indiquer que les tendances observées sont indépendantes du nombre de boulons et permet alors d'extrapoler les résultats obtenus à des assemblages à n fixations.

De manière générale, on observe que la prétention est très efficace pour des épaisseurs de plaques plus faibles et devient de plus en plus faible lorsque les épaisseurs de plaques augmentent. L'effet de l'interférence est inverse avec une influence plus faible à faible épaisseur et une influence importante pour des épaisseurs plus grandes. La valeur de l'épaisseur totale qui sépare l'inversion de l'influence entre la précontrainte et l'interférence se situe entre 2D et 2,5D. A partir de cette valeur de transition, pour une épaisseur totale des plaques supérieure ou égale à 3D, le gain en durée de vie entre un assemblage avec jeu et un assemblage à forte interférence se situe entre 50% et 70% quelle que soit la précontrainte dans les fixations. Pour une épaisseur totale faible (1D et 1,5D), le gain en durée de vie est beaucoup plus faible notamment lorsque les fixations sont préchargées. Le gain se situe entre 20% et 40% lorsque les fixations sont faiblement préchargées. Pour des valeurs moyennes d'épaisseur de plaques, l'influence de l'interférence est plus fluctuante (entre un gain légèrement négatif et 50%) même si l'on constate un gain toujours important à faible précontrainte.

Concernant l'influence de la prétension, le gain en durée de vie est beaucoup plus marqué pour les faibles épaisseurs de plaques avec des valeurs situées entre 20% et 50%. Les résultats précédents paragraphe 3-2 montrent que le gain par rapport à une précontrainte nulle se situe alors entre 30% et 70%. Les gains les plus importants sont obtenus pour des faibles interférences ce qui conduit à penser que pour les faibles épaisseurs de plaques, une faible interférence et une forte précharge conduit aux gains de durée de vie les plus importants. A partir d'épaisseurs plus grandes (supérieures ou égales à 3D), les gains en durée de vie dus à la prétension sont beaucoup plus faibles puisqu'ils varient entre un gain nul et un gain de 20%. Pour ces fortes épaisseurs, il est intéressant de remarquer une similitude presque étonnante

entre les assemblages à deux fixations et les assemblages à neuf fixations. Dans ce cas, le gain en durée de vie relatif à la précharge reste néanmoins significatif pour des fixations montées à faible jeu.

Figure 4. 19 : Influence de la prétension et de l’interférence en fonction de l’épaisseur

Les résultats obtenus sur l'influence de la précharge en fonction de l'épaisseur des plaques peuvent être expliqués facilement.

L'amélioration de la durée de vie sur les assemblages préchargés est principalement liée au transfert de la charge qui passe en partie par matage/cisaillement et en partie par frottement entre les plaques. L'augmentation de la précharge conduit alors à un transfert de plus en plus important de la charge par frottement entre les plaques. Cette proportion entre la charge transférée par frottement et par matage cisaillement a fait l'objet d'études [Alk1]. Elle dépend principalement du coefficient de frottement et du rapport entre la charge extérieure et la précharge appliquée.

Pour les expériences qui sont menées dans notre étude, la configuration industrielle impose d'utiliser des fixations de même diamètre pour les différents assemblages. Ainsi, les précharges appliquées pour les différentes épaisseurs de plaques sont identiques. Par contre, à contrainte dans la section nette égale, l'effort extérieur appliqué est proportionnel à l'épaisseur. Ainsi, plus l'épaisseur est grande et plus le rapport entre l'effort de précharge et l'effort appliqué est faible ce qui conduit logiquement, en considérant un modèle de Coulomb, à un rapport entre l'effort transféré par les plaques et l'effort appliqué plus faible.