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Résultats et apports des nouvelles analyses polliniques

Cécile Germain-Vallée

4. Résultats et apports des nouvelles analyses polliniques

La séquence pollinique Cairon 2016 couvre une période équivalente à celle de la séquence Cairon 2005, allant du Mésolithique récent au Néolithique récent (Figure 3). En revanche, la résolution temporelle et les seuils de comptages des nouvelles analyses nous permettent d’identifier des évolutions plus subtiles et rapides de la végétation, ainsi que des marqueurs d’anthropisation corrélables aux phases d’occupations du site archéologique (Figure 4).

Figure 3. Modèles d’âge réalisés sur Clam-R (Blaauw 2010) avec une interpolation linéaire des séquences organiques de Cairon 2005 et 2016.

Figure 4. Diagrammes polliniques simplifiés des séquences organiques de Cairon 2005 et 2006.

Zone pollinique 1 : Mésolithique récent (c. 5920-5510 cal. BC)

Comme sur le diagramme de Cairon 2005, les pourcentages de pollens arboréens sont élevés (aux alentours de 80%) et attestent de l’existence d’un couvert forestier dense dominé par le noisetier, puis le chêne et l’orme. Dans le fond de vallée ouvert et marécageux, une zone humide à Cypéracées bordée de prairies se développe.

Zone pollinique 2 : fin du Mésolithique récent et début du Néolithique ancien (c. 5510-5230 cal. BC) Les taux de pollens arboréens diminuent autour des 50% principalement à cause de la baisse de

Corylus. Les pourcentages de Cypéracées décroissent également alors que ceux des aquatiques

(principalement Sparganium-t.) augmentent beaucoup. Ces évolutions illustrent l’extension de la zone humide en fond de vallée qui témoigne du haut niveau de la nappe localement. Cette période correspond principalement à un hiatus pollinique dans le diagramme de Cairon 2005 dans lequel les pollens de Sparganium-t. sont absents sur l’ensemble de la séquence.

Zones polliniques 3 et 4 : Néolithique ancien (c. 5230-5070 cal. BC et c. 5070-4800 cal. BC)

Dans la zone pollinique 3 les taux d’aquatiques diminuent alors que ceux des Ptéridophytes et des Asteroideae augmentent. Dans la zone pollinique 4, les taux d’aquatiques continuent à diminuer alors que ceux de Corylus, Alnus et Salix augmentent. La zone humide se rétracte ce qui témoigne d’un abaissement du niveau de la nappe. Ses abords sont colonisés par les herbacées de prairies et les fougères, puis dans un deuxième temps par la végétation arbustive pionnière. Sur le diagramme de Cairon 2005 cette période correspond à l’apparition et l’essor des pollens de Phragmites (qui n’ont pas été distingués lors des comptages de Cairon 2016) et à l’augmentation des taux de Cypéracées. Ces données ont au contraire été interprétées comme des indices d’extension de la zone humide (Lespez et al. 2005).

Zone pollinique 5 : fin du Néolithique ancien et début du Néolithique moyen I (c. 4800-4470 cal. BC) Les taux de pollens arboréens diminuent légèrement (autour de 70%) à cause de la baisse des pourcentages de Alnus et Corylus, alors que ceux des Cypéracées augmentent beaucoup et ceux des aquatiques légèrement (principalement Sparganium-t. qui atteint 5%). L’essor des herbacées hygrophiles témoigne d’une extension de la zone humide dans laquelle les zones d’eau libres où poussent les plantes aquatiques sont moins présentes en comparaison de ce qui a été observé dans la zone pollinique 2. Ces évolutions de la végétation attestent d’une hausse du niveau de la nappe moins importante ou équivalente à la précédente, car il se peut également que l’exhaussement de la tourbière depuis le début du Néolithique ait influé sur l’évolution du milieu. Sur la séquence de Cairon 2005, cette période correspond à un essor des pourcentages de Ptéridophytes, Poacées et

Corylus, interprété comme des indices d’assèchement du milieu (Lespez et al. 2005).

Zone pollinique 6 : Néolithique moyen I et début du Néolithique moyen II (c. 4470-4079 cal. BC) Les pourcentages de Cypéracées diminuent légèrement, ceux des aquatiques beaucoup et ceux de

Alnus augmentent un peu. Les taux de rudérales et de Poacées augmentent, alors que la courbe

des Cichorioideae devient continue. Ces dynamiques témoignent d’une nouvelle évolution de l’environnement du fond de vallée vers des conditions plus sèches et de l’essor des prairies. Dans la sous zone pollinique 6a les taux de Corylus diminuent légèrement, et des occurrences de

Plantago lanceolata apparaissent. Ces indices d’anthropisation qui suggèrent le développement

de l’élevage aux alentours du fond de vallée sont corrélables à la phase d’occupation cultuelle du site de Cairon datée du Néolithique Moyen I (c. 4400 cal. BC). Dans la sous zone pollinique 6b les premières occurrences de céréales apparaissent et les pourcentages de Corylus diminuent de manière plus prononcée. En plus de l’élevage, la céréaliculture est pratiquée aux abords du vallon au cours de cette période qui correspond à la phase d’occupation domestique du site de

Cairon datée à la limite entre le Néolithique Moyen I et II (c. 4200-4000 cal. BC). Les défrichements qui touchent principalement le noisetier entraînent une ouverture du couvert forestier un peu plus importante que lors de la période précédente. Comme sur la séquence de Cairon 2016, sur celle de Cairon 2005 les pourcentages de rudérales, Poacées et Cichorioideae augmentent, alors que ceux de Corylus diminuent. En revanche, aucun pollen de céréales et de Plantago lanceolata n’a été observé. Les pourcentages de Ptéridophytes sont beaucoup plus élevés et les taux de pollens arboréens nettement plus bas. Si des indices d’anthropisation pour cette période avaient déjà pu être observés, ils étaient plus ténus, et ne montraient pas d’évolution des pratiques agropastorales corrélables aux différentes phases d’occupation du site.

Zone pollinique 7 : Néolithique moyen II et début du Néolithique récent (c. 4079-3450 cal. BC)

Les pourcentages d’Alnus connaissent des variations importantes, avec une alternance d’augmentation et de diminutions brutales. Une aulnaie envahit le fond de vallée à la suite de l’abandon probable de l’habitat domestique de Cairon (c. 4000 cal. BC) et va connaître deux périodes de défrichements importants. Les premiers défrichements (sous zone pollinique 7b) se produisent autour de l’époque de la construction du monument funéraire de Cairon, vers 3900 cal. BC. Les rudérales, Plantago lanceolata et les herbacées de prairies sont toujours bien représentés dans le diagramme. Les sous zones polliniques 7d et 7e présentent des occurrences de pollens de céréales, et montrent un essor important des Ptéridophytes. La sous zone 7d montre une diminution des taux de pollens arboréens liée à la baisse importante de Corylus et Alnus, alors que ceux des herbacées augmentent. Les indicateurs polliniques d’anthropisation présents en continu attestent de la continuité des pratiques agricoles dans des secteurs relativement proches du fond de vallée. En revanche, les cultures céréalières ne sont attestées par les données polliniques que suite à la deuxième phase de défrichement de l’aulnaie (sous zone pollinique 7d) au cours de laquelle l’ouverture du couvert forestier est la plus importante. Cette période est aussi marquée par l’essor des fougères qui suggère la multiplication des espaces en friches (Lespez et al. 2005). L’ensemble de ces données peut témoigner de l’intensification des pratiques agricoles et de l’essor de l’emprise territoriale des populations du secteur au cours du Néolithique moyen II. Sur la séquence Cairon 2005, les taux d’Alnus augmentent aussi au cours du Néolithique moyen II, mais les phases de défrichement de l’aulnaie sont moins visibles et les indicateurs polliniques d’anthropisation très peu marqués.

4. Dynamiques environnementales et impact de l’anthropisation au Néolithique dans le