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résultats des enquêtes entomologiques faites en Ethiopie en 1962 (Sérié et al, 1968).

Aedes africanus se rencontre dans la forêt à une hauteur supérieure à 18 mètres ce qui ne

l’empêche pas de s’attaquer à l’homme au niveau du sol. Sa population augmente avec la chaleur. Il est influencé par le vent puisqu’il est impossible de le rencontrer au-delà de 18 mètres en présence d’un vent modéré. Ses gîtes larvaires sont les creux des arbres situés dans la forêt ou parfois dans le village de Manéra.

Aedes aegypti n’est collecté qu’à trois reprises sur les 120000 moustiques capturés. Aucun Aedes aegypti n’est trouvé à l’état adulte dans le village de Manéra. Par contre, les larves sont

en nombre considérable dans les récipients en terre cuite et les couvercles des bidons d’essence. Dans la vallée de Chouchouma, ce moustique semble zoophile, comme Haddow a pu le constater en Ouganda (1944).

Le genre Eretmapodites représente une fraction importante de la faune culicidienne (32%), avec comme groupe le plus répandu, celui des Chrysogaster. Leurs gîtes sont constitués des feuilles mortes au niveau du sol. Cette espèce a donc besoin de pluie pour se développer. La pratique de chasses quotidiennes, de 18 à 20 heures sur des plates-formes installées à 10, 18 et 29 mètres, a permis d’appréhender la distribution verticale de quatre espèces de moustiques : Eretmapodites au ras du sol, Aedes africanus à 18 m, Aedes luteocephalus et

Aedes furcifer à 30 m au niveau de la voûte des arbres (graph. 2). Une comparaison de la

distribution horizontale est aussi établie pour quatre espèces, différentes des précédentes.

Aedes dentatus et Aedes cumminsii sont plus nombreux en lisière de forêt tandis qu’Aedes tarsalis et le genre Eretmapodites préfèrent à l’intérieur de la forêt (graph. 3). Les résultats

des chasses menées sur 24 heures objective bien la répartition des différentes espèces de moustiques dans le temps en fonction de leur activité. Aedes africanus au même titre qu’Aedes furcifer et Aedes luteocephalus possède un pic unique d’activité entre 18 et 20 heures. Par opposition, Anopheles gambiae semble être essentiellement nocturne.

Ces travaux s’achèvent par des tentatives d’isolement du virus (Sérié et al, 1968). Trois cents soixante sept lots sont ainsi constitués à partir de 52000 moustiques. Une fois broyés et mélangés à une solution d’ovalbumine, ils sont inoculés à des souriceaux nouveau-nés. 12 souches amariles sont ainsi isolées à partir d’Aedes simpsoni, une à partir d’Aedes africanus et une à partir d’Aedes dentatus (chez qui le virus amaril est isolé ici pour la première fois dans la nature). Chez le genre Eretmapodites, pourtant suspecté comme un vecteur potentiel de la fièvre jaune dans la région en raison de son abondance, aucune souche amarile n’a pu être isolée.

Graphique 2: distribution verticale des espèces, Ethiopie, 1961-1962 (Neri et al , 1968).

Graphique 3: distribution horizontale des espèces, Ethiopie, 1961-1962 (Néri et al, 1968). La zone A est située en lisière de forêt, la zone B, à l’intérieur de la forêt.

Les nombreuses informations recueillies, en particulier à la station de Manéra, permettent de mieux cerner les caractères de cette épidémie (Sérié et al, 1968). C’est une épidémie de type rural qui a affecté essentiellement les villages en raison de la biologie du vecteur. Son intensité a varié selon les régions. Dans la vallée de l’Omo, l’épidémie a été massive, transmise par Aedes simpsoni dont l’efficacité est comparable à celle d’Aedes aegypti dans les villes. Dans la vallée de la Didessa, l’épidémie a pris un caractère sporadique du fait de la végétation rabougrie (quelques arbustes, aucune plantation), de la population nomade et de l’absence de vecteur inter-humain. Chaque cas sporadique correspond à un cas de fièvre jaune selvatique où le vecteur sauvage Aedes africanus pique directement l’homme comme cela a été décrit en Amérique du Sud avec Haemongus spegazzini. L’application des principes établis par Haddow en 1945 a permis d’établir le mode de diffusion du virus Le moustique

Aedes africanus et le singe Colobus abyssinicus sont les relais selvatiques essentiels qui ont

permis la propagation de l’infection le long des cours d’eau, recouverts de galeries forestières. L’épidémie est ensuite « sortie » de ces galeries selon le lien qui s’est établi entre la forêt et le village. Les babouins qui dorment dans la forêt et qui se nourrissent dans les plantations constituent l’élément de liaison le plus probable. Le relais se fait ainsi entre le babouin et l’homme par Aedes simpsoni, la transmission inter-humaine apparaissant limitée au vu du rayon d’action de ce moustique. L’irrégularité de l’épidémie selon les villages s’explique par l’irrégularité des sorties des singes eux-même infectés de façon sporadique. L’hypothèse selon laquelle un homme contaminé dans la forêt soit la cause d’une épidémie de village est peu probable car les règles religieuses et les superstitions locales interdisaient aux hommes d’y pénétrer.

Enfin, l’origine de l’épidémie demeure un mystère même s’il semble y avoir eu un épicentre épidémique sur la rivière Omo. Le virus a pu se propager en Ethiopie à partir du Soudan par une zone relativement étroite dépourvue de barrières. Sur le reste du Sud-Ouest éthiopien, s’étend tout le long de l’Omo une bande désertique de sable infranchissable pour le moustique. Les chauves-souris, en particulier le genre Epomorphus migrateur, pourraient aussi avoir été à l’origine de l’infection de la rivière Omo. Toutes sortes d’ hypothèses ont été avancées sans jamais avoir été très concluantes.