• Aucun résultat trouvé

l’information statistique sur les durées de scolarisation envisagées.

Introduction

Alors que nous avons vu dans le chapitre précédent que le J-PAL fonctionnait comme une

entreprise à la stratégie promotionnelle et organisationnelle bien rôdée, quelles étaient ses

caractéristiques, ses forces et ses failles méthodologiques, nous nous intéressons désormais à

une évaluation aléatoire répertoriée parmi celles du J-PAL et menée à Madagascar.

En effet, le programme qui y a été testé présente un intérêt particulier car serait le plus

coût-efficace parmi tous les programmes testés sur le continent africain. Pourtant, ce programme

portant sur l’introduction d’information aux parents d’élèves malgaches sur les rendements de

l’éducation ne tient pas une place importante dans la stratégie promotionnelle du J-PAL,

contrairement au programme moins coût-efficace de déparasitage des élèves kényans mais

bien plus médiatique. Nous avons jugé bon d’analyser en détail cette étude d’impact, en

décrivant au cours d’une première sous-section sa mise en œuvre et ses résultats trouvés.

Nous nous sommes inspirés de cette étude pour élaborer une méthodologie d’enquête par

questionnaire auprès des parents d’élèves malgaches, afin de recueillir des données sur leur

estimation des revenus liés aux différents niveaux de diplômes scolaires. Une deuxième

sous-section aborde alors le choix méthodologique opéré, les hypothèses liées et la mise en œuvre

de notre enquête réalisée aux mois de juin et juillet 2015 à Madagascar. Une troisième

sous-section donnera lieu aux résultats sous forme de statistiques descriptives. Enfin, la dernière

sous-section permettra de comparer nos résultats obtenus par une méthodologie moins lourde

que celle des évaluations aléatoires, par rapport à ceux obtenus par l’auteure de l’étude, Trang

Nguyen, et d’en tirer quelques enseignements conclusifs comme le fait que l’information

statistique sur les rendements de l’éducation peut inciter les parents à vouloir scolariser plus

longtemps leurs enfants.

119

3.1 Le programme en question du J-PAL à la base de notre enquête.

3.1.1 La découverte étonnante d’un programme très coût-efficace du J-PAL

mené à Madagascar.

Dans le chapitre précédent, nous avions présenté les résultats du programme AGEMAD : si

un impact positif avait été relevé au niveau le plus intensif de l’intervention (CISCO, ZAP et

écoles), l’impact restait modéré au regard du coût qu’il nécessitait. Le programme n’a

d’ailleurs pas été généralisé comme il était souhaité, faute de moyens budgétaires d’après les

entretiens menés. De plus, le J-PAL qui calcule pour la plupart des évaluations d’impact un

ratio de coût-efficacité, faisait paraître sur son ancien site internet que le programme

AGEMAD, comme l’indique le Graphique n°5 ci-dessous, n’était pas coût-efficace : pour

100 $ dépensés, aucune journée supplémentaire de présence des enseignants n’est enregistrée.

La raison principale donnée est qu’une grande partie des absences serait incompressible, car

liées aux conditions de paiement des salaires qu’il faudrait revoir pour augmenter la présence.

Graphique n°5

Mesure du J-PAL de la coût-efficacité du programme AGEMAD

Source : graphique extrait de l’ancien site internet du J-PAL : <http://www.povertyactionlab.org/policy-lessons/education/teacher-attendance-incentives>, consulté le 13/01/2016.

120

La cinquième barre pour Madagascar, « community monitoring », c’est-à-dire la gestion de la

communauté scolaire à travers les incitations que peuvent représenter les outils distribués, fait

en effet état d’aucune efficacité en termes d’assiduité supplémentaire des enseignants, tout

comme certains autres programmes. On note cependant, et de manière surprenante, que le

programme le plus coût-efficace selon le J-PAL est obtenu pour un programme au Kenya où

pour 100 $ dépensés, le nombre de jours additionnels de présence serait infini... Qu’est-ce que

cette mesure peut bien vouloir signifier et a-t-elle une interprétation scientifique plausible ?

Depuis que le site internet du J-PAL a été rénové à la mi-janvier 2016, ce graphique n’y

figure plus. Avec le même type de graphique mais avec comme objectif l’augmentation de la

participation scolaire des élèves, c’est le programme d’information aux parents d’élèves

malgaches sur les rendements de l’éducation qui s’avère le plus coût-efficace en Afrique selon

le Graphique n°6 suivant. Pour 100 $ dépensés, 20,7 années supplémentaires de

fréquentation scolaire sont enregistrées : ce résultat est très intéressant.

Graphique n°6

Mesure du J-PAL de la coût-efficacité du programme d’information aux

parents d’élèves malgaches sur les rendements de l’éducation

Source : graphique extrait de l’ancien site internet du J-PAL : <http://www.povertyactionlab.org/policy-lessons/education/student-participation>, consulté le 13/01/2016.

121

D’autant plus intéressant qu’il est obtenu pour Madagascar, pays pour lequel est souvent

pointée une grande faiblesse de la demande d’éducation, mais aussi le fait que ce programme

est le plus coût-efficace parmi tous ceux menés par le J-PAL ayant eu pour objectif

l’amélioration de la fréquentation scolaire, donc de la demande d’éducation. En effet, même si

cela n’apparaît pas dans le graphique précédent puisque valable que pour le continent africain,

les autres graphiques visibles sur l’ancien site internet du J-PAL concernant l’Asie du Sud et

l’Amérique latine faisaient état que les programmes les plus coût-efficace pour ces régions

étaient situés en Inde et en République dominicaine, avec respectivement 2,7 et 3,1 (rabaissé à

0,24 sur le nouveau site) années de scolarisation supplémentaires, soit bien moins que pour le

programme réalisé à Madagascar. Ce programme, dont nous allons nous intéresser plus en

détail dans la sous-section suivante, se trouve être même plus coût-efficace que le programme

phare du J-PAL, le déparasitage des élèves au Kenya qui n’obtient « que » 13,9 années

supplémentaires de fréquentation scolaire, et dont l’étude a été réalisée par Miguel et Kremer

(2004). Celle-ci mesurait que les vermifuges permettaient une diminution de 25% de

l’absentéisme scolaire des élèves kényans, résultat maintes fois mis en avant dans tous les

livres grand public du J-PAL et qui lui a permis de capitaliser abondamment dessus afin de se

faire connaître et soutenir la stratégie promotionnelle que nous caractérisions dans le Chapitre

2. Ainsi donc, une évaluation d’impact menée à Madagascar bien plus coût-efficace que celle

menée au Kenya mais peu mise en avant, point paradoxal, a suscité chez nous une grande

curiosité, au point que nous cherchions à savoir dans les sous-sections suivantes en quoi a

consisté cette étude et quels résultats ont été obtenus.

3.1.2 Les hypothèses liées à l’évaluation aléatoire menée à Madagascar.

L’étude de Nguyen (2008), qui évalue le programme d’information sur les rendements de

l’éducation auprès des parents d’élèves malgaches, s’intitule « Information, Role Models and

122

pas été publié, il apparaît seulement sur le site internet du J-PAL en tant que document de

travail

75

, et a été écrit par Trang Nguyen, doctorante

76

en économie au MIT au moment de

l’étude. Ces deux éléments expliquent peut-être pourquoi cette étude a peu fait parler d’elle,

bien que très coût-efficace, et n’a pas eu toute la publicité que certaines autres ont pu avoir,

publiées dans des revues cotées et écrites par des figures du J-PAL. À noter que les conseillers

qu’elle remercie dans son papier sont notamment Esther Duflo et Abhijit Banerjee, et que

ceux-ci font référence à son papier dans leur ouvrage « Repenser la pauvreté » (2012), tout

comme Kremer, Brannen et Glennerster (2013) écrivent dans leur article qu’en termes d’accès

à l’éducation, l’étude de Nguyen (2008) met en évidence une augmentation de la participation

scolaire pour un coût très faible. Trang Nguyen, qui a aussi fait partie des auteurs de l’article

paru en 2010 sur le programme AGEMAD que nous avons développé dans le chapitre

précédent, travaille aujourd’hui à la Banque mondiale, en tant qu’économiste senior.

Concernant l’étude sur les rendements de l’éducation qu’elle a menée à Madagascar, elle est

partie du postulat selon lequel les ménages malgaches ont une information imparfaite sur les

gains associés aux différents niveaux d’éducation (primaire, collège, lycée). On peut

d’ailleurs supposer que même pour les ménages des pays développés il est difficile d’associer

précisément un niveau de revenu à un niveau d’éducation atteint, et que l’information est la

plupart du temps imparfaite, mais dans des proportions différentes. Du postulat de l’auteure,

posé grâce à quelques références théoriques présentes en bibliographie et grâce à l’étude

similaire menée en République dominicaine par Jensen (2010), professeur affilié au J-PAL, il

en découle que les parents d’élèves choisissent de faire peu scolariser leurs enfants s’ils

pensent que les rendements de l’éducation sont faibles. L’hypothèse assez simple formulée

75

Accessible à <https://www.povertyactionlab.org/sites/default/files/documents/Nguyen%202008.pdf>, consulté le 4/02/2016.

76

Sa thèse soutenue en 2008 au Département d’Économie du MIT s’intitule « Education and Health Care in Developing Countries », et était écrite sous la forme de trois chapitres : un 1er sur le programme d’information

des rendements de l’éducation à Madagascar, un 2ème

sur le programme AGEMAD et un 3ème sur les incitations

contre la corruption dans les soins de santé au Vietnam. Ella avait comme Directeurs de thèse Esther Duflo et Abhijit Banerjee, et son Comité de thèse était composé d’Esther Duflo, Abhijit Banerjee et Tavneet Suri.

123

alors par Trang Nguyen est qu’améliorer la perception des rendements liés à l’éducation chez

les parents qui les sous-estimaient au départ renforce les incitations à scolariser plus

longuement leurs enfants. En d’autres termes, il s’agirait donc de résoudre le problème de

l’imperfection de l’information au niveau des parents d’élèves, plus ou moins bien informés

sur ce que rapporte chaque niveau scolaire en termes de revenus futurs, en leur apportant de

l’information, même si elle n’est pas parfaite non plus, de manière à ce qu’ils puissent réviser

leurs estimations de rendements, ramenées plus près de la réalité, et donc prendre les bonnes

décisions concernant la durée de scolarisation de leurs enfants. Cette hypothèse d’information

imparfaite formulée ne rejoint pas celles du modèle néoclassique, où les agents sont supposés

rationnels, ne se trompent pas et prennent les bonnes décisions dans le but de maximiser leur

utilité, le tout dans un cadre d’information parfaite. Car ce que le postulat de l’auteure

implique, c’est que les ménages malgaches n’ont pas un bon niveau d’information, ne peuvent

pas faire de bonnes prévisions et prennent donc les mauvaises décisions concernant la durée

de scolarisation de leurs enfants.

Autre hypothèse dans cette étude, c’est celle liée à l’amélioration du capital humain grâce à

la scolarisation. Même s’il n’y est fait qu’une seule fois référence dans la configuration du

modèle de l’auteure, nous la développons un peu plus car elle devrait être au cœur de l’étude.

Au sens de la théorie économique du capital humain, plus on va loin dans sa scolarisation,

plus on acquiert de connaissances et de compétences, plus on obtient de diplômes, et plus les

revenus futurs seront élevés. La chaîne de causalité qui est alors défendue est la suivante :

plus on investit dans l’éducation donc dans le capital humain, plus on en accumule, plus on

sera efficace et productif, plus on aura de chances de se faire embaucher une fois sur le

marché du travail, pour un travail susceptible d’être d’autant plus qualifié, et donc rémunéré.

Si l’on se situe ensuite au niveau macroéconomique, plus le niveau d’éducation d’un pays est

élevé, plus il dispose d’un niveau élevé de capital humain, plus cela améliore sa fonction de

124

production (capital physique et capital naturel égaux par ailleurs) et donc la croissance de son

produit intérieur brut (PIB). Ces compléments théoriques aux niveaux individuel et agrégé sur

les mécanismes liés à plus d’éducation nous paraissent utiles, puisque Trang Nguyen postule

qu’étudier plus implique de gagner plus et que les rendements perçus de l’éducation chez les

parents malgaches sont sous-estimés, qu’il y a moyen de mieux les connaître en introduisant

de l’information : c’est sur cette base qu’elle souhaite vérifier que l’information fournie sous

différentes formes renforce les incitations à faire scolariser plus.

3.1.3 Les types d’intervention mis en place dans l’évaluation d’impact de

Trang Nguyen pour mieux percevoir les rendements de l’éducation.

Pour pouvoir apporter de l’information aux parents d’élèves sur les rendements de

l’éducation en termes de revenus futurs, trois niveaux d’intervention ont été choisis. Un

niveau quantitatif où les professeurs indiquaient pendant vingt minutes aux parents et enfants

les statistiques

77

nationales des revenus moyens à 25 ans d’un (et d’une) Malgache pour

chaque niveau d’éducation (sans diplôme, primaire complet avec obtention du CEPE, collège

complet avec obtention du brevet d’études du premier cycle de l’enseignement secondaire

(BEPC), lycée complet avec obtention du bac), le pourcentage de gain procuré par chaque

niveau d’éducation par rapport au précédent et les emplois occupés pour chaque niveau

d’éducation, et finissaient par leur distribuer une feuille récapitulant ces informations. Un

autre niveau plus qualitatif où 72

78

intervenants extérieurs, éduqués et venant de milieux

pauvres et riches, venaient présenter pendant vingt minutes leur milieu d’origine, leur

parcours scolaire réussi et leur emploi occupé, lors d’une réunion auprès des parents et de

leurs enfants. Un dernier niveau combinant les deux niveaux d’intervention précédents, avec

les statistiques indiquées suivies du discours des intervenants. Concernant l’expérimentation

77

Les statistiques fournies provenaient de l’Enquête Périodique auprès des Ménages (EPM) 2005 (INSTAT, 2006). L’information fournie ne discrimine pas les revenus en milieu rural et les revenus en milieu urbain, alors qu’elle s’adresse à des ménages vivant en milieu rural : nous revenons sur ce point dans les limites de l’étude.

78

Dont 15 femmes. Ils ont tous été recrutés par le MENRS un mois avant l’intervention et ont reçu de la part de l’UNICEF une formation de deux jours pour pouvoir s’entraîner aux compétences de communication requises.

125

initiée en février 2007 avec le concours du Ministère de l’Education Nationale et de la

Recherche Scientifique (MENRS), de l’AFD, de la Banque mondiale et de l’UNICEF, 640

EPP accessibles de 16 CISCO furent sélectionnées en zone rurale avec l’aide du MEN et

réparties aléatoirement dans huit groupes de 80 écoles, dont la composition fut la suivante : un

1

er

groupe témoin (TG0) ne recevant aucune intervention, un 2

ème

groupe ne recevant que les

statistiques, un 3

ème

groupe où les intervenants venaient d’un milieu où les revenus étaient

faibles et qui ont finalement réussi à atteindre des revenus moyens, un 4

ème

groupe où les

intervenants venaient d’un milieu où les revenus étaient faibles et qui ont finalement réussi à

atteindre des revenus élevés, un 5

ème

groupe où les intervenants venaient d’un milieu où les

revenus étaient élevés et qui ont gagné par la suite des revenus élevés, un 6

ème

groupe recevant

les statistiques et les intervenants du même type que ceux du 3

ème

groupe, un 7

ème

groupe

recevant les statistiques et les intervenants du même type que ceux du 4

ème

groupe, et enfin un

8

ème

groupe (TG7) recevant les statistiques et les intervenants du même type que ceux du 5

ème

groupe. Le Tableau n°3 ci-dessous résume la composition des huit groupes décrits.

Tableau n°3

Composition des différents groupes de l’expérimentation

No RM

Role Model Treatment

Type LM Type LH Type HH

No statistics

TG0 : 80 schools TG2 : 80 schools TG3 : 80 schools TG4 : 80 schools

Statistics

TG1 : 80 schools TG5 : 80 schools TG6 : 80 schools TG7 : 80 schools Note : RM pour Role Model, c'est-à-dire le traitement à base d’intervenants. LM (low to medium) pour le type d’intervenant issu d’un milieu à faibles revenus et qui a finalement réussi à atteindre des revenus moyens, LH (low to high) pour faibles revenus et devenus élevés, et HH (high to high) pour revenus élevés et restés élevés.

Source

:

Nguyen, T. (2008). Information, Role Models and Perceived Returns to Education : Experimental Evidence from Madagascar. Working Paper, MIT.

Ainsi à la lumière des traitements reçus par chaque groupe, les questions de recherche de

l’auteure portaient sur le fait de savoir si les rendements perçus des différents niveaux

d’éducation par les ménages étaient différents des rendements réels estimés, et le cas échéant

de savoir si c’est en raison d’une hétérogénéité ou d’une information imparfaite, mais aussi

126

comment les ménages révisaient leurs prévisions suite à la présentation des statistiques et/ou

du discours des intervenants, et comment les enfants ajustaient leurs efforts en réponse au

changement de perception des rendements de leurs parents. Pour tenter d’y répondre, elle

commença en novembre 2006, avant l’expérimentation de février 2007, par conduire une

enquête pilote, avec le MENRS et l’UNICEF, auprès de parents en milieu rural afin qu’ils

estiment les revenus mensuels moyens en fonction de chaque niveau d’éducation, pour un

Malgache de 25 ans d’une part, et pour leur propre enfant d’autre part avec le type d’emploi

estimé (activité primaire, secteur privé/commerce, secteur public) associé au revenu qu’il

pourrait gagner à 25 ans. De cette mesure peut ainsi être calculé par exemple le rendement

perçu (en pourcentage) du lycée par rapport au collège, issu de la différence entre le revenu

estimé (à 25 ans) pour un niveau lycée et le revenu estimé pour un niveau collège, divisée par

le revenu estimé pour un niveau collège. Quant aux élèves des classes du grade 4 (niveau

CM1) des 640 écoles sélectionnées, ils avaient passé un premier test basé sur celui du PASEC

en février 2006 (quand ils étaient en CE), puis un second en juin 2007, pour voir s’il y a eu un

impact notable dans leurs résultats suite aux différentes interventions introduites en février

2007. À noter que les écoles de l’expérimentation étaient toutes couvertes par AGEMAD, le

programme que nous décrivions dans le chapitre précédent, et que le premier, et le second test

(passé dans le cadre de l’étude de Trang Nguyen) sont les mêmes que ceux passés par les

écoles AGEMAD. Les écoles reçoivent donc deux traitements simultanément, AGEMAD

plus celui assigné dans le cadre de la présente expérimentation, ce qui peut mutuellement

renforcer l’effet de l’un sur l’autre, d’où un biais potentiel important : les résultats que l’on va

décrire dans la sous-section suivante seraient-ils aussi positifs si l’expérimentation avait été

menée dans des écoles non AGEMAD ? L’auteure indique en tout cas, après avoir mené un

test, qu’il n’y a pas eu d’interaction entre les deux programmes.

127

Comme l’objectif de l’étude est de faire prendre conscience aux parents des véritables

rendements de l’éducation, et qu’ils anticipent mieux les revenus que leurs enfants pourraient

percevoir plus tard, cela revient finalement à essayer de les rendre plus long-termistes. Mais

dans un Etat fragile tel que Madagascar, soumis régulièrement à des chocs de différentes

natures (politique, économique et environnementale avec cyclones, sécheresses, inondations,

invasions de criquets), il est forcément difficile pour les ménages de bien anticiper les revenus

futurs de leurs enfants et d’investir à bon escient dans l’éducation alors que les contraintes de

budget sont fortes, que les bénéfices associés demeurent incertains et éloignés (entre 10 et 20

ans). Ainsi, pour les ménages d’un PMA, avoir une vision de long terme est difficile quand il

y a de l’information imparfaite et de nombreux chocs qui modifient sans cesse les trajectoires

de résilience, et il n’est peut-être pas si irrationnel que cela d’être court-termiste. D’autant

plus avec un Etat faible dont les politiques de protection (sécurité sociale) et de redistribution

sont mal ciblées ou inexistantes (Razafindrakoto & Roubaud, 2005). Quels pourront être les

revenus mensuels moyens dans quinze ans à Madagascar compte tenu des chocs ? Pires,

meilleurs ou identiques à aujourd’hui sachant que le PIB par habitant a diminué depuis 2008 ?

Vouloir faire de la planification en aidant les ménages à mieux anticiper et décider peut donc

s’avérer aléatoire, même si cela va dans leur intérêt.

Documents relatifs