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Résultats empiriques

Dans le document Consommation, épargne et investissement (Page 24-30)

Il est important de noter dès le départ que les insuffisances des données rendent difficiles l’analyse empirique des déterminants du comportement de la consommation et de l’épargne dans les pays en développement. En pra-tique, l’épargne est mesurée comme un résidu et est confrontée aux pro-blèmes de classification, d’évaluation et de mesure. Par exemple, les données de l’épargne publique incluent celles desentreprises publiques ; dans d’autres pays, l’épargne des entreprises publiques est incluse dans celle du secteur

privé. Néanmoins, les données suggèrent plusieurs régularités. En particulier, les taux d’épargne varient considérablement dans les régions du monde en développement. Les données compilées par Edwards (1996c) indiquent que, sur la période 1983-92, le taux d’épargne privé était de 15,6% en Afrique, 20,2% en Asie et 13,8% en Amérique Latine. Sur la période que Edwards considère, le taux d’épargne était de 21,3% pour les pays industrialisés.

Comme on l’a noté précédemment, une implication importante de l’hypo-thèse HRP est que les variations du revenu transitoire sont (dés-) épargnées et les variations permanentes consommées. Comme Agénor et Montiel (1999, Chapitre 3) le montrent, il y a certaines indications en faveur de cette hypo-thèse. Plusieurs études empiriques ont montré que la propension à consommer le revenu permanent est supérieure à la propension à consommer le revenu courant. Ceci est compatible avec l’hypothèse HRP. Cependant, dans le même temps, l’élasticité de la consommation par rapport au revenu permanent n’est pas égale à l’unité, la propension à consommer le revenu transitoire n’est pas non plus égale à zéro. L’étude plus récente de Loayza, Schmidt-Hebbel et Servén (1999) a confirmé ces résultats. Singulièrement, les résultats pour les pays industrialisés et les pays en développement suggèrent qu’il existe une corrélation très forte entre le revenu courant et la consommation ; la forme stricte de l’hypothèse HRP ne peut pas expliquer cette relation.

Outre l’étude de Loayza, Schmidt-Hebbel et Servén (1999), d’autres études récentes des déterminants de l’épargne dans les pays en développement ont été effectuées : Masson et al. (1995), Hadjimichael et Ghura (1995), Edwards (1996), et Dayal-Gulati et Thimann (1997).

L’etude de Masson, Bayoumi et Samiei (1995) a porté sur 64 pays en développement sur la période 1970-93. Leurs résultats indiquent que :

• une augmentation de l’épargne publique tend à être associée à une épargne nationale plus élevée, suggérant la validité de l’équivalence ri-cardienne ;

• une baisse du ratio de dépendance augmente substantiellement l’é-pargne privée ;

• des augmentations du revenu par tête accroissent le taux d’épargne privée ;

• des variations destaux d’intérêt réels n’ont aucun effet significatif sur l’épargne privée ou nationale ;

• des augmentations de l’épargne étrangère (mesurée par le déficit du compte courant) affectent négativement l’épargne nationale ; cepen-dant, la compensation n’est que partielle (estimée entre 40 à 50%), suggérant qu’une disponibilité accrue du financement extérieure favo-rise à la fois une consommation et un investissement plus élevés ;

• les fluctuations des termes de l’échange ont un effet positif, mais tran-sitoire, sur l’épargne nationale.

Hadjimichael et Ghura (1995) ont utilisé un panel de 41 pays d’Afrique Sub-saharienne sur la période 1986-92 pour examiner l’efficacité des poli-tiques publiques de stimulation de l’épargne privée et de l’investissement.

Ils ont trouvé que des politiques qui maintenaient l’inflation à un niveau bas, réduisaient l’incertitude macro-économique, promouvaient le

développe-ment financier et augmentaient significativement l’épargne publique se

tra-duisaient par une augmentation des taux d’épargne nationale. Ils ont aussi trouvé qu’une réduction significative de la charge de la dette extérieure augmentait l’épargne nationale - certainement à cause de la réduction des anticipations de futurs impôts, comme on l’a souligné plus haut.

Edwards (1996c) a étudié les déterminants de l’épargne sur un groupe de 25 pays en développement et 11 pays industrialisés sur la période 1970-92.

Ses résultats montrent un effet significatif des variables suivantes sur les taux d’épargne privée :

• le taux de croissance du revenu par tête ;

• le ratio de monétisation, qui est semblable à l’indicateur d’appro-fondissement financier défini plus haut ;

• l’épargne étrangère (mesurée encore par le déficit du compte courant), avec un coefficient négatif inférieur à l’unité - suggérant que l’effet d’é-viction de l’épargne extérieure n’est pas totale ;

• l’épargne publique, avec un effet négatif qui n’est pas total, contraire à l’hypothèse d’équivalence ricardienne ;

• la sécurité sociale (mesurée par le ratio des dépenses publiques de sécu-rité sociale et de prestations sociales sur les dépenses publiques totales), avec un coefficient négatif significatif.

Le taux d’intérêt réel (approximé par le taux réel de dépôt bancaire ex-post), la structure de l’économie (mesurée par la part de l’industrie manu-facturière, les mines et l’agriculture dans la production) et la variabilité de l’inflation n’étaient pas significatifs. Le ratio de dépendance était aussi non significatif pour les pays en développement pris comme groupe, mais les résul-tats de l’Amérique Latine suggéraient qu’il avait un effet négatif significatif sur l’épargne20. Au total, les variables les plus importantes sont le taux de croissance du revenu par tête, l’épargne publique et le ratio de monétisation.

Dayal-Gulati et Thimann (1997) ont étudié les déterminants de l’épargne privée (desménages et des entreprises) sur un groupe de cinq pays d’Asie du Sud-Est - Indonésie, Malaysie, Philippines, Singapour et Thaïlande — et neuf pays d’Amérique Latine — Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Para-guay, Perou, Uruguay et Venezuela, sur la période 1975-95. Ils trouvent que les chocs des termes de l’échange ont un effet positif sur l’épargne. L’épargne publique n’évince que partiellement l’épargne privée, rejetant encore la forme stricte de la proposition d’équivalence ricardienne. Les dépenses de sécurité sociale sont associées à un taux d’épargne privée plus faible et les plans de pension ont un effet positif. La stabilité macro-économique (mesurée par l’écart de l’inflation par rapport à une moyenne mobile sous-jacente) et l’ap-profondissement financier (mesurée par le ratio de la monnaie au sens large sur la production) affectent aussi positivement l’épargne privée et jouent un rôle important dans l’explication des différences des structures de l’épargne entre les deux régions. Le revenu par tête a aussi un effet positif.

L’étude de Loayza, Schmidt-Hebbel et Servén (1999) a utilisé une large base de données en coupes pour examiner les déterminants des taux d’é-pargne. Une nouveauté de leur analyse est aussi une tentative de distinction entre déterminants à court terme et déterminants à long terme des taux d’épargne, une distinction qui apparaît très significative dans leurs résultats empiriques. Leur analyse a montré, en particulier, que l’incertitude macro-économique (mesurée par la variance de l’inflation) a un effet positif sur les taux d’épargne privée en accord avec le motif de précaution développé plus tôt. L’épargne du secteur public a un effet négatif mais moins que pro-portionnel sur l’épargne privée, suggérant encore une fois que l’équivalence ricardienne ne s’applique pas de façon stricte. Les taux d’intérêt réels n’ont pas d’effet significatif sur l’épargne, alors queles améliorations des termes de

20Cárdenas et Escobar (1998) ont aussi trouvé, dans le cas de la Colombie, une corréla-tion négative entre l’épargne et le ratio de dépendance.

l’échange sont associées positivement aux taux d’épargne privée et nationale bien que l’effet soit faible.

Plusieurs autres études ont corroboré et complété les découvertes dé-crites plus haut. Par exemple, Ostry et Reinhart (1992) montrent que bien que la substitution intratemporelle entre biens non-échangeables et biens im-portables peut être un canal significatif par lequel les chocs des termes de l’échange affectent l’épargne, au total, les résultats empiriques sont favorables à l’idée que les variations défavorables transitoires des termes de l’échange entraînent une réduction de l’épargne privée - comme le prédit l’effet de l’hypothèse HLM. En outre,Ghosh et Ostry (1994) trouvent une corrélation positive entre lavariabilité des termes de l’échange et l’épargne. Ogaki, Ostry et Reinhart (1996), dans une étude détaillée couvrant un grand nombre de pays développés et en développement, trouvent que les taux d’épargne ten-dent à augmenter avec les niveaux de revenu par tête, notamment au cours de la transition des niveaux bas de revenu (où les besoins de subsistance pré-dominent) vers les niveaux de revenu intermédiaires. Plus spécifiquement, les résultats obtenus suggéraient que les taux d’épargne tendaient à augmenter avec le niveau de revenu par tête et àplafonner (voire même à baisser) à des niveaux élevés de revenu - comme les expériences du Canada, du Royaume-Uni et des Etats-Royaume-Unis l’ont remarquablement illustré. Ce schéma d’uneforme en U renverséa été aussi analysé dans d’autres études. Enfin, Ogaki, Ostry, et Reinhart ont aussi trouvé que l’élasticité de substitution intertempo-relle, même dans les pays à revenu intermédiaire, était relativement faible -moins de 1 dans la plupart des cas. Pour la Tanzanie, par exemple, l’élasticité estimée était de 0,2 et pour le Chili et le Brésil, il atteignait 0,6. Ces résul-tats impliquent, comme on l’a montré précédemment, qu’une augmentation des taux d’intérêt aura généralement un effet ambigu (voire négatif) sur la consommation et l’épargne - atténuant ainsi les bénéfices de la libéralisation financière (voir chapitre 15).

Cependant dans le même temps, il y a plusieurs questions qui sont soit inadéquatement abordées dans la littérature actuelle ou demeurent non ré-solues. Un problème, par exemple, est le résultat empirique de l’effet de l’é-pargne étrangère (mesurée par le déficit du compte courant) sur les taux d’épargne domestique. Comme on l’a indiqué plus haut, les études de Mas-son et al. (1995) et Edwards (1996) ont toutes deux trouvé que cet effet était très significativement négatif, avec un coefficient inférieur à l’unité, un résul-tat qui suggère que l’épargne étrangère est unsubstitut, quoique imparfait, de l’épargne domestique. Cependant, dans les données que la plupart des

cher-cheurs utilisent, l’épargne privée est calculée de façonrésiduelle comme l’in-vestissement domestique plus le surplus du compte courant moins l’épargne publique - uneidentité centrale des comptes nationaux qui sera explicitement développée au Chapitre 8. Cependant, l’implication est que l’utilisation de la balance des comptes courants et de l’épargne publique comme variables explicatives rendent l’équation de la régression presquesur-identifiée: les ni-veaux significativement élevés de la balance des comptes courants pourraient dès lors n’être rien d’autre qu’un artifice statistique.

Un autre problème important est l’absence d’un résultat empirique ro-buste de l’effet des taux d’intérêt sur l’épargne. Comme on l’a indiqué plus haut, l’effet d’une variation du taux d’intérêt réel sur l’épargne est théo-riquement ambigu en raison du conflit entre les effets de revenu et de substitution. Le résultat (ou l’absence de résultat) peut donc être en ac-cord avec l’idée que ces effets tendent à se compenser, ce qui implique que l’effet net est faible et souvent ne peut pas être détecté de façon adéquate par les données. Ce que ceci implique, comme indiqué plus tôt, est que l’effet direct des politiques destinées à augmenter les taux de rendements offerts aux épargnants peuvent être largement inefficaces. Cependant, on devrait noter que plusieurs études ont utilisé des échantillons de périodes au cours desquelles des taux d’intérêt réglementés, avec de faibles variations, étaient en place. Un autre problème est que l’effet des taux d’intérêt sur l’épargne peut être non-linéaire: non seulement cet effet dépend du niveau du re-venu, comme l’ont montré Ogaki et al. (1996), il peut aussi être plus fort à des taux d’intérêt réels positifs qu’à des taux réels négatifs qu’on observe souvent quand les taux d’intérêt nominaux font l’objet de contrôles gouverne-mentaux (voir chapitre 2). De la même façon, il serait utile d’explorer dans quelle mesure les chocs des termes de l’échange tendent à avoir des effets asymétriques sur les taux d’épargne agrégée, conséquence par exemple de la tendance des gouvernements à augmenter excessivement les dépenses dans des situations de conjoncture favorable (voir chapitre 3).

2 L’investissement

Typiquement, l’investissement représente une compsante bien plus petite de la demande globale que la cosommation. Mais comme il détermine le taux auquel le capital physique est accumulé, il joue un rôle essentiel dans

l’expan-sion de la capacité de production de l’économie (voir les Chapitres 11 et 12).

Cette section passe en revue différents modèles du comportement de l’inves-tissement, fondés à la fois sur les variables de prix relatifs et d’échelle. Elle commence par décrire le modèle de base d’accélérateurflexiblele prolonge ensuite pour prendre en compte le coût du capital. Une grande partie de la recherche analytique et empirique récente des déterminants de l’investisse-ment s’est concentrée sur le rôle de l’incertitudeet de l’irréversibilité; ces questions sont analysées dans la troisième partie. La quatrième partie discute les différents autres facteurs qui ont été identifiés comme affectant l’investis-sement dans les pays en développement21. La dernière partie fait une revue de certains résultats empiriques récents des déterminants de l’investissement privé dans ces pays.

Dans le document Consommation, épargne et investissement (Page 24-30)

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