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8.2 Étude préliminaire d'une verge encastrée en épicéa

8.2.3 Résultats et discussion

Les 4 premières fréquences modales de l'éprouvette sont 67 Hz, 419 Hz, 1173 Hz et 2242 Hz. Les résultats ci-dessous concernent les modes à 420 Hz et 1173 Hz qui présentent, du fait du point d'excitation et du poids du marteau d'impact, les rapports signaux à bruit les plus favorables.

Les faibles dimensions de l'éprouvette par rapport à la longueur d'onde des premiers modes de vibration lui confèrent un comportement acoustique essentiellement dipôlaire. La puissance acoustique délivrée par un dipôle est donnée par (Bruneau, 1983)

P = ρ0ck4(Qd)2/24π

où Q désigne le débit volumique et d la distance entre les deux sources. Un ordre de grandeur rapide pour une déexion de 1 mm, à la fréquence de 67 Hz nous donne :

Q ≈ S × 10−3× 2f = 3 10−4 m3s−1

P ≈ 10−12 W

Cet ordre de grandeur de puissance acoustique est faible puisqu'il est voisin du seuil audible. D'autre part la durée caractéristique de la décroissance du signal liée à cette perte d'énergie peut être obtenue en évaluant l'énergie potentielle de exion par unité de longueur:

E = 1/2EI(

2w ∂x2)2

où E son module d'Young, I son inertie de exion et w(x) son déplacement tranversal. En supposant ce déplacement parabolique w(x) = 10−3(x/L)2 où L est la longueur de la barre et en se référant à des valeurs typiques pour module d'élasticité de l'épicéa (E = 10 GPa) nous trouvons :

E × L ≈ 0.1 µJ pour l'énergie élastique,

τ ≈ 105 s pour la durée caractéristique de la décroissance énergétique liée au pertes acoustiques.

Le mécanisme d'amortissement lié au rayonnement acoustique peut être négligé. Les seuls eets acoustiques sont inertiels (masse ajoutée). L'amortissement mesuré résulte des contri-butions dissipatives des pertes internes et des frottements visqueux dans l'air.

✸ Correction de température

La masse ajoutée est proportionnelle à l'impédance caractéristique de l'air ρ0c donc à la pression statique et à la racine carrée de la température. La présence de cette masse ajoutée

modie les fréquences modales par rapport à leur valeur in vacuo. Ce paragraphe illustre la nécessité de corriger les mesures de fréquence modale pour tenir compte de variations de température pourtant faibles (quelques degrés Celsius).

Le graphique 8.4 montre les variations de la fréquence modale du mode de vibration situé près de 420 Hz suivant les 21 points de mesure dénis dans le paragraphe 8.2.1 et non corrigées des eets de la température.

0 200 400 600 800 1000 1200 419 420 421 422 423 424 425 426 427 1 2 3 4−9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 Pression (mBar) Fréquence (Hz)

Fig. 8.4: Variation de la fréquence du mode à 420 Hz

L'expérimentation s'est déroulée à des températures comprises entre 32 et 35C. Dans un première phase (points 1-10), la température se situait près de 32C et dans une deuxième phase, le lendemain (points 11-21), à des températures supérieures (≈ 34C). La dépendance de la fréquence en fonction de la pression statique est assimilable à une droite décroissante (points 11-21). Ce résultat est analogue à celui obtenu pour les plaques métalliques et traduit un eet de masse ajoutée par l'air (cf. Ÿ 6.2.2 et Ÿ 7.4.3). La variation de fréquence entre la pression atmosphérique et P0 = 40mbar est comparable lorsqu'on met en dépression (points 2-3) ou lorsqu'on remonte en pression (points 11-21).

Les valeurs de la gure 8.5 sont ajustées par rapport à une température de référence de 30C : chaque fréquence f(P0) devient f(P0)p

303/T0, où T0 est la température de mesure en kelvins. Nous constatons alors que l'écart entre les fréquences à la montée et à la descente évoqué plus haut est expliqué par la diérence de température.

La variation entre la fréquence modale à pression atmosphérique et la fréquence modale à pression nulle est de l'ordre de 1.5 %. La masse ajoutée équivalente correspond deux lames d'air de hauteur 1.3 mm placées de chaque côté de l'éprouvette. Cette valeur est inférieure aux résultats concernant les plaques pour lesquelles cette hauteur est de l'ordre de 0.1S (qui vaudrait 4.5 mm pour l'éprouvette). Elle est en revanche comparable, si on tient compte des deux faces, à l'épaisseur de l'éprouvette (2.5 mm), ce qui peut suggérer que la masse ajoutée correspond au volume d'air enfermé dans les cellules du bois. Celles-ci sont légèrement poreuses (cf. par exemple la thèse de D. Douau (1986)) mais nous ne connaissons pas le temps caractéristique du vidage des cellules.

Les résultats concernant le mode à 1173 Hz sont portés gure 8.6 (avec correction de température) et sont analogues à ceux du mode à 420 Hz. Les variations de fréquence corres-pondent alors à une hauteur d'air équivalente de 1.1 mm pour la masse ajoutée, ce qui est proche de la valeur obtenue pour le mode à 420 Hz.

La conclusion de ces observations est la suivante. Les petites variations de fréquence observées sont imputables à la masse ajoutée par le l'air environnant. Le schéma modal de la verge encastrée en épicea dans le vide reste identique  à ces petites variations près  au schéma modal de la même verge vibrant dans l'air.

La mise en atmosphère raréée n'altère pas de manière signicative les para-mètres élastiques de l'épicea.

0 200 400 600 800 1000 1200 417 418 419 420 421 422 423 424 425 1 2 3−10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 Pression (mBar) Fréquence (Hz)

Fig. 8.5: Variation de la fréquence du mode à 420 Hz avec correction de température.

0 200 400 600 800 1000 1200 1166 1168 1170 1172 1174 1176 1178 1180 1182 1184 1186 1−2 3−10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 Pression (mBar) Fréquence (Hz)

✸ Résultats pour les facteurs d'amortissement Nous cherchons maintenant à savoir si la mise en atmosphère raréée altère les propriétés dissipatives du bois : l'ordre de grandeur des pertes internes varie t-il avec la pression?

Contrairement aux fréquences, nous n'apporterons pas de correction de température puisque nous avons montré que les amortissements liés au rayonnement acoustique sont très faibles. Les amortissements structuraux et visqueux dépendent de la température mais les variations de celle-ci, exprimée en kelvins, ne sont pas supérieures à 1% tandis que nous nous intéressons à des variations de facteur d'amortissement qui sont de l'ordre de 10 % à 20%.

Les gures 8.7 et 8.8 décrivent les variations du facteur d'amortissement modal, respec-tivement pour le mode à 420 Hz et pour le mode à 1173 Hz, pour les points de mesure 1 à 21. Les deux graphes sont analogues du point de vue du comportement global : les amortisse-ments restent comparables lorsqu'on descend en atmosphère raréée (1-2 puis 3-10) puis ils deviennent plus faibles lorsque l'éprouvette est maintenue sous vide pendant plusieurs heures (10-11). Les mesures d'amortissement lorsque la pression augmente vers la pression atmosphé-rique (11-21) sont plus dispersées mais restent inférieures à la mesure faite en descendant. Le point 16 de la gure 8.8 reste inexpliqué.

0 200 400 600 800 1000 1200 10.5 11 11.5 12 12.5 13 13.5 14 14.5 15 1 2 3 4−5 6−8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 Pression (mBar) α (s −1 )

Fig. 8.7: Variation du facteur d'amortissement pour le mode à 420 Hz.

Une explication possible du phénomène global observé est la désorption d'humidité dans le bois. En eet, le bois perd beaucoup plus vite l'humidité qu'il ne la regagne. Les résultats d'une expérimentation de R. Fryxell (1965 et réimpression en 1990) fournissent des temps caractéristiques : une dizaine d'heure pour perdre l'humidité et 10 à 15 semaines pour la regagner. Notre expérience indique que les amortissements sont plus faibles lorsque le bois est plus sec.

Sur le temps que dure une expérience de vibration à diérentes pressions statiques (environ 2h), les amortissements ne varient pas plus que de quelques centièmes. Cette variation atteint 20 à 40 % lorsque la station sous atmosphère raréée se prolonge au delà d'une dizaine d'heures.

✸ Conclusion pour l'étude de la guitare D'après les expériences menées sur l'éprouvette en épicea, les paramètres d'élasticité du bois ne sont pas modiés par la mise sous vide. Le déplacement des fréquences ne résulte que de la variation de masse ajoutée par l'air. Les mécanismes dissipatifs sont plus sensibles à la mise en atmosphère raréée mais la variation n'excède pas quelques % lorsque l'expérience est menée en quelques heures. Pour comparai-son, les facteurs d'amortissement mesurés pour la guitare, tels qu'ils sont présentés dans le paragraphe qui suit, varient de quelques dizaines de % entre l'air et le vide.

0 200 400 600 800 1000 1200 32 34 36 38 40 42 44 1 2 3 4 5 6−7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 Pression (mBar) α (s −1 )