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Résolutions : Cauchemar sur la grille

A.4 diagnostics

A.4.3 Résolutions : Cauchemar sur la grille

Cette partie est un des cauchemars des numériciens, car il s’agit d’évaluer si la résolution de la simulation est suffisante : y a t-il suffisamment de points de grille pour que les plus petites échelles soient correctement résolues et, notamment l’échelle de dissipation à partir de laquelle toute l’énergie va être dissipée. Pour répondre à cette question importante plusieurs «recettes» sont utilisées.

La première méthode est de regarder le spectre d’enstrophie. En effet, l’équation bilan d’énergie pour un fluide s’écrit : ∂tE = I − 2νΩ où Ω = 1

2 R

(∇ × v)2 avec un terme d’injection d’énergie I (où l’on retrouve le forçage) et un terme de dissipation (proportionnel à l’enstrophie). Le spectre d’enstrophie a son maximum au début de la zone de dissipation. Il faut donc regarder sur combien de décades (en représen-tation logarithmique-logarithmique) s’étend l’amplitude de la densité spectrales et l’extension en nombre d’onde de la zone dissipative après le maximum d’enstrophie. Ce critère donne une bonne indication de la résolution des échelles dissipatives. Dans la Fig. A.7, deux spectres de l’enstrophie pour un même écoulement turbulent en utilisant, deux résolutions différentes (5123 et 10243). Le spectre à faible résolution

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laisse peu de place pour les échelles de dissipation et présente une amplitude spec-trale s’étendant sur à peu près une décade entre son maximum et son minimum. La simulation utilisant deux fois plus de points de grille est bien mieux résolue. Le spectre présente une amplitude spectrale couvrant à peu près 3 décades et s’étend sur une décade après le nombre d’onde correspondant à son amplitude maximal. Cette évaluation est confirmé par le deuxième critère suivant.

Figure A.7 – Représentation en échelle log-log de deux spectres isotropes de l’en-strophie provenant de deux simulations pour un même écoulement MHD en régime stationnaire ν = η = 3. 10−4, en rouge, simulation en 5123, en bleu en 10243. A noter que dans la simulation en 5133, nous avons 2/3kmax ηhydro∼ 1.21 en moyenne temporelle et dans la simulation en 10243, 2/3kmax ηhydro∼ 2.41.

La deuxième méthode est commentée dans [Kaneda 2003], où l’échelle de Kol-mogorov ηhydro (Symbole communément utilisé par la communauté de turbulence, que je ne utiliserai provisoirement que dans cette section, à ne pas confondre avec la diffusivité magnétique notée η dans le reste du mémoire.) est comparée au nombre d’onde maximum kmax (atteint sans déaliasing). L’échelle de Kolmogorov à la-quelle le nombre de Reynolds est d’ordre l’unité est estimée phénomélogiquement par ηhydro ∼ ( ν3

<ε>)1/4 = (2Ων2)−1/4 (voir aussi [Frisch 1996, Lesieur 1997]). Avec la règle des 3/2 pour le déaliasing [Orszag 1972a], (kmax−deliasing = N/3), Kaneda et al [Kaneda 2003] et des résolutions allant jusqu’à 40963 ont montré qu’il n’y avait pas de grande modification si l’on avait kmax−deliasinghydro ∼ 1 ou ∼ 2. Actuellement les numériciens adoptent par prudence la deuxième relation

2/3kmax ηhydro∼ 2/3kmax (2Ω

ν2)1/4∼ 2 (A.10)

comme limite à ne pas franchir (voir Fig. A.7) pour garantir la résolution de la simulation dans le cas periodique. Dans [Kaneda 2003] un effet de «bottleneck» (ou

52 Annexe A. Méthodes numériques et diagnostics

goulet d’étranglement) est visible avant l’échelle de dissipation, où l’énergie s’accu-mule et forme une bosse dans un spectre d’énergie compensé par k5/3. On pourrait penser que cette effet «bottleneck» est peut être dû à un manque de résolution des échelles dissipatives. En effet l’énergie ne pouvant pas être suffisamment dissipée, elle s’accumule en amont de l’échelle de dissipation. Mais des simulations MHD bien mieux résolues que le critère (A.10) ne présentent pas de diminution de cet effet «bottleneck». Par contre pour une diminution drastique du critère, conduit clairement à une augmentation du «bottleneck» [Minnini 2011]. Jusqu’à preuve du contraire le critère (A.10) reste valide. Le cauchemar ne s’est pas complètement dissipé !

A.4.3.1 Et la MHD alors !

Le critère (A.10) est basé sur ηhydro, échelle de coupure visqueuse estimée selon le phénoménologie de Kolmogorov pour un écoulement turbulent. A nombre de Prandtl magnétique bien plus petit que l’unité, l’échelle de dissipation ohmique est plus grande que l’échelle de dissipation visqueuse, le critère l’hydrodynamique (A.10) reste le plus contraignant.

Mais en turbulence MHD à des nombre de Prandtl magnétique de l’ordre de l’unité, différentes échelles caractéristiques de dissipation peuvent être prises en compte selon la phénoménologie adoptée pour décrire l’écoulement. En effet, les équations de la MHD en symétrisant lorsque les variables d’Elsasser z±

= v ± b sont utilisées leur linéarisation, autour d’un champ magnétique uniforme b0 et une vitesse caractéristique u0, met en évidence la présence d’ondes d’Alfvèn contra-propagatrives le long du champ b0 sous jasent. La présence d’un champ magnétique local ou à grande échelle a un effet dynamique significatif sur l’écoulement, condui-sant à un ralentissement des transports d’énergie dans la zone inertielle (les temps de transfert d’énergie à une échelle donnée sont modifiées en tenant compte du temps de propagation des ondes d’Alfvèn à cette échelle) [Iroshnikov 1963,Kraichnan 1965]. Cette approche phénoménologique dite IK, et celle de Kolmogorov K41 se généra-lisent au cas anisotrope ; hors propos de ce mémoire.

Pour la turbulence MHD isotrope (où les fluctuations magnétiques brms sont vues comme un champ magnétique uniforme b0) et dans le cas simple d’un nombre de Prandtl magnétique unité, le choix de la phénoménologie adéquate est essentiel-lement lié au degré de corrélation des fluctuations cinétiques et magnétiques et leurs intensités relatives.

Dans le cas des faibles corrélations et de faible fluctuation magnétique vrms et brms, on peux choisir la phénoménologie de Kolmogorov qui conduit à l’échelle qui conduit à l’échelle de coupure visqueuse de l’ordre de ( ν3

<ε>)1/4( où ε est le taux de transfert moyen d’énergie cinétique et magnétique supposée présenter un comportement spectral comparable) identique à celle utilisée dans le critère (A.10). Si les fluctuations brms sont plus grandes ou du même ordre que les fluctuations urms, leur corrélation restant faible, l’approche phénoménologie IK permet d’estimer une échelle de coupure visqueuse ν2

b0

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Dans le cas où le degré de corrélation des fluctuations cinétiques et magnétiques n’est plus négligeable, on peut considérer les variables d’Elsasser se comportant de façon similaire. Suivant la phénoménologie IK, deux échelles de dissipation carac-téristiques (l

et l+) peuvent alors être estimées à partir des champs z+ et z ; le critère (A.10) est alors remplacée par une de ces deux échelles caractéristiques. Si une des deux échelles conduit à un critère plus sévère, on devra retenir ce dernier ( voir [Pouquet 1987]).