Chapitre II : Elaboration et caractérisation physico-chimique des couches minces de
III- F. Résistivité électronique
Les mesures de résistivité des films ont été réalisées avec l’aide d’un appareil de mesure
4 pointes. Un courant continu est imposé entre les deux pointes extérieures et la mesure de
potentiel est effectuée par les deux pointes centrales. Les films de germanium ont été déposés
sur des plaques de verres de dimensions suffisantes afin de s’affranchir des facteurs de forme
de l’échantillon. Dans ces conditions, la formule employée pour les calculs est donnée par
l’équation suivante [16] :
où I : intensité imposée (A)
U : potentiel mesuré (V)
e : épaisseur du film (cm)
ρ : résistivité du film (Ω.cm)
En comparant les valeurs entre les films déposés à faible et à plus haute pression, on
s’aperçoit qu’ils présentent une différence de conductivité non négligeable. Les films denses
ont une résistivité de 3 à 5 fois plus faible que les films de morphologie colonnaire (cf.
Tableau II-4). Cette observation s’explique par la présence d’espaces vides que sont les
intervalles qui séparent les colonnes dans les films déposés à 2 Pa. Les électrons ne pouvant
pas traverser ces interstices, ils sont obligés de les contourner. Cela se traduit par une
augmentation de la résistivité de la couche colonnaire. Cet accroissement est indépendant du
type de dopage.
Tableau II-4 : Récapitulatif des caractéristiques physiques des films minces de germanium
Etat cristallin du
germanium Peu cristallisé Peu cristallisé Peu cristallisé
Cristallisé
(d’après [17])
Concentration en
dopants dans les
films (at./cm
3)
5,5.10
19at. de B
1,3.10
16at. de P
8,4.10
15at. de B
6,7.10
18at. de P ≈ 0 0
Type de dopage Dopé P Dopé N Non dopé Non dopé
Pression de
travail (Pa) 0,1 2 0,1 2 0,3 Valeur théorique
Résistivité
(en Ω.cm) 175 500 33 150 800 50
e
I
U
e
I
U
532
.
4
2
ln =
= π
ρ
Le film de germanium non dopé a été déposé à une pression d’argon faible et il possède
une morphologie dense également (cf. Figure III-52-a). Il présente une résistivité d’environ
800 Ω.cm ; cette valeur est en toute logique supérieure à celle des films denses dopés N ou P.
Les valeurs de résistivité des films dopés sont élevées par rapport à la valeur théorique
d’un film cristallisé non dopé. Cela est dû au fait que les dopants dans ces films n’ont pas été
activés. Cette activation nécessite un recuit à très haute température qui permet aux éléments
dopants de se placer dans les sites interstitiels du matériau augmentant ainsi la conductivité du
film. Dans le cas du silicium, cette température peut atteindre 1000°C. Un recuit à de telles
températures n’est pas envisageable pour les applications visées et cela entraînerait la
cristallisation du germanium.
A titre indicatif, nous avons effectué le calcul de la résistivité correspondant aux teneurs
en dopants à partir des travaux de Thurber [18]. En se basant sur les concentrations en bore et
en phosphore, on devrait retrouver des résistivités respectives de 8.10
-4Ω.cm pour le film
dopé P et de 2.10
-3Ω.cm pour le dopé N. Cet écart avec nos mesures s’explique par le fait
que les dopants n’ont pas été activés et que les films élaborés sont peu cristallisés.
Le film dopé P présente une conductivité inférieure à celle du dopé N bien que la
concentration en dopant soit supérieure dans le film dopé P (5.10
19at. de bore/cm
3) que dans
la couche dopée N (6.10
18at. de phosphore/cm
3). Il est connu que, pour une concentration
identique en dopant dans un même semi-conducteur, le film dopé P présentera une résistivité
supérieure à celle du film dopé N [18]. De plus, il s’agit de films peu cristallisés et non activés
mais l’écart de résistivité nous paraît trop important pour que cela justifie entièrement cette
observation. Un autre facteur pourrait éventuellement s’ajouter au précédent. Le germanium
dopé P, dont le dépôt est plus résistif, était d’une pureté inférieure (99,99 %) à celui dopé N
(99,999 %). La différence de pureté entre les deux cibles dopées pourrait également influer
sur la conductivité des films.
Conclusion
Au cours de ce chapitre, nous avons présenté les différentes conditions opératoires pour
l’élaboration des dépôts de germanium par pulvérisation cathodique magnétron. Ces couches
minces ont ensuite été caractérisées physiquement et chimiquement à l’aide de diverses
techniques en fonction des paramètres de dépôt.
Parmi les différents paramètres étudiés, seule la pression de travail montre une très forte
influence sur la morphologie des films minces de germanium réalisés par pulvérisation
cathodique magnétron.
L’importante énergie cinétique des particules de germanium pulvérisées sous faible
pression couplée à l’effet de grenaillage atomique conduisent à une densification des dépôts.
Ainsi les films minces de germanium présentent une forte compacité et un aspect de surface
parfaitement lisse pour une pression d’argon de 0,1 Pa. Inversement, les couches déposées à 2
Pa présentent, quant à elles, une morphologie de type colonnaire engendrée par la dissipation
de leur énergie par collision avec les atomes d’argon. L’état de surface des films joue un rôle
très important dans l’optique d’une utilisation de ces dépôts comme électrode négative pour
microaccumulateur tout solide.
Il est possible de relier la morphologie aux contraintes résiduelles mesurées dans ces
films. En effet, le film dense présente de fortes contraintes en compression alors que le film
colonnaire n’est quasiment pas contraint. Les forces d’attraction interatomique (entre les
atomes des colonnes) permettent d’expliquer ce phénomène de diminution des contraintes
compressives.
L’étude de la structure et de la microstructure des films a permis de mettre en évidence
leur très faible cristallinité. Il n’est pas exclu qu’il puisse exister une périodicité sur quelques
plans atomiques. Aucun des paramètres de dépôt étudié ne semble modifier perceptiblement
leurs propriétés cristallines. En revanche, il est intéressant de noter que les films synthétisés à
pression élevée ont également une faible cristallinité malgré une structure totalement
colonnaire.
Les analyses chimiques ont montré que les films élaborés ne présentaient pas de traces
importantes d’impuretés. Malgré des conductivités électroniques peu élevées pour des films
dopés, les teneurs en éléments dopants (B ou P) sont homogènes en épaisseur. Seul le
germanium dopé N a une concentration inférieure d’un facteur 10 au taux initial de la cible
(10
20at./cm
3).
Ce travail a permis de faire une sélection parmi les paramètres de dépôt pouvant avoir
une influence sur les caractéristiques morphologiques des films minces. Il est possible de
penser que cette influence se répercutera également sur leurs performances électrochimiques.
Ce chapitre constitue donc une première étape dans la compréhension des relations existant
entre les conditions de dépôts, les propriétés structurales, morphologiques et chimiques et le
comportement électrochimique des films minces de germanium.
Bibliographie du chapitre II
[
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