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2. Les anthelminthiques de synthèse et leurs limites

2.3. Résistance des nématodes gastro-intestinaux aux anthelminthiques

Une population de nématodes GIs résistante aux AHs se définit comme une population ayant génétiquement acquis la capacité de résister à des concentrations d’AHs habituellement létales pour des individus de cette espèce (Jackson et al., 2012). La résistance repose sur un mécanisme génétique et se transmet donc de manière héréditaire (Coles, 2002 ; Wolstenholme et al., 2004) mais le phénomène de résistance aux AH est évolutif. Ainsi, les parasites devenus résistants par mutation génétique sont au début peu nombreux, mais leur développement et leur abondance sont favorisés par une pression de sélection, lié à l’emploi répété d’anthelminthiques (Waller, 2006a, 2006b).

La première résistance aux AH décrite a concerné la pipérazine, dix ans après son lancement. Ensuite, la première famille d’AH à large spectre (les benzimidazoles) a aussi été concernée très tôt par le développement puis l’expansion de résistances (Jackson et al., 2012 ; Kaplan, 2004). Globalement, pour chaque nouvelle molécule qui est mise sur

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le marché, les nématodes GI ont développé une résistance dans un intervalle de temps d’environ 10 ans (Kaplan, 2004 ; Waller, 2006a). Aujourd’hui, toutes les classes d’AHs de synthèse sont concernées par ce phenomène (Bartley et al., 2015; Van der Brom et al., 2015 ; Wolstenholme et al., 2004) qui concerne tous les continents (Jackson et al., 2012 ; Kaplan, 2004 ; Sutherland et Leathwick, 2011). De plus, des cas de résistances multiples ont été détectés dès les années 1980s (Chandrawathani et al., 1999 ; Kaplan, 2004 ; Yue et al., 2003) et continuent de se répandre.

Les cas de résistance aux AHs ont surtout été décrits chez les petits ruminants et la prévalence des résistances est plus importante chez les caprins que chez les ovins (Chandrawathani et al., 1999 ; Jackson et al., 2012). Pendant longtemps, les cas de résistance ont été absents chez les bovins, cependant, ils sont de plus en plus fréquemment signalés (Cotter et al., 2015 ; Kaplan, 2004 ; Martinez-Valladares et al., 2015).

Des résistances aux AHs ont désormais été mentionnées pour toutes les espèces de nématodes GIs des petits ruminants, principalement pour H. contortus, Trichostrongylus spp. et Teladorsagia spp. (Besier, 2007 ; Kaplan, 2004). Chez les bovins, elles ont été rapportées pour: Cooperia spp., Ostertagia spp., et Oesophagostomum spp. (Sutherland et Leathwick, 2011).

2.3.1. Mécanismes des résistances aux anthelminthiques

La résistance aux AHs peut s’expliquer par 3 phénomènes : 1) la modification de la molécule cible; 2) le changement des voies métaboliques qui conduirait à l’inactivation ou à l’élimination accélérée des molécules AHs; 3) l’amplification du nombre de cibles pour diluer l’activité des molécules AHs chez le parasite (Wolstenholme et al., 2004). La résistance initiale chez certains vers de la population serait préacquise à la suite de mutation génétique(s). Les mécanismes de résistance seraient spécifiques pour chaque famille de molécules AHs (Samsom-Himmelsjerna, 2007b).

Les mécanismes de résistance aux divers familles des AH qui ont été identifiées, peuvent se résumer comme suit. Pour les Benzimidazoles, les plus largement étudiés, le développement de résistance serait dû à une mutation du gène codant la β-tubuline (Samsom-Himmelsjerna, 2007b ; Wolstenholme et al., 2004). Pour le lévamisole, la résistance serait associée à des modifications des récepteurs nicotiniques (Samsom- Himmelsjerna, 2007b ; Sansger et Gill, 1999). Pour les lactones macrocycliques, la résistance serait un phénomène plus complexe car reposant sur des mécanismes de mutation des gènes impliqués dans la réponse cellulaire au GABA ou de surexpression de la glycoprotéine-P impliquée dans la détoxification cellulaire (Samsom-Himmelsjerna,

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2007b ; Sangster et Gill, 1999 ; Wolstenholme et al., 2004). Ce dernier mécanisme est aussi suggéré pour expliquer les cas de résistances multiples.

Tout renforcement de la pression de sélection associée à l’emploi de AHs favorise l’apparition de résistances (Wolstenholme et al., 2004), car à la suite de traitements répétés, les nématodes GIs porteurs d’allèles ‘résistants’, notamment les homozygotes, survivent contrairement à leurs congénères sensibles. En conséquence, la proportion d’allèles ‘résistants’ augmente dans la population. Les vers résistants peuvent ensuite se reproduire et propager les allèles de résistance. Différents facteurs, dépendant des nématodes (intrinsèques) ou liés à l’activité humaine (extrinsèques), peuvent accélérer l’apparition et à la propagation de la résistance au sein d’une population de vers.

2.4. Gérer l’apparition des résistances aux anthelminthiques.

Pour préserver l’efficacité des traitements AHs et ralentir l’apparition et la diffusion des résistances chez les vers, il est apparu nécessaire d’utiliser ces molécules de façon beaucoup plus raisonnée, à partir de la compréhension des facteurs favorisant le développement des résistances aux AHs (Kotze et al., 2014 ; Leathwick et Besier, 2014 ; Nabukenya et al., 2014).

Cette prévention des résistances repose sur des solutions prenant le contrepied des erreurs de conduites dans l’application des traitements identifiées comme créant des pressions de sélection trop forte (traitements systématiques répétés trop fréquemment, ou appliqués à l’ensemble des animaux d’un troupeau. L’idée principale est désormais de traiter de façon plus pertinente soit

- en mieux identifiant les périodes à fort risque parasitaire (« Targeted Treatment » = TT)(Kenyon et Jackson, 2012).

- ou en identifiant les animaux les plus infestés représentant un risque majeur de contamination du pâturage et donc un risque pour les congénères du troupeau. Dans ce cas, le but est de n’administrer les traitements qu’à ces seuls animaux. Ce traitement ciblé est décrit en Anglais sous le terme « Targeted Selective Treatment » (acronyme TST). Cette application raisonnée ciblant une proportion des animaux du troupeau peut s’appuyer sur divers types de critères de repérage des animaux les plus parasités: sub clinique (comme dans le cas de la méthode FAMACHA ) (Van Wyk et Bath, 2002; Van Wyk et al., 2006) ou pertes de productions zootechniques appliqués sur des agneaux en croissance (Charlier et al., 2014 ; Kenyon et Jackson, 2012) ou en fonction de la production de lait chez des chèvres laitières (Hoste et al., 2002a, 2002b). Ces méthodes TST dans leur

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ensemble vise à exploiter le concept de refuge (Van Wyk, 2001) en préservant des gènes de sensibilité aux AHs dans les populations de Nematodes.

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