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DU TRAVAIL DE THESE

NBS LRRTIR WRKY

7. Discussion des résultats et perspectives de travail

7.4 La résistance accrue de wat1 est dépendante du métabolisme indolique et de l’acide salicylique

Basée sur nos connaissances antérieures sur wat1, l’hypothèse qu’un déséquilibre de l’homéostasie de l’auxine soit au cœur de la résistance a été explorée. Dans les feuilles, aucune différence dans la teneur en auxine n’a été mesurée chez le mutant par rapport au sauvage (Fig. 42). Alors qu’il était déjà établi que les hampes de wat1 contiennent moins d’auxine que celles des plantes sauvages (Ranocha et al., 2010), les analyses métabolomiques menées au cours de ce projet montrent que les racines de wat1 possèdent elles aussi moins d’auxine (Fig. 42). Contrairement à ce qu’il se passe dans les hampes, aucune dérégulation des gènes liés au métabolisme de l’auxine n’intervient dans les racines. Les données métabolomiques suggèrent qu’une faible teneur en auxine serait un avantage pour la plante lors de l’interaction avec R. solanacearum, bien que les tests de croissance in vitro de la bactérie n’aient pas permis de démontrer que l’auxine favorise sa multiplication (Fig. 42). D’après les résultats de métabolomique, la quantité d’auxine dans les racines augmente chez Col0 mais pas chez wat1 suite à l’infection (Fig. 42). Des données datant d’il y a une cinquantaine d’années montrent que de l’auxine est produite dans les feuilles de tabacs infectés par la bactérie (Sequeira and Kelman, 1962; Sequeira and Williams, 1964). L’origine de cette production reste malgré tout à déterminer : on ne peut pas exclure que l’AIA synthétisé dans les plantes infectées ne soit pas exclusivement d’origine végétale puisque R. solanacearum est capable elle aussi de produire de l’auxine (Valls et al., 2006). Un lien entre la signalisation, le métabolisme ou le transport de l’auxine et la réponse aux agents pathogènes a souvent été décrit (Kazan and Manners, 2009). Plusieurs travaux décrivent

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l’auxine comme un facteur de sensibilité. Par exemple, chez le riz, un traitement exogène avec de l’auxine augmente la sensibilité à X. oryzae pv. oryzae (Xoo) (Ding et al., 2008). Les auteurs ont émis le modèle suivant : l’infection par la bactérie induit une accumulation d’auxine qui serait responsable d’un relâchement de la paroi végétale due à l’activation d’un groupe particulier d’enzymes pariétales, les expansines. Par conséquent, cela réduirait la capacité de la paroi à se défendre efficacement lors d’une attaque par Xoo (Ding et al., 2008). De façon intéressante, sur les quatre gènes pariétaux dont l’expression est réduite dans les racines de wat1, deux gènes codent des expansines (AtEXPB1 et AtEXPB3) (Tab. R-2). Un autre exemple, chez Arabidopsis, est l’augmentation de la sensibilité à Pst, suite à l’introduction de Pro35S:AFB1, une construction qui active de façon constitutive la signalisation en réponse à l’auxine (Navarro et al., 2006). De façon intéressante, l’introduction de Pro35S:AFB1 chez wat1 permet de restaurer partiellement la sensibilité à R. solanacearum, mais avec une forte tendance à se rapprocher du phénotype sauvage, indiquant que la signalisation dépendante de l’auxine joue un rôle important dans la résistance du mutant (Fig. 42). Outre son rôle dans la sensibilité, l’auxine a également été caractérisée dans d’autres travaux comme un élément de résistance aux agents pathogènes. En effet, il a été récemment montré que tir1-1 (transport inhibitor response 1-1), muté pour un récepteur d’auxine, et axr1 (auxin resistant 1), axr2 et axr6, trois mutants de signalisation, deviennent tous plus sensibles aux champignons nécrotrophes P. cucumerina et B. cinerea (Llorente et al., 2008). Le mutant axr2 est également plus sensible à la bactérie P. syringae pv. maculicola (Wang et al., 2007). Dans le cas de R. solanacearum, tir1-1 se comporte comme une plante sauvage (Fig. 42) et il sera intéressant de tester la sensibilité de différents mutants affectés dans le métabolisme de l’auxine, tels que les mutants axr1, axr2 et axr6 (auxin resistant 1, 2 ,6). Enfin, puisque wat1 contient moins d’auxine dans les racines même en absence d’agent pathogène, il sera important de tester la sensibilité d’un mutant qui, à l’inverse, produit de l’auxine en excès, tel que sur1 (superroot 1) ou cyp83b1/sur2 (Boerjan et al., 1995; Delarue et al., 1998). De plus, un croisement entre l’un ou l’autre des mutants sur et wat1 sera l’occasion de quantifier la teneur en auxine dans les individus ainsi générés et de déterminer si cela a un effet sur la réponse à R. solanacearum. Il a récemment été découvert dans l’équipe que WAT1 est capable de transporter l’auxine (Ranocha et al, en préparation). Des données de la littérature indiquent que l’inhibition du transport d’auxine, soit par l’application d’un inhibiteur, soit par l’utilisation de mutants affectés pour cette fonction, a des effets contrastés selon les agents pathogènes. Par exemple, alors qu’un traitement au TIBA (triiodobenzoic

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acid), un inhibiteur du transport d’auxine, augmente la résistance de la tomate au champignon hémibiotrophe F. oxysporum, ce même traitement induit une augmentation de la sensibilité au champignon nécrotrophe P. cucumerina (Davis and Dimond, 1953; Llorente et al., 2008). Le mutant aux1, incapable d’assurer l’influx d’auxine, ne développe plus une résistance systémique contre B. cinerea, normalement induite suite à une première infection par Trichoderma (Korolev et al., 2008). De son côté, le mutant tir3 est plus résistant à F. oxysporum (Gil et al., 2001).

La voie de biosynthèse des IGS est en partie commune à celle de l’auxine (Fig. 39). Les données de transcriptomique des racines indiquant que six gènes sont moins exprimés chez wat1 nous ont conduit à mesurer la teneur en IGS chez le mutant, ainsi qu’à croiser wat1 avec des mutants affectés dans cette voie. Premièrement, les analyses de la teneur en différents IGS a permis de déterminer que la néoglucobrassicine (1MI3G) est l’IGS le plus abondant dans les racines chez Arabidopsis. Ceci est en accord avec des mesures réalisées chez le pastel du teinturier (Isatis tinctoria), une autre Brassicacée (Elliott and Stowe, 1971). Chez wat1, l’homéostasie des IGS est clairement modifiée dans les racines puisque la teneur en 1MI3G est beaucoup moins abondante avant et pendant l’infection par R. solanacearum, tandis qu’il y a une quantité plus importante de RA dans les racines non infectées de wat1 (Fig. 43). Le double mutant cyp79b2/b3 est déficient en IGS (I3G et 4MI3G) et sa teneur en RA est fortement réduite (Bednarek et al., 2009). En réponse à R. solanacearum, cyp79b2/b3 présente une sensibilité plus importante que Col0, avec un développement des symptômes plus rapide dans les temps précoces de l’interaction (Fig. 44). Le triple mutant cyp79b2/b3 wat1 montre une sensibilité partiellement restaurée par rapport à wat1, indiquant que les IGS sont un des acteurs clés de la résistance (Fig. 44). Une hypothèse serait d’associer la perte partielle de la résistance à la teneur en RA. En effet, alors que wat1 en possède davantage que les plantes sauvages, cyp79b2/b3 en contient moins. Or, des tests de croissance in vitro ont permis d’établir que le RA est un composé toxique pour R. solanacearum. Il sera donc crucial de réaliser un bilan métabolique sur la teneur en IGS et en RA chez cyp79b2/b3 wat1.

Pour tester si les voies classiques de signalisation dépendantes des voies ET-JA-SA sont impliquées dans les mécanismes de résistance de wat1, le mutant a été croisé avec ein2-1 (ET), jar1-1 (JA) et NahG (SA). Seule l’introduction du transgène NahG, qui dégrade le SA, chez wat1 a permis de restaurer totalement la sensibilité vis-à-vis de R. solanacearum (Fig. 35), démontrant un rôle clé du SA dans la résistance de wat1. Cependant, aucun gène

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marqueur de défense dépendant de la voie de signalisation du SA n’a une expression induite chez wat1 (Fig. 36), indiquant qu’une activation constitutive de cette voie de signalisation n’est pas à l’origine de la résistance. La teneur en SA est connue pour influencer l’issue de l’interaction avec certains agents pathogènes. Par exemple, cpr5 accumule davantage de SA qu’une plante sauvage, ce qui se traduit par une résistance à la bactérie P. syringae pv. maculicola et au champignon P. parasitica (Bowling et al., 1994; Bowling et al., 1997; Clarke et al., 2000). En réponse à R. solanacearum, cpr5 présente aussi une résistance accrue, comparable à celle observée chez wat1 (Fig. 45). La corrélation entre la teneur en SA et la résistance à la bactérie a été renforcée par les mesures effectuées chez wat1, mutant dans lequel le SA est présent en quantité plus abondante dans les racines par rapport au témoin sauvage (Fig. 45). Il est intéressant de noter que cette augmentation n’est cependant pas associée chez wat1 à une expression plus forte des gènes de biosynthèse du SA (Tab. R-2). L’accumulation de SA corrélée à l’augmentation de la résistance suggèrent un rôle de composé antimicrobien à cette hormone. Les expériences de croissance de R. solanacearum en présence de SA exogène montrent un effet négatif sur la multiplication de la bactérie à partir de 100nM (Fig. 45). Outre le rôle majeur du SA dans la résistance à R. solanacearum, la restauration totale de la sensibilité à Xcc chez NahG wat1 est une preuve que le SA est un facteur clé impliqué de façon plus générale à la résistance de wat1 aux agents pathogènes (Fig. 35). Enfin, un moyen de confirmer davantage l’implication de cette hormone serait de tester la sensibilité du double mutant wat1 sid2, dans lequel la biosynthèse de SA est inhibée par la perte de fonction d’une isochorismate synthase. Cette stratégie a été envisagée, mais il n’a pas été possible de générer des individus homozygotes à la fois pour la mutation du gène WAT1 (At1g75500) et celle du gène SID2 (At1g74710), les deux gènes étant trop proches l’un de l’autre sur le chromosome I. Par contre, une lignée wat1 dans laquelle SID2 a été inactivé par ARNi sera prochainement disponible et sera testée pour sa sensibilité à R. solanacearum.

7.5 Connexions entre le métabolisme indolique et l’acide salicylique : vers un modèle