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Lorsque les combinaisons puissantes de médicaments antirétroviraux ont été introduites au milieu des années 1990, le taux de mortalité et de morbidité de l’infection par le VIH a

chuté de façon dramatique dans les pays industrialisés 151-154. Il fut alors permis

bien au traitement 155. En effet, après l’initiation du traitement, la charge virale devient généralement inférieure à 50 copies d’ARN viral par millilitre en quelques semaines et une amélioration des comptes de CD4 est observée. Malheureusement, cet espoir d’éradication a été remis en question suite à de nombreuses études. D’une part, on observe, chez la majorité des patients traités, d’occasionnelles augmentations (blips) de la charge virale au- dessus de la limite de détection 156. D’autre part, des techniques de détection du virus plus sensibles ont permis d’observer qu’il se produit de la réplication virale à faible niveau chez la plupart des patients (seuil 1 copie d’ARN viral/ml) 157-160. Aussi, lorsqu’un patient interrompt sa médication, un rebond spectaculaire et rapide de la charge virale est observé et atteint généralement des niveaux comparables aux niveaux pré-thérapie 161, 162. Ces données ont donc suggéré la présence de réservoirs viraux chez les patients sous thérapie antirétrovirale.

Finzi et al. ont alors avancé l’hypothèse que des cellules lymphocytes T CD4 mémoires pourraient servir de réservoir et ils ont démontré la présence de virus capables de provoquer une infection dans une population pure de cellules CD4quiescentes chez tous les patients testés, malgré les antirétroviraux 163. Ces cellules, bien qu’infectées, ne produisent pas de virus et permettent donc à celui-ci de perdurer et d’échapper aux réponses immunitaires en plus de le protéger de l’action des antirétroviraux 164-166. En effet, le virus étant au repos, les cellules infectées ne vont pas exprimer à leur surface, d’antigènes viraux permettant d’identifier ces cellules comme étant infectées et celles-ci ne seront donc pas reconnues et détruites par les CTL. De plus, le virus étant inactif, sa polymérase n’est pas sollicitée et les INNTI et INTI n’auront pas d’effet sur ce virus. Idéalement, il faudrait des molécules

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permettant d’atteindre les virus intégrés dans une cellule et en étant de latence. Sachant que

la demi-vie de cette sous-population de cellules CD4 est d’environ 44 mois, et que ces

dernières dérivent de cellules précédemment activées et permissives à l’infection ayant adoptées un phénotype mémoire, l’espoir d’éradiquer le virus par un traitement prolongé s’est évanoui. En effet, la quantification longitudinale du nombre de virus capables de provoquer une infection par million de CD4+ mémoire (IUPM) chez ces patients a permis d’observer que la diminution du nombre de particules infectieuses était très faible. Selon les estimations, plus de 60 années de traitement optimal seraient requises afin d’éradiquer le virus en supposant qu’il n’existe pas d’autres compartiments cellulaires ou sanctuaires où le

virus pourrait persister 167. Plusieurs autres types cellulaires comme les cellules

dendritiques 168, 169, les macrophages 161, 170, les cellules CD8 171, les lymphocytes B et les cellules NK 172 servent probablement de réservoir. De plus, certains tissus et organes pourraient également servir de réservoir viral puisqu’il est connu que les diverses drogues utilisées dans le traitement contre l’infection au VIH-1 n’y pénètrent pas bien et/ou que les

réponses immunitaires de l’hôte dans ces compartiments sont restreintes 173, 174. Les

organes lymphoïdes tels : les tissus gastro-intestinal et respiratoire, la rate et les ganglions lymphatiques 175-177, le système nerveux central 178-180 ainsi que le tractus génital 181-184 sont probablement impliqués dans le maintien du réservoir viral.

Plusieurs études ont obtenu des résultats contradictoires quant à la taille et à la demi-vie du réservoir (6.4 à 44.2 mois) 185-187. Reconnaissant l’importance de ces réservoirs, plusieurs stratégies thérapeutiques ont été développées afin de cibler les réservoirs. D’abord par l’intensification du traitement 188 mais aussi par l’activation forcée des cellules mémoire avec des molécules telles l’acide valproïque 189, 190 et/ou l’interleukine-2 191 tout en

maintenant les traitements antirétroviraux de base afin de protéger les cellules saines d’une éventuelle infection. Jusqu’à présent, ces stratégies ne se sont pas avérées efficaces. Aussi, puisque le réservoir se met en place dès le début de l’infection, l’initiation rapide du traitement suivant la séroconversion pourrait permettre de diminuer le réservoir viral des cellules du sang périphérique ainsi que dans le GALT "gut-associated lymphoid tissue" 192,

193. Chung et al. ont aussi démontré que l’initiation précoce du traitement a un effet

bénéfique et permettrait d’éradiquer complètement ce réservoir viral en 7.7 années de traitement 194 . Plusieurs modèles mathématiques récents visant à déterminer la période de traitement nécessaire pour éradiquer le virus de toute cellule mémoire infectée semblent également démontrer qu’il serait possible avec un traitement précoce et agressif, de purger les cellules mémoire 195-198. Comme plusieurs patients ayant initié leur traitement lors de la primo-infection vont bientôt atteindre ce plateau de 8 années de traitement, il serait très intéressant d’observer la taille des réservoirs chez ces patients et de suivre leur évolution. Dernièrement, l’équipe du Dr. Sékaly a aussi démontré que les cellules T mémoire, plus particulièrement la sous-population centrale mémoire et mémoire transitoires, composaient plus de 80% de la taille des réservoirs et que l’initiation précoce du traitement limitait la taille des réservoirs 199.

Aussi, l’initiation précoce du traitement pourrait, en plus de diminuer la taille des réservoirs viraux, diminuer le degré de diversification présent dans les réservoirs. Il y a cependant des arguments contre l’initiation précoce du traitement antirétroviral. En effet, les traitements sont associés à de nombreux effets secondaires, à de la toxicité à long terme ainsi qu’à un coût appréciable. Puisque la majorité des patients peuvent maintenir une santé normale

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pendant plusieurs années suivant l’infection par le VIH, il pourrait être avantageux d’attendre une détérioration du décompte CD4 avant d’initier le traitement. Cela pourrait également retarder l’apparition de mutations de résistance.

En plus des réservoirs, il existe aussi des compartiments viraux et/ou sanctuaires. Alors que les réservoirs vont restreindre la réplication virale et préserver du virus capable de réplication durant de très longues périodes, les compartiments anatomiques, quant à eux, vont permettre la réplication virale. Toutefois, il n’y a que très peu d’échanges entre certains compartiments anatomiques et les cellules circulantes. Quant au sanctuaire, il s’agit d’un site où on observe une faible pénétration des médicaments et le virus peut s’y répliquer de façon plus active 200. À noter que les réservoirs, compartiments et sanctuaires ne sont pas mutuellement exclusifs. C’est le cas, par exemple, du liquide céphalo-rachidien où l’évolution virale peut être indépendante de d’autres sites anatomiques et où la concentration de drogue peut être sous-optimale. À ce jour, l’éradication virale n’a été rapportée que chez un seul patient, celui-ci ayant reçu une greffe de moëlle osseuse provenant d’un individu porteur de la mutation delta 32 sur le récepteur CCR5 201. Bien que plusieurs stratégies ont été développées afin d’éradiquer le virus et que la qualité de vie des personnes atteintes s’est nettement améliorée, la guérison est, à ce jour, toujours inatteignable.