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Autres réseaux plus spécifiquement dédiés à la surveillance de l’eutrophisation

encadrer l’eutrophisation : cadres réglementaires

4.2. Autres réseaux plus spécifiquement dédiés à la surveillance de l’eutrophisation

Il n’est pas possible ici de détailler par le menu les différents réseaux existant au niveau international ni même de chercher à en faire un inventaire exhaustif, mais il est important d’en mentionner l’existence car de nombreuses publications sont basées sur les données qu’ils recueillent. Aux états-Unis, une stratégie de recherche spécifique a traité cette problématique de l’eutrophisation, complétée par différents réseaux de suivi qui couvrent les zones de crise (Chesapeake Bay program, LUMCOM pour le golfe du Mexique, etc.), dans les régions sujettes depuis longtemps aux manifestations souvent aiguës de l’eutrophisation. En Europe, la Grande-Bretagne s’est dotée d’un réseau dédié à l’eutrophisation pour l’identification des zones sensibles et le suivi des actions (ECAPs : Eutrophication Control Action Plans).

4.2.1. Réseaux dédiés à l’eutrophisation aux états-Unis

La pollution par les nutriments avait été identifiée comme une des causes majeures de dégradation des eaux dès les années 1970, avec des cas emblématiques comme les Grands Lacs laurentiens et la baie de Chesapeake (voir chapitre 3) ou le golfe du Mexique en aval du bassin du Mississippi (anoxies, mortalités de poissons, efflorescences d’algues toxiques).

Pour les eaux continentales, l’US Geological Survey (USGS) s’est vu confier une mission de recherche pour

comprendre et modéliser toute la chaîne causale impliquée dans le processus d’eutrophisation (sources, transfert terrestre, transfert fluvial). L’USGS a ainsi déployé une stratégie adaptée reposant sur une sélec- tion de 51 bassins cibles dans lesquels un échantillonnage densifié des nutriments a été conduit. Il visait à affiner les bilans de sources, à mieux identifier les zones productrices de nutriments et la saisonnalité des processus de transfert rythmés par l’hydrologie. Ces données permettent de caler des modèles régionalisés de transfert et de flux de type Sparrow (SPAtially-Referenced Regression On Watershed attributes) largement déployés sur le territoire des états-Unis (cf. chapitre 5). Un autre modèle, SWAT (Soil and Water Assessment

Tool), développé par l’US Department of Agriculture (USDA) et récemment actualisé et enrichi, est aussi

déployé dans certains bassins à agriculture intensive dominante (cf. chapitre 5).

Ces modèles sont à la base de scénarios rétrospectifs et prospectifs pour analyser ou projeter des me- sures de remédiation des excès de nutriments. Cette stratégie de travail a été suivie pendant 10 à 15 ans pour affiner la connaissance régionale de la dynamique des nutriments, mais elle restait essentiellement une démarche géochimique. Ce n’est que très récemment que des couplages plus systémiques sont proposés par la littérature aux états-Unis, qui prolongent la chaîne de causalité en allant jusqu’à une pro- babilité d’altération de l’état de santé des cours d’eau (indices biologiques relatifs aux macro-invertébrés ou aux poissons).

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Pour les eaux marines, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a mené en 1999 un premier

programme d’évaluation synchrone de l’état d’eutrophisation des 139 principaux estuaires nationaux (National

Estuarine Eutrophication Assessment), et une commission académique a recommandé en 2000 de réitérer tous

les 10 ans cette photographie instantanée de l’état d’eutrophisation des côtes américaines. Cette commission a aussi prôné un meilleur couplage entre mesures de surveillance et modèles pour optimiser le positionnement des prélèvements dans l’espace et le temps, ainsi que cela a été fait au Danemark.

On retiendra de ces exemples aux états-Unis qu’un focus sur une altération donnée comme l’eutrophisation nécessite une stratégie d’échantillonnage dédiée, et qu’un recours à la modélisation est nécessaire dès lors que des processus dynamiques en cascade sont impliqués. La modélisation permet, d’une part, un retour critique sur la donnée, et, d’autre part, une intégration de cette donnée et des extrapolations spatiales et temporelles, avec une maîtrise des incertitudes associées. Il y a des bénéfices à attendre d’une complémen- tarité entre données des réseaux de surveillance et modélisation (pour une présentation plus approfondie de la modélisation, voir le chapitre 5).

4.2.2. Les observatoires en France

Observatoires sur les lacs

En France métropolitaine s’est structuré l’Observatoire des lacs alpins (OLA), désormais labellisé Systèmes d’observation et d’expérimentation de recherches en environnement (SOERE). Cet observatoire s’est mis en place progressivement à partir de questions initiales relatives au développement de l’eutrophisation (années 1960-1980). Les séries de données produites par l’Observatoire et SOERE sont « longues » (plusieurs décen- nies) donc largement supérieures au temps de résidence moyen des eaux (Tableau 4.5). Elles décrivent la trajectoire écologique de trois grands lacs profonds (Annecy, Bourget et Léman), proches en termes d’environ- nement (même écorégion et type de développement économique), mais soumis à une application différente des mesures de lutte contre l’eutrophisation (Tableau 4.5).

Observatoires sur les bassins-versants

Une dizaine de petits bassins-versants expérimentaux situés dans plusieurs régions françaises sont suivis par des équipes de chercheurs français. Les objectifs scientifiques de ces systèmes d’observation visent notamment à comprendre et modéliser les liens entre structures des bassins-versants, usages des sols, flux de nutriments et de matières. Ces bassins-versants font partie des infrastructures de recherches

LAC

État actuel

(Temps de séjour moyen ; profondeur maximale) LéMAN Mésotrophe (12 ans ; 310 m) ANNECY Oligotrophe (3,8 ans ; 82 m) BOURGET Mésotrophe (8,5 ans ; 145 m) Historique du contrôle charge externe en P Contrôle progressif à partir de 1980 (déphosphatation, interdiction TPP, etc.) quasi totale dès 1980 (col- lecteur circulaire et rejets à l’exutoire du lac)

En 1990 déversement de trois quarts des eaux usées traitées directement dans le Rhône

Gestionnaire

Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL)

Syndicat mixte du lac d’Annecy (SILA)

Comité intercommunal pour le suivi et l’assainissement du lac du Bourget (CISALB)

Date des suivis

Depuis 1957 1967-1977 1987-2010 1988-1989 1995-1996 2004-2005 2007-2010 Tableau 4.5. Dates de mise en place des suivis lacustres, en lien avec la structure gestionnaire partenaire et historique du statut trophique.

soutenues par les systèmes d’observation et d’expérimentation de recherches en environnement (SOERE) pilotés par l’alliance Allenvi. Ils sont aussi intégrés dans le réseau des LTER (Long Term Ecological Research Network) et le réseau de la zone critique (Critical Zone Observation Network). La surveillance des nappes est réalisée par le BRGM (base ADES, récemment incluse dans le réseau de la zone critique), celle des sols par le GIS Sol (bases BDAT, base de données des analyses de terres et RMqS, réseau de mesure de la qualité des sols). Ces réseaux de suivis sont essentiels car s’inscrivant sur le long terme. Sur les dispositifs de type bassin-versant, acquérir des données de suivi des concentrations dans l’eau à haute fréquence est complémentaire, car ces données permettent de suivre sur le long terme et avec précision les exportations de nutriments. En effet, ils permettent de déterminer notamment les pas de temps optimaux de mesure pour les différents éléments chimiques et biologiques qui peuvent être ensuite déployés dans les réseaux de surveillance ; mais aussi de mieux quantifier les relations entre structure paysagère des bassins-versants et qualité de l’eau, et les temps de réponse entre changements d’usage des terres et flux de nutriments.

Observatoires en milieu estuarien et marin

En France métropolitaine, différentes initiatives de suivi du milieu marin côtier par les laboratoires universi- taires et les stations marines se sont regroupées et structurées depuis 1997 au sein d’un programme natio- nal, le Service d’observation en milieu littoral (SOMLIT), labellisé par l’Institut national des sciences de l’uni- vers (INSU) du CNRS. Au sein du Réseau des stations et observatoires marins (RESOMAR), ce programme de suivi rassemble 19 stations suivies par 11 laboratoires marins, à la fois le long des côtes de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée. Des mesures physiques, chimiques et biologiques sont réalisées deux fois par mois. L’objectif principal de ce réseau est d’étudier l’impact du changement global sur les zones côtières, et son importance relative par rapport aux perturbations locales, dont l’enrichissement en nutriments. Des réseaux de suivi locaux dédiés à l’eutrophisation marine ont été lancés par l’Ifremer et des Agences de l’eau sur la Manche-Est (Réseau hydrologique littoral normand, RHLN, depuis 2000 en Normandie et Suivi régional des nutriments, SRN, depuis 1992 en Artois-Picardie) et sur l’ensemble des lagunes méditerranéennes fran- çaises depuis 2000 (Réseau de suivi lagunaire, RSL).

à noter que, au niveau mondial, il existe un programme de suivi du phytoplancton, le « Continuous Plank- ton Recorder » (CPR), dans lequel la France est impliquée. Grâce à une méthode de suivi et d’analyse du plancton inchangée depuis 1948, et grâce à des instruments d’échantillonnage conçus pour être placés sur des bateaux marchands, ce programme est l’un des plus anciens et des plus étendus à l’échelle du globe. Plusieurs aspects de l’écologie et de la dynamique du plancton sont étudiés à travers ce programme, dont l’eutrophisation et les efflorescences de microalgues nuisibles (HABs).

4.3. Indicateurs et méthodes pour le suivi