• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Cerveau au repos et conscience de soi

4. Le réseau exécutif central

Les processus d’attention orientée sur des stimuli de l’environnement extérieur seraient quant à eux sous-tendu par le réseau exécutif central « Central Executif Network » (CEN), dont les principaux nœuds incluent le cortex préfrontal latéral dorsal (dlPFC) et le cortex postérieur pariétal (PPC; par exemple, Vanhaudenhuyse et al., 2011). Les rapports subjectifs de participants d’une conscience orientée vers l’extérieur ont montré une corrélation en IRMf avec des régions cérébrales associées à ce réseau : le lobule pariétal inférieur bilatéral et le dlPFC. Par ailleurs, on observe des activités des régions fronto-pariétales associées à ce réseau lors de tâches de perception de stimuli extéroceptifs demandant d’importantes ressources attentionnelles à travers les différentes modalités sensorielles – par exemple visuelle, auditive, somesthésique, ou olfactive – et lors de comportements dirigés vers un but (Cabeza & Nyberg, 2000; Corbetta & Shulman, 2002). Plus ces tâches mobilisent des ressources cognitives importantes, plus les activités au sein de ce réseau sont importantes.

Bien que les recherches des dernières années aient pu montrer des corrélations temporelles négatives entre le DMN et les réseaux liés à des tâches extéroceptives (M. D. Fox et al., 2005;

30 Il est à noter que cette étude a aussi montré un effet de la sensation subjective d’être l’agent de ses pensées sur les activités au sein de l’insula antérieur droit (rAI). Cependant cette différence ne sort que lors d’analyse centrée sur une région d’intérêt (ROI) - et pas lors d’analyses sur tout le cerveau comme pour le vmPFC et le précuneus ventral. De plus, la taille d’effet est 3.6 fois inférieur pour les effets observés dans le rAI comparée aux effets observés dans le précuneus ventral, et 5 fois inférieur comparée aux effets observés dans le vmPFC.

Vanhaudenhuyse et al., 2011), de récentes études suggèrent que le DMN et les réseaux impliquant des processus extéroceptifs – notamment le CEN – pourrait ne pas avoir des activités complètement antagonistes (Christoff et al., 2009; Dixon, Fox, & Christoff, 2014; Utevsky, Smith, & Huettel, 2014). En fonction des ressources mobilisées, la cognition orientée vers l’intérieur et la cognition orientée vers l’extérieur seraient parfois en compétition, mais pourraient à d’autres moments coexister sans interférence (Dixon et al., 2014). La cognition tournée vers l’intérieur et la cognition tournée vers l’extérieur ne seraient ainsi pas antagonistes de manière inhérente. En particulier, ces deux types de cognition pourraient coexister avec des interférences minimales lors de processus involontaires étant donné que ces processus ne sont pas contraints par des ressources cognitives limitées. En revanche, plus le niveau d’intentionnalité nécessaire serait important, plus la compétition entre ces deux types de cognition serait importante, du fait de nos capacités limitées en traitement intentionnel. En accord avec ce point de vue, on observe lors des processus cognitifs volontaires – qu’ils impliquent une attention orientée vers l’extérieur ou vers l’intérieur – des activités au sein du cortex latéral préfrontal (voir Figure 17). A contrario, lors de processus nécessitant des niveaux d’intentionnalité moindre, on observe que la cognition orientée vers l’intérieur et la cognition orientée vers l’extérieur sont sous-tendues par des réseaux cérébraux largement distincts.

Figure 17. Illustration des voies neuronales de la cognition orientée vers l’intérieur et de la cognition orientée vers l’extérieur

A. Les régions cérébrales impliquées dans la cognition orientée vers l’extérieur (en rouge) et la cognition orientée vers l’intérieur (en vert). Les régions du lPFC sont en rouge et vert pour indiquer leur implication dans les deux types de cognition.

B. Ségrégation et convergence de la cognition orientée vers l’extérieur (EDC) et de la cognition orientée vers l’intérieur (IDC). Les traitements de ces deux types de cognitions débutent avec des structures neurales ségrégées et convergent ensuite sur des régions associatives hétéromodales (incluant le lPFC).

C. Model schématique de l’organisation de la cognition orientée vers l’extérieur (en rouge) et de la cognition orientée vers l’intérieur (en vert). IPS = sillon intrapariétal, pMTG = gyrus temporal moyen postérieur, pSTS = sillon temporal supérieur postérieur, IPL = lobule pariétal inférieur, MCC = cortex cingulaire moyen, FEFs = Frontal Eye Fields , DLPFC = cortex préfrontal dorsolatéral, VLPFC = cortex préfrontal ventrolatéral, RLPFC = cortex préfrontal rostrolatéral, MPFC = cortex préfrontal médian, MTL = lobe temporal médian, PCC/RSC = cortex cingulaire postérieur / cortex rétrosplenial, TPJ = jonction temporopariétale, pIPL = lobule pariétal inférieur postérieur, pgACC = cortex cingulaire antérieur prégénual.

Le précuneus serait par ailleurs une région qui montrerait de la connectivité fonctionnelle à la fois avec le DMN et le CEN (Leech, Kamourieh, Beckmann, & Sharp, 2011; Utevsky et al., 2014). Cette région, pourtant entrevue comme une des structures clés du DMN, montre une connectivité fonctionnelle améliorée avec un ensemble de régions fronto-pariétales dans l’hémisphère droit, associées au CEN, lors de la performance à différentes tâches actives (impliquant de la perception de stimuli extéroceptifs et de la prise de décision) comparées au repos en IRMf (Utevsky et al., 2014). En revanche, au repos, on observe une connectivité entre le précuneus et le DMN plus importante qu’au cours des tâches. Il est à noter que la magnitude de l’effet observé est plus importante pour le DMN, suggérant que le précuneus serait bien impliqué préférentiellement dans la cognition orientée vers l’intérieur. De plus, bien que le PCC – dans ses parties ventrale et dorsale – et le précuneus soient parfois confondus dans les études, ils ne représenteraient pas une région unitaire. Ces régions cérébrales montrent en effet des patterns de connectivité avec le reste du DMN différents (Leech et al., 2011). Lorsque la difficulté d’une tâche de mémoire de travail augmente, la connectivité fonctionnelle entre la partie ventrale du PCC et le DMN diminue, alors qu’en parallèle sa connectivité avec le CEN augmente. En revanche, la partie dorsale du PCC/précuneus montre un pattern de connectivité opposé. En définitif, la connectivité observée entre le PCC/précuneus et deux réseaux impliqués dans la cognition orientée vers l’intérieur et la cognition orientée vers l’extérieur respectivement, suggère que cette région serait impliquée dans l’intégration de ces deux types d’informations. Bien que la fonction du précuneus ne soit pour l’instant pas bien comprise, il est suggéré qu’il pourrait soutenir des processus du type imagerie visuo-spatiale, rappel en mémoire épisodique, prise de perspective en première personne, et agentivité (Cavanna & Trimble, 2006).

Pour illustrer le type de situations dans lesquelles la cognition orientée vers l’intérieur et la cognition orientée vers l’extérieur pourraient coexister, Dixon et ses collaborateurs (2014, p. 322) prennent très justement en exemple le contexte des interactions sociales : “While engaged in a conversation, attention may be directed externally to the words being spoken by a friend, but simultaneously directed internally to inferences about their mental state and interpretations of the meaning of their words.”

En conclusion, la cognition orientée vers l’extérieur et la cognition orientée vers l’intérieur sont soutenues par des réseaux cérébraux fonctionnels dont les activités ne sont pas complétement antagonistes, selon la difficulté de la tâche et les ressources cognitives disponibles. Ces deux types de cognition incluent une variété d’états cognitifs qui diffèrent sur

de multiples dimensions – dont notamment l’intentionnalité. Ainsi, certains de ces états pourraient coexister, par exemple au cours des interactions sociales, alors que d’autres ne le pourraient pas. Mais comment le switch entre ces deux modes de cognition s’opère-t-il alors ?