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Chapitre 1. Introduction

1.4. Les réponses immunitaires

En plus de posséder des défenses physiques, passives, telles que la cuticule ou la paroi, les plantes sont capables de percevoir activement la présence de pathogènes , et de dé-clencher diverses réponses immunitaires pour se défendre.

Contrairement aux animaux, les plantes n’ont pas de cellules immunitaires spécialisées et chaque cellule végétale a la capacité de déclencher ces réponses immunitaires de ma-nière autonome. Cette immunité innée déclenche des réponses à la fois locales et systé-miques, permettant à la plante de combattre les agents pathogènes de manière rapide et localisée mais aussi étendue dans le temps et dans l’espace. Le système immunitaire des plantes est classifié en deux niveaux décrits ci-après.

1.4.1. La PTI

Le premier niveau de défense fait intervenir des récepteurs situés à la surface cellulaire appelés PPR (pattern recognition receptors), conduisant à un ensemble de réactions de défenses basales appelé PTI (PRR-triggered immunity). En effet, la PTI repose sur la per-ception par des PRRs de motifs moléculaires spécifiques qui sont reconnus par la plante comme des signaux de danger. Ces signaux peuvent provenir de l’agent pathogène, comme les motifs moléculaires associés aux microbes ou pathogènes (MAMP/PAMP), ou de la plante, comme les motifs moléculaires associés aux dommages (DAMP) qui sont libérés après perception du pathogène ou après des dommages causés à la cellule par le pathogène (Boller and Felix, 2009). Les protéines d’Arabidopsis FLS2 (Flagellin Sensing2)

34 et EFR (EF-Tu receptor), reconnaissant respectivement les PAMP bactériens flagelline et facteur d’élongation EF-Tu, sont les PRRs les mieux caractérisés (Zipfel, 2014).

La PTI comprend une large gamme de réponses, de la cellule à l’organisme tout entier, visant à freiner la réplication du pathogène et la propagation de la maladie. Les premiers événements cellulaires incluent la production rapide d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), l’activation de mitogen-activated protein kinases (MAPK), et l’expression de

gènes de défense (Boller and Felix, 2009). La PTI est suffisante pour repousser la plupart

des microbes, et la meilleure preuve de son importance biologique est le fait que les pathogènes ont évolué de manière à échapper ou à supprimer activement cette pre-mière couche de défense, afin de développer la maladie (Dodds and Rathjen, 2010; Dou and Zhou, 2012). De plus, les plantes qui sont privées de leurs PRR ou de certains com-posants de signalisation de la PTI sont souvent plus sensibles aux agents pathogènes (adaptés ou non à contourner la PTI) (Macho and Zipfel, 2014).

1.4.2. L’ETI

La coévolution entre les plantes et les agents pathogènes a poussé ces derniers à déve-lopper une batterie de facteurs de virulence appelés effecteurs, qui sont injectés à l’in-térieur des cellules de la plante grâce à leur système de sécrétion de type III, afin de diminuer les défenses basales (Deslandes and Rivas, 2012). En retour, les plantes ont développé des moyens de détecter ces effecteurs, déclenchant un second niveau de dé-fense de plus grande amplitude appelée effector-triggered immunity (ETI), qui arrête la croissance de l’agent pathogène (Jones and Dangl, 2006). Les deux acteurs de cette coé-volution renouvellent sans-cesse leurs armes moléculaires afin de contourner les méca-nismes de l’adversaire, créant ainsi des cycles d’attaque et de contre-attaque perpétuels pour le contrôle de la santé de la plante (Figure 1.16 ; Jones and Dangl, 2006).

Figure 1.16. Le modèle zigzag (adapté de Jones and Dangl, 2006)

Le modèle zigzag illustre l’intensité des réponses de défense de la plante mises en place lors de l’in-teraction avec un agent pathogène. Dans la phase 1, la plante détecte les motifs moléculaires asso-ciés aux microbes ou agents pathogènes (MAMP/PAMP, losange bleu) via les PRR afin de déclencher un ensemble de réactions de défenses basales appelé PTI (PRR-triggered immunity). Dans la phase

2, des agents pathogènes ayant réussi à infecter la plante délivrent des effecteurs qui interfèrent avec

la PTI, ou qui permettent la nutrition ou la dispersion de l’agent pathogène, ce qui entraîne la sensi-bilité de la plante ou ETS (effector-triggered susceptibility). Dans la phase 3, un effecteur (indiqué en vert) est reconnu par une protéine NB-LRR, activant l’ETI (effector triggered immunity), une version amplifiée de la PTI qui dépasse souvent le seuil d’induction de la réponse hypersensible (HR). Dans la

phase 4, des individus pathogènes qui ont perdu l’effecteur vert sont sélectionnés, et ont

éventuel-lement gagné de nouveaux effecteurs par transfert de gène horizontal (en rouge) qui peuvent aider l’agent pathogène à supprimer l’ETI. Dans la phase 5, la sélection favorise de nouveaux allèles de NB-LRR de plantes qui peuvent reconnaître un de ces effecteurs nouvellement acquis, déclenchant à nouveau l’ETI.

Pour induire l’ETI, les plantes utilisent une famille de récepteurs intracellulaires polymor-phiques “nucleotide-binding/leucine-rich-repeat” (NB-LRR), similaires aux récepteurs de type NOD (NLR) chez les animaux, qui interceptent de manière directe ou indirecte les facteurs de virulence injectés à l’intérieur des cellules de l’hôte par les agents patho-gènes. Le génome des plantes compte généralement plusieurs centaines de gènes co-dant pour des NB-LRR (environ 150 chez Arabidopsis par exemple ; Meyers et al., 2003). Dû à la pression exercée par les attaques constantes des agents pathogènes, ces gènes évoluent très rapidement: leur nombre augmente et leurs séquences se diversifient au fil de l’évolution afin d’améliorer les capacités de reconnaissance des récepteurs (Guo et al., 2011; Jacob et al., 2013; Karasov et al., 2014).

La réponse aval de l’ETI est en partie similaire à celle de la PTI, elle comprend notamment des flux rapides de calcium, la production de ROS, l’activation en cascade de MAPK, la production de phytohormones et une reprogrammation de l’expression génique (Cui et

36 al., 2015). Cependant, dans l’ETI, ces phénomènes sont amplifiés ou de plus longue du-rée que dans la PTI (Tsuda and Katagiri, 2010). Un aspect qui reste largement méconnu à ce jour concerne les voies de signalisation qui opèrent immédiatement en aval de l’ac-tivation des NB-LRR et qui font le lien avec les réponses en aval. La reprogrammation transcriptionnelle, une étape clé pour la mise en place de la réponse défensive, est dé-taillée dans la section suivante.

Enfin, l’ETI est souvent accompagnée par une forme de mort cellulaire programmée au site d’infection appelée réponse hypersensible (HR), qui limite la propagation du mi-croorganisme dans la plante (Figure 1.17). Bien que souvent utilisée comme un mar-queur de l’ETI, HR et résistance ne sont pas toujours couplées (Bendahmane et al., 1999; Gassmann, 2005; Coll et al., 2010; Heidrich et al., 2011).

Figure 1.17. Illustration de la Réponse Hypersensible (d’après Mur et al., 2008)

(A) Feuille d’Arabidopsis 24h après infection avec 1x106 cellules.ml-1 de la bactérie pathogène

Pseu-domonas syringae pv. tomato DC3000 avrRpm1. Echelle = 1 cm. (B) Détail d’une feuille de Nicotiania tabacum cv. Samsun NN 72h après infection avec le Virus de la Mosaïque du Tabac (TMV). Echelle =

0,5 cm.

1.4.3. Régulation transcriptionnelle des réponses de

défense

Dans la cellule, la régulation de l’expression des gènes est contrôlée par un certain nombre de processus comme la méthylation de l’ADN, l’organisation de la chromatine ou la liaison de FT à des séquences spécifiques de régions régulatrices de l’ADN.

Les FT possèdent un domaine de liaison à l’ADN leur permettant de se lier à des sé-quences promotrices cis situées sur leurs gènes cibles, ainsi qu’un domaine d’activation ou de répression de la transcription. L’action des FT peut être modulée au niveau trans-criptionnel et post-traductionnel, par des associations à des interacteurs protéiques ou par des modifications post-traductionnelles (MPT). Les plantes possèdent un grand nombre de gènes codant pour des régulateurs transcriptionnels, et par exemple chez Arabidopsis, entre 6 et 10% du génome code pour des FT (Pireyre and Burow, 2015). Sur la base de leur structure et sur la comparaison des séquences des domaines de liaison à l’ADN, les FT ont été classés en plusieurs familles (Pabo and Sauer, 1992).

Chez les plantes, plusieurs familles de FT, dont les AP2/ERF, bHLH, basic domain Leucine Zipper (bZIP), MYB, TGA bZIP (TGA basic leucine zipper), Whirly et les WRKY ont été mon-trés comme étant impliqués dans la régulation des réponses de la plante face aux stress biotiques (Buscaill and Rivas, 2014; Eulgem and Somssich, 2007; Dubos et al., 2010). La reprogrammation transcriptionnelle des cellules implique des changements majeurs dans l’expression des gènes afin de privilégier la défense par rapport à d’autres proces-sus tels que la croissance ou le développement. En effet, il a été démontré que certains régulateurs sont responsables du compromis (trade-off en anglais) entre croissance et immunité afin de permettre une réallocation des ressources selon le contexte, et per-mettre ainsi la survie de la plante (Fan et al., 2014; Lozano-Durán et al., 2013; Malinovsky et al., 2014). De plus, des travaux indiquent que jusqu’à 25% des gènes d’Arabidopsis voient leur niveau de transcription modifié suite à l’infection par un agent pathogène (Maleck et al., 2000; Tao et al., 2003). Ainsi, de nombreuses études ont révélé le rôle clé des FT dans l’établissement de la résistance aux maladies engendrées par l’attaque d’un agent pathogène, et certaines revues résument par ailleurs ces travaux (Buscaill and Ri-vas, 2014; Tsuda and Somssich, 2015).

Mon travail de thèse ayant été focalisé sur l’étude du FT d’Arabidopsis MYB30, la section suivante est se concentre sur la description de la famille de FT de type MYB, les réactions de défense contrôlées par MYB30, et les mécanismes de régulation de ce FT.

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