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Protection contre l’attaque des agents pathogènes

Chapitre 1. Introduction

1.3. Rôles biologiques de la cuticule

1.3.5. Protection contre l’attaque des agents pathogènes

Au-delà des rôles décrits précédemment, la cuticule constitue la première barrière phy-sique contre l'attaque des agents pathogènes. Ces agents pathogènes peuvent être de natures différentes. Ici nous nous intéresserons aux études menées sur le rôle de la cu-ticule dans la tolérance aux attaques par des bactéries, des champignons et des insectes.

1.3.5.1. Protection contre les bactéries

Tang et collaborateurs ont identifié une plante mutée dans le gène LACS2 comme étant plus sensible à une souche avirulente (qui ne déclenche pas la maladie) de la bactérie phytopathogène Pseudomonas syringae pv. tomato (Pst) (Tang et al., 2007). Différents degrés de nécrose ont pu être observés sur les feuilles du mutant lacs2 trois ou quatre jours après inoculation, ce qui représente des symptômes beaucoup plus sévères que ceux observés classiquement lors d’une infection d’une plante sauvage par une souche virulente (qui déclenche la maladie). En outre, les plantes lacs2 possèdent une cuticule environ 1,6 fois plus fine que le sauvage et présentent également les phénotypes clas-siques d’un mutant affecté dans la cuticule, tels que la sensibilité à la dessiccation, la diffusion accélérée de la chlorophylle des feuilles dans l’éthanol, et la capacité des sur-faces foliaires à permettre la germination du pollen sauvage (Tang et al., 2007).

Un autre mutant d’Arabidopsis sensible à P. syringae a été isolé lors d’un crible utilisant une souche portant le gène bactérien avrPto fusionné à la luciférase (Xiao et al., 2004). AvrPto est une protéine de virulence, délivrée à l’intérieur de la cellule de la plante par

le système de sécrétion de type III (SST3) de la bactérie, qui est activé lorsque la bactérie reconnaît le contact avec l’hôte à infecter. Le mutant d’Arabidopsis identifié fut appelé “aberrant induction of type three genes 1” (att1) car après infection, l’expression des gènes associés au SST3 de P. syringae était significativement augmentée (10 fois plus qu’avec le sauvage 12 heures après infiltration). Le clonage du gène révéla qu’ATT1 code pour une ω-hydroxylase (CYP86A2) appartenant à la famille des cytochromes P450, re-quise pour la biosynthèse de la cutine (voir section 1.1.3.1). Le mutant att1 montre une diminution de 30% de la quantité de cutine totale et une augmentation de la perméabi-lité cuticulaire, le rendant également plus sensible à la dessiccation (Xiao et al., 2004). Ces résultats suggèrent que la cuticule de ce mutant est plus perméable, y compris à des petites molécules provenant de l’hôte, qui pourraient être perçues par la bactérie indui-sant ainsi les gènes de type III. Il est également possible que le passage de l’eau à travers une cuticule plus perméable vers les chambres sous-stomatiques, qui sont les lieux de colonisation principaux de P. syringae, dilue un facteur d’alerte qui pourrait potentielle-ment limiter la propagation de la bactérie.

1.3.5.2. Protection contre les champignons

Dans les interactions plantes-pathogènes, la cuticule peut également avoir un rôle de signalisation. En effet, les spores de certains champignons ont besoin de signaux chi-miques provenant de l'hôte pour initier la formation d’un appressorium afin de pénétrer à l’intérieur de la cellule végétale (Kolattukudy et al., 1995). Par exemple, la formation d’appressoriums chez Magnaporthe grisea (qui cause la pyriculariose chez le riz) peut être induite sur des surfaces de verre recouvertes de cires cuticulaires ou même d’acides gras à longues chaînes et d’alcools gras ou d’alcanes de synthèse (Hegde and Kolattu-kudy, 1997). Il a également été démontré que les acides gras ω-hydroxylés provenant de la cutine ont un effet positif sur la pénétration des spores de Fusarium solani f. sp. pisi et activent l’expression de son gène de cutinase (Woloshuk and Kolattukudy, 1986). De manière surprenante, plusieurs mutants d’Arabidopsis affectés dans la synthèse de cutine ont été trouvés comme plus résistants au champignon nécrotrophe Botrytis cine-rea. La lignée d’A. thaliana CUTE, qui exprime de manière ectopique une cutinase extra-cellulaire de Fusarium solani f.sp. pisi (Sieber et al., 2000), ne montre en effet aucun symptôme après inoculation avec B. cinerea. En revanche, cette lignée est plus sensible à trois autres nécrotrophes: Plectosphaerella cucumerina, Alternaria brassicicola or Scle-rotinia sclerotiorum (Chassot, 2006; Chassot et al., 2007). Cette résistance semble indé-pendante des trois voies de signalisation majeures impliquant les phytohormones acide salicylique (SA), acide jasmonique (JA) et éthylène (ET). Une analyse transcriptomique a permis de mettre en évidence huit gènes différentiellement exprimés chez les plantes CUTE, trois membres de la famille des LTP, deux membres des peroxydases (PO), et deux membres des inhibiteurs de protéines (PI). Ces trois familles de protéines ont déjà été montrées comme pouvant jouer un rôle dans la défense contre l’attaque des agents pa-thogènes (Chassot et al., 2008).

32 B. cinerea. Cette absence de symptômes est accompagnée du relargage de composés antifongiques et de l’augmentation de l’expression des mêmes gènes dont l’expression est dérégulée chez les plantes CUTE (Chassot et al., 2007). De manière similaire, il a été montré que le mutant lacs2 est plus résistant à B. cinerea, et il a été proposé que cette résistance soit probablement due aux mêmes mécanismes que pour les mutants précé-demment cités, impliquant une activité antifongique accrue (Tang et al., 2007).

Le cultivar de Tomate Delayed Fruit Deterioration (DFD) est lui aussi plus résistant à B. cinerea (Figure 1.15), mais il semblerait que cette résistance soit due à un taux de cutine et de cires plus élevées que d’autres cultivars, tel qu’Ailsa Craig (AC). Les fruits du mu-tants DFD montrent en effet au dernier stade de maturation 36% de cires en plus qu’AC, une quantité de cutine doublée, mais une épaisseur de cuticule identique (Saladié et al., 2007). Des analyses biochimiques et biomécaniques indiquent que la matrice de cutine de DFD est bien plus dense que celle d’AC, ce qui pourrait expliquer sa résistance au champignon nécrotrophe.

Figure 1.15. Sensibilité à B. cinerea chez la Tomate (d’après Saladié et al., 2007)

Des fruits intacts, au stade rouge-mature, des cultivars Ailsa Craig (AC) et Delayed Fruit Deterioration (DFD) ont été infectés avec B. cinerea par application en surface. En plus d’être résistant à B. cinerea, DFD est tolérant à la sécheresse, et présente des taux de cires et de cutine plus élevés qu’AC au stade rouge-mature.

D'autre part, des études ont montré que l’application par spray de monomères ou d’hy-drolats de cutine permet la protection partielle d’un cultivar très sensible d’orge contre Erysiphe graminis f. sp. hordei (Schweizer et al., 1996). Des études plus récentes ont dé-montré que la cutine a un effet sur l’expression des gènes de défense et la production de peroxyde d'hydrogène (H2O2), qui sert à la signalisation de diverses réponses défen-sives des plantes (Kim et al., 2008; J., H., Park et al., 2008). Plus récemment, L’Haridon et collaborateurs ont trouvé une corrélation positive entre un défaut de synthèse de la cuticule, la perméabilité de celle-ci et la production constitutive des espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui déclenche la résistance à B. cinerea (L’Haridon et al., 2011). Ces données ont permis d’avancer deux hypothèses pour expliquer la résistance des plantes présentant un défaut de cuticule. Premièrement, des composés spécifiques de la cuticule pourraient agir comme signaux intracellulaires pour activer les défenses de la plante, et la production et/ou le relargage de composés antifongiques. Dans la deuxième

hypothèse, la cuticule plus perméable des mutants pourrait permettre à des molécules élicitrices provenant de B. cinerea ou du milieu PDB (potato dextrose broth, utilisé comme milieu d’inoculation) de pénétrer plus facilement à l’intérieur des cellules végé-tales, activant plus rapidement les défenses de la plante.

1.3.5.3. Protection contre les insectes

La cuticule forme non seulement une barrière physique contre l’attaque d’insectes, mais les cires cuticulaires en particulier peuvent servir de piège aux pollinisateurs ou aux proies potentielles. Rowe et collaborateurs ont examiné comment les cires de trois plantes carnivores différentes, Nepenthes ventrata, Brocchinia reducta et Catopsis ber-teroniana, influencent l’attachement et la mobilité de la mouche Calliphora vomitoria (Gaume et al., 2004). L’étude révéla que le cires épicuticulaires qui recouvrent l’intérieur des pièges en forme d’urne des trois plantes recouvrent les setæ (poils microscopiques) des pattes de la mouche, la faisant ainsi glisser et diminuant fortement sa capacité à quitter la plante (Gaume et al., 2004).

Ayant décrit les rôles de défense de la cuticule en réponse à différents stress biotiques, la prochaine section décrit les réponses immunitaires de la plante ainsi que le rôle clé joué par la régulation transcriptionnelle dans la mise en place d’une réponse de défense ap-propriée.

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