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Zone vide Zone avec les congénères

3. L’individu face aux facteurs de stress de l’environnement

3.1.2. Les réponses comportementales

En écotoxicologie, le comportement des individus est très souvent mesuré à l’aide de tests standardisés permettant à la fois une certaine calibration entre les laboratoires et une analyse haut débit (Cachat et al., 2010; Kalueff et al., 2016; Rihel et al., 2010; Schnorr et al., 2012). Le test de nouvel environnement, présenté dans la section 2.2.1, permettant de mesurer le niveau d’anxiété des téléostéens est très utilisé chez des juvéniles ou des adultes (Egan et al., 2009; Levin et al., 2007; Macaulay et al., 2015; Vignet et al., 2015). Chez les larves, l’étude de la réponse photomotrice (LPMR) est un test très répandu (Chen et al., 2012a, b; Macaulay et al., 2015; Péan et al., 2013; Vignet et al., 2015). Le test LPMR est une méthode standardisée consistant à étudier l’activité locomotrice des larves, disposées individuellement dans les puits d’une plaque multipuits, en réponse à un changement brusque de lumière vers obscurité et vice versa (Figure 21.A, B). En réponse à ce changement brusque entre la lumière et l’obscurité, les larves vont exprimer une augmentation normale de leur activité. Un changement d’activité anormal (hypo- ou hyper-activité) en réponse à ce changement est couramment utilisé par les écotoxicologues afin de quantifier et qualifier des perturbations

Figure 21. (A) Plaque 24 puits utilisée pour le test LPMR; (B) Evolution de l’activité des larves durant un test LPMR. D’après Vignet et al. (2015).

Une exposition à des congénères uniques de PCB ou PBDE est connue pour entrainer des altérations comportementales lors du test de LPMR ou du nouvel environnement. Par exemple, une augmentation de l’activité locomotrice en réponse au changement brusque lumière/obscurité a été observée chez des F1, descendants de la première génération (F0), après exposition chronique des parents au BDE-209 (He et al., 2011) ou d’un mélange de PCB (Péan et al., 2013) et également après une exposition embryo-larvaire de BDE-71 (Chen et al., 2010, 2012a). Suite à une exposition embryo-larvaire de BDE-47, les larves expriment cette fois ci une réduction de leur activité en réponse à la transition lumière-obscurité durant le test LPMR (Chen et al., 2012c). Il s’avère donc que les effets des PCB et des PBDE sur le comportement locomoteur des larves dépendent des congères utilisés, ainsi que de la période et de la durée d’exposition.

De plus, il a également été démontré qu’une exposition à un congénère simple de PCB, le CB-126, ou à un mélange technique (Aroclor 1254, mélange technique riche en CB-126) induit un temps passé au fond du bassin supérieur des individus exposés comparés aux témoins lors d’un test de nouvel environnement ce qui traduit un niveau d’anxiété plus élevé (Glazer et al., 2016; Gonzalez et al., 2016). De la même façon, des individus exposés à un métabolite du BDE-47, le 6-OH-BDE-47, expriment un niveau d’anxiété plus élevé lors du test du nouvel environnement (Macaulay et al., 2015).

Les traits de personnalité, ainsi que les différents concepts tels que les syndromes comportementaux ou le coping style évoqués dans la partie 2, sont toutefois rarement appréhendés dans le domaine de l’écotoxicologie.

Lumière A ct iv it é lo co m o tr ice Obscurité Lumière (A) (B)

Récemment, Montiglio et Royauté (2014) soulignaient le fait que l’effet des contaminants sur le comportement était négligé par la communauté scientifique. Dans cette revue, les auteurs listent seulement 16 études portant sur l’effet de contaminants sur les variations du comportement (Tableau 1 dans Montiglio et Royauté (2014)). Parmi ces études, certaines s’intéressent aux comportements importants pour la survie et la reproduction d’une espèce comme par exemple la recherche de nourriture, la migration, les réponses de fuites ou les comportements de court. Mais certaines études font également part d’altérations de la personnalité chez les animaux, notamment chez les téléostéens, suite à l’exposition à des contaminants. Par exemple, une exposition à un perturbateur endocrinien (Ethinyl oestradiol) diminue le niveau d’agressivité de l’épinoche envers des conspécifiques (Bell, 2001) mais peut également augmenter le niveau d’activité et d’audace en présence de prédateurs (Bell, 2004) rendant donc l’espèce plus vulnérable. D’autres contaminants, connus pour leurs propriétés d’inhibition sélective de la recapture de la sérotonine (SSRI), molécules actives des anti-dépresseurs, peuvent également provoquer des altérations de la personnalité chez de nombreuses espèces de téléostéens. Par exemple, la fluoxetine diminue le niveau d’audace et d’exploration chez le combattant (Betta splendens; Dzieweczynski et al., 2016a, b). Au contraire, le citalopram augmente le niveau d’audace chez l’épinoche (Kellner et al., 2016). Pour finir concernant les POP, Péan et al. (2013) ont démontré qu’une exposition à un mélange de PCB de la génération F0 entraîne une augmentation de l’activité chez les larves F1 suggérant que les PCB sont eux aussi capables d’entrainer une altération des traits de personnalité, du moins de l’activité.

Comme expliqué dans la section 2.2.1, les traits de personnalité sont censés être cohérent dans le temps et le contexte. De plus, ces traits de personnalité sont généralement corrélés entre eux pour former un syndrome comportemental (section 2.2.2). Cependant il a été démontré qu’une exposition à un insecticide (organophosphate) était capable, d’une part, d’altérer cette cohérence d’un trait de personnalité en fonction du contexte chez une araignée sauteuse (Eris militaris; Royauté et al., 2015) mais également d’altérer la relations entre les différents traits de personnalité formant un syndrome comportemental (Royauté et al., 2014). Un panel des altérations des traits de la personnalité suivant l’exposition à différents contaminants chez les téléostéens est présentée dans le tableau 4.

Tableau 4. Altérations répertoriées des traits de personnalité suite à l’exposition à des contaminants de différentes classes chez les téléostéens. D’après Montiglio et Royauté (2014).

Polluant Classe du

polluant Exposition Espèce

Trait de

personnalité Variations Références

Perturbateur endocrinien Ethinyl oestradiol Exposition passive Epinoche Agressivité - Bell (2001) Activité Audace + + Bell (2004)

Socialité - Reyhanian et al. (2011)

17β-trenbolone Gambusie Activité Exploration + + Bertram et al. (2018) SSRI* Escitalopram Poisson

zèbre Audace + Nielsen et al. (2018)

Fluoxetine Combattant Audace Exploration

- -

Dzieweczynski et al. (2016a, b)

Citalopram Epinoche Activité Audace + + Kellner et al. (2016) Hydrocarbones aromatiques polycycliques Mélange de HAP Ingestion Poisson zèbre Exploration Audace - - Vignet et al. (2014b)

POP Mélange de PCB Ingestion (F0)

Poisson

zèbre Activité (F1) + Péan et al. (2013) *SSRI : Inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine

Malgré le peu d’études sur le sujet, il apparait tout de même que les contaminants peuvent altérer l’expression et la cohérence des traits de personnalité chez les individus exposés (Montiglio et Royauté, 2014). D’après les exemples reportés dans le tableau 4, il apparait également que ces altérations sont dépendantes de la classe du contaminant et donc de ses propriétés chimiques. Les traits de personnalité sont essentiels dans la vie de l’individu régissant les interactions entre individus d’une même espèce, la relation proie-prédateur ou les comportements liés à la dispersion ou la recherche de nourriture. Une altération des traits de personnalité peut donc avoir des conséquences directes sur les traits d’histoire de vie des individus (Réale et al., 2010).

Au vue de ce panorama des réponses physiologiques et comportementales suivant une exposition à des POP, un mélange complexe de PCB et de PBDE (représentatif de l’environnement) a été utilisé pour exposer des animaux et explorer diverses réponses comportementales dont les traits de personnalité (Chapitres 3 et 4 présentés ci-après).

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