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III. Fonctions cellulaires et moléculaires de la réponse immune

3.1 La réponse immune non spécifique

3.1.1 Les fonctions des phagocytes

Les phagocytes mononucléaires ou monocytes dérivent des cellules souches de la moelle osseuse et ont pour fonction la capture des particules, leur ingestion et leur destruction. Les monocytes migrent du sang dans les tissus où ils se différencient en macrophages tissulaires particulièrement efficaces dans la présentation des antigènes aux cellules T. Les polymorphonucléaires neutrophiles dérivent également des cellules souches hématopoïétiques et représentent la majorité des leucocytes sanguins. Comme les monocytes, les neutrophiles migrent dans les tissus, en particulier dans les foyers inflammatoires. A la différence des macrophages, les neutrophiles ont une vie brève et meurent après avoir exercé leurs activités de phagocytose et de lyse.

Figure n°8 : Observation au microscope optique de monocytes et granulocytes provenant d’une suspension de leucocytes intestinaux de truite arc-en-ciel (grossissement x100 sous immersion, coloration de May-Grünwald / Giemsa).

Du fait de la difficulté d’isoler ces cellules au niveau intestinal, peu d’études ont été menées sur les fonctions cellulaires des phagocytes intestinaux des cochons et des poulets. En 2000, les résultats de Haverson et al. suggèrent une activité de phagocytose chez des cellules dendritiques immatures de la

lamina propria du porc. Vervelde et al. ont montré en 1996 que des poulets infectés avec E. tenella

possèdent plus leucocytes dans leur lamina propria par rapport à des poulets sains, et que la majorité de ces leucocytes sont des macrophages et des lymphocytes T. Plus récemment, en 2007 Van Hemert et al. ont mesuré l’activité de phagocytose des macrophages intestinaux des poulets contre des bactéries vivantes mettant ainsi en évidence l’activité biologique de ces cellules chez le poulet. Concernant les macrophages présents dans la muqueuse intestinale de la truite arc-en-ciel, différents

auteurs ont illustré une activité de phagocytose in vitro contre des microsphères de latex fluorescentes, des levures ou encore des bactéries vivantes ou inactivées marquées en radioactivité (Davidson and al, 1991; Clerton et al, 2001; Balcazar et al, 2006). En 2001, Clerton et al. ont mesuré la flambée respiratoire produites pas les leucocytes intestinaux après stimulation de ces cellules avec du PMA (phorbol 12-myristate 13-acetate) mais cette réponse reste très faible par rapport à celle enregistrée avec les leucocytes systémiques de la même espèce.

3.1.2 Les cytokines inflammatoires

De nombreuses cytokines sont retrouvées au sein des foyers inflammatoires. Deux d'entre elles, l'interleukine-1 beta (IL-1 ) et le « tumor necrosis factor alpha » (TNF ), jouent un rôle majeur dans l'orchestration de l'inflammation. Sous leur action, de nombreuses cellules produisent des médiateurs lipidiques, des enzymes protéolytiques et des radicaux libres, autant de facteurs directement responsables des effets délétères observés sur les pathogènes. Des cytokines, telles que l'interféron- (IFN ), l'IL-3 ou le « granulocyte-macrophage côlony stimulating factor » amplifient la réponse inflammatoire en augmentant les productions d'IL-1 et de TNF- par les macrophages. Ces derniers sont également à l'origine de la production d'autres cytokines, dites « chimiokines », comme l'IL-8 et le « macrophage chemoattractant protein-l » qui, par leurs propriétés chimiotactiques, participent au recrutement des leucocytes au sein du foyer inflammatoire. L'IL-6, très abondante lors des processus inflammatoires, induit la production par les hépatocytes des protéines de la phase aiguë de l'inflammation. Il en est de même de l'IL-1 , du TNF- , de l'IL-11, du « leukemia inhibitory factor » ou du « transforming growth factor- » (TGF ). Ce dernier possède en outre certaines activités anti-inflammatoires et peut, tout comme l'IL-4, l'IL-10 et l'IL-13, inhiber les productions d'IL-1, d'IL-6, d'IL-8 et de TNF- . Dans une moindre mesure, l'interféron- (IFN ) possède également cette potentialité. Ces cytokines anti-inflammatoires sont également capables de réprimer certaines des activités pro-inflammatoires de l'IL-1 et du TNF- comme, par exemple, l'induction du facteur tissulaire favorisant le processus de la coagulation. En outre, l'IL-4, l'IL-10, l'IL-13 et le TGF ont la capacité d'induire la production de l'antagoniste du récepteur de l'IL-1 qui s'oppose aux activités induites par l'IL-1. Les inhibiteurs naturels du TNF- sont essentiellement les formes solubles des récepteurs du TNF- dont la libération est accrue au cours de l'inflammation. Les glucocorticoïdes ont également la potentialité de limiter la production des cytokines pro-inflammatoires (Cavaillon, 1995). Les glucocorticoïdes peuvent être produits à la suite d'une cascade d'événements enclenchée par l'IL-1 , le TNF- et l'IL-6 impliquant l'axe neuroendocrinien. Ainsi, la notion du « réseau des cytokines », schématisé dans la figure 9, illustre parfaitement la participation de ces médiateurs au cours des mécanismes inflammatoires.

Figure 9 : Représentation schématique des interactions survenant entre les cytokines et les cellules lors de la réponse inflammatoire chez la souris. Schéma réalisé par Shih Michael (PhD) pour le site internet Biocarta.

Plusieurs cytokines liées à l’inflammation ont été depuis longtemps clonées chez le porc, dont le TNF- (Pauli et al., 1989 ; Choi et al., 1991 ; Kuhnert et al, 1991), l’ IL-1 (Huether et al., 1993) et l’IL-8 (Goodman et al., 1992 ; Lin et al., 1994). Les actions de ces cytokines au niveau systémique sont équivalentes à celles observées chez l’humain et ont été décrites par de nombreux auteurs dont Murtaugh qui a résumé en 1994 les principaux travaux effectués sur ces cytokines chez le porc. La production de ces trois cytokines a été aussi étudiée au niveau intestinal. Hyland et al. (2006 a et b) ont décrit une augmentation de l’expression de l’IL-1 et de l’IL-8 dans les plaques de Peyer distales de l’iléum et du jéjunum après une infection par Salmonella enterica alors que le niveau d’expression de TNF- ne change pas.

Un orthologue de IL-1 des mammifères aux propriétés similaires a été mis en évidence chez le poulet (Hayari et al., 1982 ; Weining et al.1998). La chemokine IL-8 a été découverte chez le poulet en 1987 par Bedard et al. et son homologie avec l’IL-8 mammalienne a été confirmée par Kaiser et al en 1999. De plus, plusieurs études ont démontré que les macrophages de poulets étaient capables de sécréter un facteur ayant une activité comparable à celle du TNF- des mammifères (Byrnes et al., 1993 ; Zhang et al., 1995a ; Zhang et al, 1995b). D’autres travaux ont également illustré une augmentation de

la production du facteur de modulation du TNF- chez le poulet en même temps qu’une augmentation de la production de cytokines inflammatoires et qu’une prédominance de la réponse non spécifique après une exposition aux espèces bactériennes Emeria, Salmonella et Clostridium perfringens qui pourrait suggérer l’initiation d’une réponse de type TNF- chez le poulet. (Carvajal et al., 2008 ; Hong et al., 2006 ; Kim et al., 2008 ; Park et al., 2008, Lu et al. 2009). Mais jusqu'à présent l’homologue du TNF- n’a encore été cloné chez le poulet. Au niveau intestinal, il a été démontré que le niveau d’expression d’IL-8 et d’IL-1 augmentait après une infection avec Salmonella (Whithanage et al., 2004) et dans les IEL après une infection par Emeria maxima (Hong et al. 2006). De la même façon, l’expression de l’IL-8 et de l’homologue du facteur d’induction de TNF- augmentent dans l’ileum de poulets infectés par Clostridium perfringens (Lu et al., 2009). Ces résultats semblent donc confirmer que, comme pour les mammifères, IL-1 , IL-8 et l’homologue du facteur d’induction de TNF- ont un rôle majeur dans l’initiation de la réponse inflammatoire du poulet au niveau intestinal.

Plusieurs cytokines ont été identifiées par biologie moléculaire chez les poissons téléostéens au cours des dernières années : l’IL-1 , le TNF- , l’IFN, le TGF- , l’IL-8, l’IL-2, l’IL-6, l’IL-10, l’IL-12, l’IL-15, l’IL-21 ainsi que la première cytokine non mammalienne : l’IL-11, mise en évidence chez la truite arc-en-ciel. Comme pour les mammifères, IL-1 , IL-8 et TNF- sont des cytokines inflammatoires généralement induites dans les phases précoces de la réponse immune (Secombes et al, 2001). Secombes et al. (1999) ont montré que la stimulation des leucocytes in vitro de la truite arc-en-ciel avec les mitogènes PHA (phytohemagglutinin lectin) ou LPS (lipopolysaccharide), deux mitogènes stimulant respectivement la prolifération des lymphocytes T et B, augmente l’expression de l’IL-1 . Plus tard en 2001, Qin et al. ont montré, également chez la truite arc-en-ciel, qu’une protéine de type TNF- aurait le potentiel d’induire l’apoptose, la migration des neutrophiles ainsi que la flambée respiratoire des macrophages. Malgré cela, encore peu de chose sont connues sur l’expression des cytokines dans l’intestin des poissons. Mulder et al. (2007) ont mis en évidence par PCR en temps réel la surexpression des gènes codant pour l’IL-1 , le TNF- 2, l’IFN- et l’IL-8 dans l’intestin proximal de la truite lors d’une infection par la bactérie gram- Aeromonas salmonicida. Cette découverte a été ensuite confirmée par l’étude de Komatsu et al. en 2009 qui ont également démontré, via la même technique, que l’IL-1 , TNF- 2, IL-8, mais également IL-10, IL-11, IL-15, IL-16, IL-18 et TGF- sont produits par les cellules de l’épithélium intestinal de la truite infectée par A. salmonicida. De plus, la plupart de ces cytokines possèdent un haut degré d’homologie avec leurs orthologues mammaliennes (Secombes et al, 2001) ce qui peut suggérer une similarité également d’un point de vue fonctionnel (Du-Hyung et al., 2006).

3.1.3 Le réponse cytotoxique naturelle non spécifique

La cytotoxicité naturelle est un terme appliqué aux cellules immunitaires qui sont capables, sans reconnaissance spécifique préalable, de tuer différents pathogènes ou des cellules transformées ou infectées. Les lignées de cellules immunitaires qui ont cette fonctionnalité sont les cellules tueuses naturelles ou NK chez les mammifères et les oiseaux et les cellules cytotoxiques naturelles (NCC) chez les poissons. Au niveau systémique, les propriétés cytotoxiques des NCC sont comparables à celles des cellules NK des mammifères et sont sans doute leur précurseur dans l’évolution (Yoder, 2004). Les NCC, à l’opposé des NK, ne contiennent pas de granules intra-cytoplasmiques de grande taille et sont morphologiquement plus petites.

Chez le porc, l’étude de Wilson et Bourne réalisée en 1986a semblent indiquer que les IEL ne contiennent pas de population cellulaire exprimant des caractéristiques des NK. Effectivement ils n’ont obtenu aucun pourcentage de lyse naturelle avec leur essai au chrome 51 sur 16h utilisant la lignée humaine K562 en cellules cibles. Par contre ils ont détecté une forte réponse lorsque la réponse cytotoxique était enregistrée en présence de PHA-P, il semble donc probable que cette cytotoxicité soit due aux lymphocytes T cytotoxiques chez le porc.

Au contraire, une activité cytotoxique naturelle a été observée chez le poulet. Lillehoj et Chai ont démontré pour la première fois en 1988 que les IELs de poulet contenaient une population de lymphocytes ayant les propriétés cytotoxiques vis à vis de lignées cellulaires tumorales de poulet similaires aux NK. Il semblerait aussi que l’activité de ces cellules soit supérieure dans le jejunum et l’ileum par rapport au ceacum. L’ensemble de leurs conclusions suggèrent donc fortement que ces cellules sont des NK.

Chez la truite arc-en-ciel, à l’instar de ce qui est observé chez les mammifères et oiseaux, il demeure difficile d’associer l’activité de NCC des leucocytes de poissons à une population cellulaire d’origine précise. Certaines études ont mis en évidence au niveau intestinal la fonction cytotoxique naturelle non spécifique chez la truite arc-en-ciel. McMillan et Secombes (1997) ont mesuré une réponse cytotoxique non spécifique des IEL de la truite arc-en-ciel contre la lignée cellulaire EL4 de souris. De la même manière Zhang et al. (2001) ont démontré que la truite arc-en-ciel exprime le gène NKEF qui est en fait un facteur qui renforce l'action des cellules tueuses naturelles chez les mammifères.